Cheka et al.

Cour militaire opérationnelle de Goma

Democratic Republic of Congo

May 24, 2019 - June 21, 2019

Instruction des crimes commis à Pinga : la responsabilité hiérarchique de Cheka de nouveau en question

L’examen des charges prévu le 24 mai a été retardé par une motion déposée par Cheka, visant à ce que lui soit restituée une clé USB contenant toutes les preuves de sa défense et confisquée par la Cour lors d’une audience précédente. Le prévenu a ajouté qu’il ne répondrait à aucune question de la Cour tant qu’il ne l’aurait pas récupérée, demande refusée par le Président qui lui a rétorqué de ne pas donner d’instructions à la Cour.

L’audience du 13 juin a par ailleurs été marquée par les déclarations de l’un des avocats du prévenu Cheka, qui a fait savoir à la Cour qu’il avait à deux reprises fait l’objet de menaces de la part d’hommes armés. Ces hommes lui ont clairement fait savoir qu’il n’irait pas au bout du dossier de Cheka. La Cour a tout d’abord cherché à en savoir plus sur ces menaces avant que l’avocat de la RDC ne lui suggère d’éviter de traiter cette question en audience publique, afin de ne pas davantage exposer cet avocat.

L’examen des charges a remis la responsabilité hiérarchique de Cheka au cœur des débats. Cheka est accusé d’avoir engagé sa responsabilité en tant que commandant en chef autoproclamé à Mutongo et Pinga, ainsi que dans d’autres villages du territoire de Masisi. A ce titre, il n’aurait pas exercé le contrôle effectif dont il disposait pour empêcher ou réprimer la commission de crimes graves (meurtres, mutilations des cadavres, viols, etc.) commis par les membres du NDC dans ces villages ou n’en aurait pas référé aux autorités compétentes.

Cheka a de nouveau affirmé ne jamais avoir été le chef hiérarchique du NDC et qu’il ne faisait que signer les correspondances au nom du véritable chef du NDC, T6, afin de préserver le secret autour de l’identité de ce gardien de coutume. A sa mort, Guidon aurait alors pris le commandement du mouvement. L’accusé a maintenu que les FDLR étaient une création de l’Etat congolais, le second fournissant des armes au premier. La RDC serait en outre la vraie responsable derrière les agissements du NDC. Il a cité en appui les déclarations du prévenu Zitonda alias Lionceau, qui a pourtant nié tout lien avec Cheka une fois appelé à la barre, réaffirmant qu’il n’était pas un membre des FDLR mais un militaire congolais envoyé pour négocier avec ceux-ci. La Défense a en outre annoncé au cours de l’audience du 13 juin qu’elle serait en mesure de produire les preuves de l’implication de la RDC au moment venu, reprochant par là-même au Ministère Public de ne pas avoir suffisamment enquêté en profondeur sur les différentes collaborations entretenues par le NDC.

Les avocats de la RDC ont dénoncé ce retournement, considérant que ces déclarations n’avaient pas de sens et contredisaient la position antérieure de l’accusé selon laquelle seul T6 se trouvait à la tête du NDC.

Les parties civiles ont toutefois confirmé l’implication de la RDC, estimant que certaines autorités politico-administratives semblaient avoir collaboré avec l’accusé. Selon elles, les mouvements rebelles en RDC sont soutenus d’une façon ou d’une autre par l’Etat, soit par complicité, soit par négligence. Elles n’en ont pas moins maintenu leur position selon laquelle l’accusé était bien le commandant du NDC.

Le Ministère public a quant à lui réfuté ces allégations et ajouté que la loi ne parlait pas de « commandant en chef » mais bien de « supérieur hiérarchique » tandis que l’art. 28 du Statut de Rome mentionnait le terme « chef militaire ». Le Ministère public en a ainsi conclu que Cheka était clairement le supérieur hiérarchique du NDC, quel que soit le nom qui lui était attribué, qu’il donnait les ordres à ces troupes et en avait donc la responsabilité.

L’examen de la responsabilité hiérarchique s’est poursuivi le 21 juin mais Cheka a finalement refusé de répondre à plus de questions, estimant que le débat sur la question de sa place de supérieur hiérarchique au sein des NDC avait fait l’objet d’assez de débats.

A l’issue de ce débat, la Cour a suspendu l’audience et renvoyé la cause au 27 juin 2019 pour l’audition des victimes de Pinga.