December 27, 2018 - January 29, 2019
Vols à main armée ou crimes contre l’humanité? L’instruction des charges contre le prévenu Zitonda
L’audience du 27 décembre 2018 a marqué le début de l’instruction. La Cour a tout d’abord procédé à l’instruction de la cause nouvellement inscrite sous RP 0191/017, laquelle oppose le ministère public (Auditeur supérieur militaire) et les parties civiles aux prévenus Cheka et Zitonda.
La Cour a tout d’abord appelé à la barre le prévenu Zitonda pour instruction des cinq charges retenues contre lui. Appelé à répondre aux questions de la Cour sur les faits qui lui sont reprochés, notamment la participation à un mouvement insurrectionnel, le prévenu a contesté toutes les allégations contenues dans les procès-verbaux (PV) rédigés par le ministère public.
Son avocat a par ailleurs introduit devant la Cour un mémoire unique tendant à solliciter l’annulation des PV d’audition des victimes, ainsi que de ceux dressés devant l’Office du Ministère Public. L’avocat arguait en effet de multiples violations des droits de la défense, à commencer par l’arrestation de son client qui serait intervenue dans des conditions dramatiques et traumatisantes. Il a également dénoncé la verbalisation des victimes par leurs conseils en lieu et place d’un officier de police judiciaire, ainsi que l’audition de son client sans assistance et sans information préalable de ses droits.
Le 10 janvier 2019, la Cour a suivi les recommandations du Ministère Public et des avocats des parties civiles. Elle a ainsi déclaré cette requête irrecevable sur la base de l’article 246, al. 2 du Code Judiciaire Militaire, le mémoire n’ayant pas été déposé avant le débat sur le fond (in limine litis) puisqu’intervenu en séance publique, pendant que le prévenu comparaissait pour répondre aux faits qui lui étaient reprochés.
La Cour a alors poursuivi avec l’instruction de la cause inscrite sous RP 0191. Appelé à répondre des charges de viols de masse et de pillage avec armes de guerre dans le village de Luvungi, le prévenu Zitonda a plaidé non coupable. Il a rejeté les allégations contenues dans les procès-verbaux du ministère public, et a demandé à ce que la Cour puisse le confronter aux victimes.
Le 15 janvier 2019, la Cour a estimé que l’infraction de pillage ne pouvait être retenue à charge contre lui puisqu’il n’était pas militaire et a dès lors requalifié les faits en vol à main armée, infraction prévue et punie par le code pénal militaire congolais. Cette requalification a suscité un débat, les avocats des parties civiles approuvant le principe de la requalification, mais considérant que les faits de vandalisme, vol et destruction des biens étaient, de par leur gravité, constitutifs d’actes inhumains et donc de crimes contre l’humanité (art. 7.1 du Statut de Rome). Le Ministère public et les avocats de la défense ont quant à eux approuvé la requalification observée par la Cour.
Cette question a été tranchée lors de l’audience du 29 janvier 2019. Tout en rappelant que la qualification d’une infraction au cours du procès était effectivement provisoire, la Cour a toutefois confirmé la requalification de vol à main armée à ce stade de l’instruction, conformément à l’article 256 du code judiciaire militaire.
Une charge de crimes contre l’humanité a toutefois été examinée, Zitonda étant accusé d’avoir, comme co-auteur dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique lancée contre la population de Luvungi, astreint des personnes civiles à transporter des biens volés sur de longues distances, causant ainsi de grandes souffrances et des atteintes à leur santé physique et mentale. Les crimes auraient été commis alors qu’il était étant commandant du bataillon Montana des FDLR et coordonnateur des opérations, conjointement avec les chefs coalisés des mouvements Nduma Defense of Congo (NDC) et le Front Patriotique pour la Libération du Congo (FPLC), ce que Zitonda a réfuté en bloc, arguant qu’aucune preuve n’étayait une telle accusation. L’avocat de la défense a en outre reproché au Ministère public son manque de précision sur le rôle présumé du prévenu dans l’affaire.
En réponse, tant le Ministère public que les avocats des parties civiles ont mis en avant l’existence de procès-verbaux et de témoignages de personnes reconnaissant formellement le prévenu comme l’auteur des faits reprochés. Le Ministère public a en outre précisé le mode de responsabilité allégué, à savoir la participation criminelle conjointe (avec les personnes sous son commandement à Luvungi) telle qu’envisagée à l’article 25 (a) du Statut de Rome.
La Cour a suspendu l’audience et renvoyé la cause à l’audience du 31 janvier 2019.