Atmosphère générale
A l’entrée du tribunal, la famille de la victime et des activistes de l’Union générale tunisienne des étudiants (UGTE – branche syndicale étudiante proche de la mouvance islamiste) s’étaient présentés avec des affiches, des communiqués et des banderoles.
Ils sont restés durant la première heure du procès. Etaient également présents les membres de la famille de la victime, des représentants de la société civile, des avocats des victimes, ainsi que d’une avocate observatrice de la section régionale des avocats de Sousse.
Aucun accusé n’était en revanche présent, certains n’étant toujours pas formellement identifiés.
Le Président de l’audience a autorisé le public à prendre des photos et enregistrer l’audience, dans un souci de permettre la documentation du processus, alors que la salle n’était pas occupée de matériel audio ou vidéo. Cette autorisation ne s’appliquait toutefois pas au témoignage de l’agent K, sur demande de ce dernier. Les mesures de protection des témoins étaient relativement inefficaces, l’observateur ayant pu identifier le témoin dans l’isoloir, en dépit des précautions prises.
Déroulement de l’audience
L’audience était présidée par trois nouveaux magistrats par rapport à la première audience. Le président a commencé par un rappel des faits, la citation des accusés, des titres d’accusation ainsi que des victimes parties au procès.
Trois témoins ont été appelés à la barre pour être auditionnés. Leur audition s’est révélée très minutieuse, grâce à la pertinence des questions posées par le Président du tribunal, qui prenait note de l’essentiel des témoignages.
Audition du témoin KH :
Il étudiait à la même université que la victime, il fut arrêté et détenu en même temps que cette dernière au district de police de Sousse. KH a décrit les conditions de torture, qui se déroulaient au deuxième étage du district, tandis que les geôles se trouvaient au sous-sol. Le témoin aurait vu des agents emporter le corps d’une personne recouverte d’un drap qui pourrait, selon lui, être celui de la victime.
Audition du témoin K :
Il était agent de police opérationnel au district de Sousse au moment des faits. Il a demandé à bénéficier des mesures de protection des témoins et a ainsi comparu dans un isoloir. K a déclaré avoir entendu ses collègues proposer d’emmener le corps de la victime vers l’hôpital Farhat Hached de Tunis afin d’établir un rapport médical mais il n’était pas en mesure de confirmer si ce transfert avait bien eu lieu. Lors de son témoignage, il a notamment cité le nom de son supérieur hiérarchique, les noms des agents chargés des interrogatoires, le nom du chef de la brigade des renseignements et du chef du district qui étaient en fonction au moment des faits. Le témoin a été limogé de son travail en juin 1991 puis condamné à 6 ans de prison par le tribunal militaire pour appartenance à la mouvance islamiste et atteinte à la sécurité de l’Etat. Il a affirmé avoir lui-même été torturé suite à son arrestation.
Audition du témoin Z :
Il était ami avec la victime et étudiant à Sousse et activiste au sein de la mouvance islamiste, également arrêté au district de police de Sousse et détenu en même temps que la victime. Il a confirmé le témoignage de KH sur l’agencement du district. Se disant également victime de torture, il a cité les noms de plusieurs de ses tortionnaires présumés et de l’officier chargé de ces opérations. Il a confirmé avoir rencontré la victime durant le 4ème jour de son arrestation, qui gisait par terre, inconsciente. Son corps aurait alors été entouré d’un drap et emporté par au moins quatre agents. Il considère qu’il s’agissait de la victime, qu’il avait entendu peu de temps auparavant demander de l’eau de manière répétée. Z a par la suite été convoqué au siège du ministre de l’Intérieur pour répondre à des questions en lien avec la victime.
A la suite de ces témoignages, le procureur a demandé le report de l’audience pour convoquer à nouveau les accusés, vérifier les véritables identités de deux d’entre eux (les agents A.A et B.H), et émettre à leur encontre une interdiction de quitter le territoire. Les avocats des parties civiles ont soutenu cette requête, demandant en outre que soient mis à disposition de la justice les dossiers judiciaires relatifs à la victime, ainsi qu’au témoin K.
Après avoir levé la séance pour délibération, le président a déclaré recevables les requêtes du ministère public et ordonné que la prochaine audience ait lieu le 18 janvier 2019.