Lieu: Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Sfax
Accusés et qualité au moment des faits :
Idris Guiga, Ministre de l’Intérieur à l’époque
Abdelhamid Skhiri, Chef de poste de police
Mohamed Amer Ghedira, Officier de la garde nationale
Youssef Baraket, Chef d’état-major de l’Armée de terre
Abdel Kader Zitoun , Gouverneur de Sfax
Chef du poste de police de Agareb
Chef du poste de police de Hancha
Chef du poste de police de Jebenyana
Chef des unités d’intervention
Agents de la brigade d’intervention de Sfax en 1984
Abdelhafidh Tounsi
Sleh-Eddine Jelassi
Mohamed Guetari
Mohamed Bouguerra
Faits:
Les faits se sont déroules les 3 et 4 janvier 1984 à Sfax à l’occasion des « émeutes du pain » qui ont eu lieu entre le 27 décembre 1983 et le 6 janvier 1984. Les émeutes ont été déclenchées par l’annonce gouvernementale de la hausse des prix des produits céréaliers, impactant directement le prix du pain. Les manifestations ont commencé dans le sud du pays pour atteindre Tunis le 3 janvier 1984. Leur répression a entraîné la mort de dizaines de personnes et des centaines de blessés furent à décompter. Le 6 janvier 1984, le président de l’époque, Habib Bourguiba, mît fin aux émeutes en annonçant l’annulation des augmentations lors d’une allocution télévisée.
Le dossier a été transmis à la chambre spécialisée de Sfax par l’Instance Vérité Dignité (IVD) le 12 septembre 2018.
Le processus de justice transitionnelle tunisien s’inscrit dans un cadre contextuel va au-delà de la chute d’un régime autoritaire. Les violations graves des droits humains subies en Tunisie étaient surtout motivées par un souci de protéger et de garantir les intérêts personnels d’un groupe restreint qui visait à accaparer les richesses du pays au détriment de sa population. Cette politique a conduit au développement d’inégalités majeures entre différentes catégories de la population et de zones géographiques entières, avec la marginalisation de régions. Elle a été notamment rendue possible par la mise en œuvre d’un système centralisé, autoritaire, corrompu ou basé sur le clientélisme. Les revendications en Tunisie ne sont donc pas seulement liées aux violations de droits civils et politiques, mais également formulées en termes respect des droits économiques et sociaux, de lutte contre la corruption, d’égalité des chances dans le domaine économique et du développement. Cette particularité du contexte tunisien explique la nécessité d’une approche particulière de justice transitionnelle.
Le cadre de justice transitionnelle tunisien repose sur la loi organique 2013-53 adoptée par l’Assemblée Nationale Constituante le 15 décembre 2013. Cette loi établit un ensemble de mécanismes visant à rechercher la vérité sur les violations des droits humains commises entre 1953 à 2013, à commencer par l’Instance Vérité et Dignité (IVD), chargée de faire la lumière sur ces violations et mettre en place un fonds pour la réparation des préjudices. L’IVD est également compétente pour transférer des dossiers d’auteurs présumés de telles violations auprès de chambres spécialisées, qui sont alors chargées d’enquêter et poursuivre au pénal ces personnes.
L’IVD a achevé son mandat le 31 décembre 2018, après quatre années d’enquêtes qui auront vu le dépôt de 62720 dossiers et l’audition de 49654 personnes. Le2 mars 2018, l’IVD a transmis son premier dossier aux chambres spécialisées, concernantl’affaire emblématique de « Kamel Matmati » à Gabès. Elle a depuis tranmis un total de près de 180 dossiers aux 13 chambres situées sur l’ensemble du territoire tunisien.
Dans le cadre du projet « La Roujou3 » ou « Never again », Avocats Sans frontières a mis en place une stratégie d’observation constituée d’un pool de 16 avocats sélectionnés et formés afin de veiller à la bonne application des principes du procès équitable.