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Lien vers les décisions : Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu et Cour Militaire du Sud-Kivu
Référence
RPA N°0529/020
Pays
Congo (République démocratique du)
Sud-Kivu
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
mai 24, 2022
Crimes/ violations
Meurtre, Participation à un mouvement insurrectionnel, Terrorisme
Parties impliquées
Défendeurs : 3 prévenus membres du groupe armé Raia Mutomboki
Parties civiles : 22 parties civiles victimes de divers crimes, tels que le meurtre, l’atteinte à l’intégrité physique, le vol, l’extorsion, et les actes de terrorisme
Civilement responsable : République Démocratique du Congo.
Résumé de la décision
En première instance, le Tribunal a condamné les trois prévenus pour crimes contre l’humanité à des peines de 10, 15 et 20 ans de servitude pénale principale, sans admission des circonstances atténuantes. La Cour dira partiellement fondés les appels des prévenus et annulera le jugement entrepris quant à la qualification des faits.
Responsabilité des accusés
La Cour condamne les 3 prévenus pour meurtre et terrorisme, au motif que les actes commis par les accusés l’ont été de manière fortuite, isolée et spontanée dans le but de chercher à se faire respecter et de se faire craindre par les habitants des localités.
Un prévenu est condamné pour participation à un mouvement insurrectionnel en raison de son adhérence volontaire au groupe armé RAIA MUTOMBOKI de MANJINGA.
La Cour réduit donc les peines des prévenus à 10 ans de servitude pénale principale.
Responsabilité civile de la RDC
La Cour met hors cause la RDC au motif qu’il n’existe aucun lien de commettant à son préposé entre les trois prévenus et l’Etat Congolais.
La Cour explique que bien qu’un prévenu soit militaire des FARDC, les faits pour lesquels il répond remontent à l’époque où il était encore civil.
Réparations et indemnités
La Cour condamne chacun des prévenus, selon le bon sens et l’équité, dû à l’absence au dossier des éléments d’appréciation objective. La Cour réduit les montant alloués pour crimes contre l’humanité par torture et pillage (3.000$) et meurtre (30.000$) au montants suivants :
- Meurtre : entre 1.000$ et 2.500$
- atteinte à l’intégrité physique : 400$
- vol et extortion : 300$
Résumé des faits
Entre 2016 et 2017, les prévenus, originaires de Bukanga, dans le territoire de Kalehe (Sud-Kivu), ont instauré un climat de terreur dans plusieurs localités, notamment Lungomangoma, Bitalé, Bulambika, Miruwa, Bukanga, Cibimbi, Chachoboka, et le parc de Kahuzi-Biega.
Initialement membres d’un groupe d’autodéfense créé pour protéger la population contre les FDLR, ils rejoignent le mouvement armé Raia Mutomboki de Manjinga après le départ des FDLR. Portant des armes de guerre, ils imposent leur autorité à travers des meurtres, des extorsions, des actes de torture et de séquestration.
Les prévenus, bien que liés au groupe armé Raia Mutomboki, ont nié leur implication active. Cependant, leurs déclarations contradictoires, les témoignages des victimes, les procès-verbaux, et les présomptions retenues par la Cour établissent leur responsabilité dans les actes qui leur sont reprochés.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Substance du droit
Requalification des faits : La Cour rappelle que la juridiction peut requalifier, disqualifier ou déqualifier les faits. Autrement dit, elle peut modifier la qualification juridique qui lui est proposée dans n’importe quel sens. Par conséquent, elle considère que les actes répréhensibles n’ont pas été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, mais de manière fortuite, isolée et spontanée. Ils seront donc disqualifiés en infraction de terrorisme (p. 21).
Terrorisme : « en parlant d’une entreprise individuelle ou collective, le législateur envisage la possibilité d’un individu qui réalise isolément son forfait ou en participation criminelle, soit comme auteur matériel, soit comme auteur intellectuel, c’est-à-dire instigateur (celui qui recrute les exécutants des actes terroristes, celui qui finance ces activités ou offre un quelconque moyen de leur réalisation, etc.). En termes clairs, les actes terroristes peuvent être commis soit par un individu, soit par un groupe d’individus adultes. » (p. 22).
Réparation
Compétence de la Cour : « l’infraction étant individuelle, les prévenus poursuivis dans cette affaire ne peuvent répondre des faits d’autrui, dès lors, qu’il a été constaté que, les mêmes faits sous examen, auraient également été commis, par des personnes autres que ces trois prévenus, quoi que dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, ne pourra faire de la Cour, compétente d’examiner leurs actions. » (p. 29).
Montant des indemnités : La Cour réduit drastiquement le montant alloué à chaque victime pour meurtre entre 1.000$ et 2.500$, contre 30.000$ alloué par le Tribunal en première instance.
La Cour ne donne pas de justification spécifique pour la réduction des dommages et intérêts. Elle précise qu’elle se déclare incompétente pour examiner les actions de 12 parties civiles au motif que les mêmes faits sous examen, auraient également été commis par des personnes autres que ces trois prévenus, quoi que dans les mêmes circonstances de temps et de lieu (p. 29).