Le Comité National Tunisien de Défense des Libertés et de la Démocratie, Avocats Sans Frontières, EuroMed Droits et l’Institut Tahrir pour la politique au Moyen-Orient ont déposé aujourd’hui une plainte conjointe auprès du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire au nom de huit prisonniers et prisonnières politiques tunisien.ne.s détenu.e.s arbitrairement sur la base d’accusations de complot contre la sûreté de l’État.
Les organisations se félicitent de la libération provisoire des deux détenu.e.s Chaima Issa et Lazhar Akermi dans la soirée du 13 juillet et appellent les autorités tunisiennes à abandonner immédiatement les charges retenues contre eux.elles et contre tou.te.s les prisonnier.ère.s politiques tunisien.ne.s poursuivi.e.s et/ou détenu.e.s pour avoir simplement exercé leurs droits civils et politiques, et à mettre fin à toutes les pratiques visant à restreindre le droit à la participation politique et à la liberté d’expression et de réunion pacifique en Tunisie.
La plainte a été déposée au nom de Khayam Al Turki, Chaima Issa, Abdelhamid Al Jelassi, Issam Al Chebbi, Ghazi Al Chaouachi, Ridha Belhaj, Jaouhar Ben M’barek et Lazher Al Akremi. Ces huit figures de l’opposition politique ont été détenues arbitrairement dans le cadre de l’enquête « Complot contre la sûreté de l’État ». Elles ont été arrêtées par la brigade antiterroriste du Ministère de l’intérieur entre le 11 et le 25 février 2023, sur la base de fausses accusations et d’allégations peu convaincantes. Elles ont ensuite été inculpées d’accusations extrêmement graves en vertu d’articles de la Loi antiterroriste et du Code pénal tunisien, notamment d’affiliation à un groupe terroriste, de complot contre la sûreté de l’État et de tentative de renversement du gouvernement. Une fois déclarées coupables, elles risquent de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort.
« Nos organisations considèrent la détention des huit membres de l’opposition politique dans cette affaire comme des représailles directes contre eux.elles pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, y compris le droit de participer à une opposition politique pacifique. Il.elle.s ont critiqué les mesures antidémocratiques et anticonstitutionnelles mises en œuvre par le Président depuis juillet 2021, ce qui a causé la privation de leur liberté et mis leur vie en danger en cas de condamnation », a déclaré Wadih Al-Asmar, président d’EuroMed Droits.
Dans la requête, les organisations ont démontré comment l’arrestation, l’enquête et la détention prolongée des huit membres de l’opposition politique violaient les droits humains fondamentaux que la Tunisie s’était engagée à respecter en vertu de sa Constitution et des traités internationaux sur les droits humains, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
« Nos organisations ont constaté que les autorités tunisiennes violaient les droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique, à la liberté de participer aux affaires publiques, au droit de ne pas être privé.e arbitrairement de sa liberté et au droit à un procès équitable. Les autorités tunisiennes doivent respecter les engagements qu’elles ont pris en vertu du droit national et international et mettre fin à ces violations systématiques », selon Mai El-Sadany, dirigeante de l’Institut Tahrir pour la politique au Moyen-Orient.
Les droits des victimes ont également été violés dès le départ lorsque le Président a publiquement violé le principe de la présomption d’innocence en les qualifiant de « terroristes » et en les accusant de « comploter pour attaquer l’État et d’attiser les tensions sociales ». De surcroît, l’enquête a été marquée par des interférences et des pressions éhontées du Président Kais Saïed sur le pouvoir judiciaire. Le président Saïed porte systématiquement atteinte à l’indépendance judiciaire depuis juillet 2021. Après avoir dissous le Conseil supérieur de la magistrature et limogé arbitrairement 57 juges, il avait publiquement demandé au ministère public d’accélérer les enquêtes et les poursuites à l’encontre des accusé.e.s en question.
« Il s’agit d’une enquête et de poursuite hautement politisées. Les accusations sont sans fondement et l’objectif des autorités est clairement de faire taire toutes les voix critiques et de mettre fin au pluralisme politique dans le pays. Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large de la dissidence pacifique en Tunisie, visant à étouffer toute opposition », déclare Antonio Manganella, directeur pour la région méditerranéenne d’Avocats Sans Frontières.
Pour sa part, Ayachi Hammami, président du Comité National Tunisien de Défense des Libertés et de la Démocratie, a considéré que « Le Président Kais Saïed mène le pays vers un système autoritaire. Au lieu de s’attaquer à toutes les voix critiques, les autorités devraient œuvrer pour rétablir un régime démocratique dans le pays et favoriser un dialogue social sain avec tous les acteurs sociaux et politiques afin de relever les différents défis auxquels le pays est actuellement confronté ».
Organisation signataires
- Avocats Sans Frontières
- Comité National pour la Défense de la Liberté et de la Démocratie
- EuroMed Droits
- The Tahrir Institute for Middle East Policy