Arama et autres

Référence

RMP n°0351/KNG/022, RP n°026-027/028-023

Pays

Congo (République démocratique du)

Ituri

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

avril 21, 2023

Crimes/ violations

Crimes de Guerre, Le Droit à la Vie, Pillage et destruction de Biens

Parties impliquées

Défendeurs : 21 membres FARDC

  • Unité : 13 de l’unité 3206 ; 6 de l’unité 1301 ; 1 de l’unité Bn Cadres ; 1 de l’unité Bn PM
  • Grade : 3 Colonels FARDC ; 2 Lieutenants Colonels ; 1 Major ; 3 Capitaines ; 1 Commandant ; 1 Lieutenant ; 4 Sous-Lieutenants ; 1 Adjudant-Chef ; 5 Fusiliers.
  • Lieu de déploiement : 3 à ITENDEY ; 11 à BAMBU ; 7 à KOBU

Civilement responsable : République Démocratique du Congo

Parties civiles : 80 victimes directes

Résumé de la décision

Responsabilité des accusés

Crime de guerre

  • Par meurtre 3 prévenus acquittés et un prévenu condamné
  • Par mutilation : 2 prévenus condamnés
  • Par attaque au personnel humanitaire : La Cour n’a pas été en mesure d’établir la matérialité de ce crime à l’égard des deux prévenus en raison d’un doute sur l’heure de l’attaque et l’identité des auteurs.
  • Par pillage : 15 prévenus condamnés et 2 acquittés

Pour chaque prévenu reconnu coupable, la Cour a jugé qu’il y avait lieu de retenir de « très larges circonstances atténuantes » :

  • Service loyal et prolongé à l’État congolais
  • Spécialiste tireur
  • Délinquant primaire
  • État de santé précaire
  • Retraite
  • Père de famille nombreuse
  • Jeune âge
  • Coopération avec la justice
  • Capacité à servir encore la nation
  • Restitution des objets pillés, qui n’étaient pas de grande valeur

Avec admission de ces circonstances, les prévenus ont été condamnés à

  • crime de guerre par meurtre : 5 ans de servitude pénale principale
  • crime de guerre par mutilation de cadavre : amendes de 300.000 à 500.000FC (avec une peine subsidiaire de 6 mois de servitude pénale)
  • crime de guerre par pillage : 1 à 5 ans de servitude pénale principale

Responsabilité civile de la RDC

La Cour a établi la responsabilité de l’État congolais en se fondant sur la présomption de faute de l’administration dans le choix et la surveillance de ses agents, jugeant l’État responsable des cas de pillages, meurtres et mutilations de cadavres commis par les militaires, en raison de son manquement à sa mission de protection des populations civiles.

Réparations

La Cour déclare non recevable les actions de 249 parties civiles ayant sollicitées une dispense de consignation des frais, car la Cour n’avait pas déféré à leur demande (p. 78)

Elle a jugé fondées les actions en réparation introduites par les 80 parties civiles, et a condamné l’ensemble des prévenus in solidum avec l’État congolais à payer des indemnités pour les préjudices subis :

  • meurtre : 3000$
  • pillage : 1500$
  • incinération : 500$
Résumé des faits

Depuis 2020, la province de l’Ituri, plus particulièrement les territoires de Djugu, Mahagi et une partie d’Aru, subit une vague d’insécurité sans précédent due à l’émergence du groupe armé CODECO. Les jeunes membres de ce groupe se sont illustrés par des actes de tueries, de pillages, d’incendies d’habitations et d’attaques contre la population civile.

Afin d’entraver une mission de l’État-Major Général des FARDC à Kilo, CODECO a décidé de bloquer la route Kilo-Bambu. Face à cette situation, les FARDC ont lancé une offensive pour rouvrir l’itinéraire bloqué par les combattants CODECO, déployant des bataillons à Itendey, Kobu, Bambu et Kilo. Ces déploiements avaient pour objectif de mener des offensives contre les combattants CODECO en vue de rétablir l’ordre public et restaurer l’autorité de l’État.

À la suite de ces opérations militaires, des rapports établis par les organisations locales et la MONUSCO ont fait état d’exactions commises, durant la période allant du 29 Juillet au mois de décembre 2021, tant par les miliciens de CODECO que par les militaires loyalistes des FARDC, y compris des actes constitutifs de crimes de guerre. Ces rapports ont conduit à l’ouverture d’enquêtes judiciaires impliquant les prévenus, comprenant des officiers supérieurs, subalternes, ainsi que des soldats des FARDC.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Procédure

Preuve : La Cour a mis en avant l’importance des aveux des prévenus, tout en rappelant que ceux-ci doivent être accueillis avec prudence. Aucun type de preuve ne s’impose de manière absolue au juge, les preuves devant être produites en audience et recueillies selon les règles de droit (p. 54-55).

Le fait de tirer des informations de la mort de la victime ne suffit pas pour incriminer l’accusé, il faut encore démontrer qu’il est l’auteur (p. 61).

Substance du droit

Prise en compte de très larges circonstances atténuantes : La Cour a reconnu un très large éventail de circonstances atténuantes fortement questionnables, réduisant considérablement la peine des prévenus (p. 69 et s.). Par exemple, le fait que le prévenu « puisse encore servir la nation », soit « père de famille nombreuse » ou encore « Spécialiste tireur ».

Thèse de l’approche « fonctionnelle » de la participation directe aux hostilités : La Cour a établi la culpabilité d’un prévenu en se fondant sur le fait qu’il n’y avait pas d’hostilité entre les FARDC et les combattants CODECO au moment de l’incident, et que le prévenu avait tiré sur une personne qui n’avait pas participé aux combats (>< thèse de l’appartenance).

Responsabilité du supérieur hiérarchique : La Cour a considéré l’absence de responsabilité du chef hiérarchique en raison de la distance de 75km entre le lieu où opérait le bataillon et la base de l’état-major. Selon la Cour « cette distance pose une sérieuse difficulté en terme de capacité pour le prévenu de prendre rapidement des mesures nécessaires en vue d’empêcher à ses troupes de commettre les pillages. Cela le décharge de sa prévention. » (p. 51).

L’éloignement géographique d’un supérieur hiérarchique ne peut être considéré comme le seul facteur permettant d’établir l’existence d’un contrôle effectif, et par conséquent, de la responsabilité. Ce critère doit être analysé dans son contexte, en tenant compte de la réalité opérationnelle et de l’organisation interne du groupe armé (CPI, Le procureur c. Bemba, appel, 8 juin 2018).

Réparation et indemnité

Montant : Les montants sont complètement dérisoires par rapport aux jurisprudences précédentes (p. 78) Par exemple, 3.000$ sont alloués pour meurtre contrairement à 15.000$ (Miriki, Kavumu) ou 10.000$ (Bokila, Lokana Gokpa, Lifoma) et 500$ sont alloués pour mutilation de cadavre contrairement à 3.000$ en moyenne (Tsumbu Dirokpa).