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Lien vers les décisions : Cour Militaire du Sud-Kivu Bukavu et Haute Cour Militaire
Référence
RPA n°047/2011
Pays
Congo (République démocratique du)
Sud-Kivu
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
juillet 10, 2020
Crimes/ violations
Crimes Contre l'Humanité, Terrorisme, Viol et violences sexuelles
Parties impliquées
Défendeurs : 11 membres FARDC de l’unité 43e secteur déployés à FIZI composés d’un lieutenant-colonel, de trois Majors, de deux Adjudants-chefs, d’un Adjudant, de trois Soldat de 2e classe et d’un caporal.
Civilement responsable : République Démocratique du Congo
Parties civiles : 94 victimes directes de la localité de FIZI
Résumé de la décision
En première instance, neuf des onze militaires ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité et de terrorisme, condamnés à des peines de 10 à 20 ans de servitude pénale. Des circonstances atténuantes ont été retenues, telles que leur statut de délinquant primaire, leurs services rendus à la nation, leur bas niveau d’instruction et leur mentalité fruste. En appel, la Haute Cour Militaire a confirmé les condamnations mais a réduit le montant des peines suite à l’admission de circonstances atténuantes.
Responsabilité des accusés
La Cour a établi la responsabilité du Lieutenant-colonel pour avoir incité ses subordonnés à tuer des civils et pour un viol. Les autres prévenus ont été reconnus coupables d’arrestations arbitraires, tortures, pillages et viols. Cependant, un prévenu a été disculpé : bien qu’il était sur le lieu du crime, il n’a posé aucun acte répréhensible et était dans l’incapacité d’intervenir pour empêcher la commission du crime par suite d’une contrainte irrésistible.
La Haute Cour admet certaines circonstances atténuantes en faveur des prévenus telles que le fait d’être un délinquant primaire, d’avoir rendu de loyaux services pendant plus de 20 ans à la nation, d’avoir un bas niveau d’instruction et une mentalité fruste, et réduis les peines qui avaient été prononcées par la Cour militaire (10 à 20 ans de servitude pénale principale) à des peines de 9 ans de servitude pénale principale.
Responsabilité civile de la RDC
Selon la Cour, l’État engage sa responsabilité civile car ce sont ses militaires qui ont commis les crimes, et parce qu’il a manqué à sa mission de sécuriser la population et ses biens.
Réparations et indemnités
La Haute Cour Militaire confirme la décision du premier juge de condamner tous les prévenus reconnus coupables in solidum avec l’État congolais, civilement responsable, à leur payer des dommages et intérêts pour chaque crime commis :
- 10.000 USD pour toutes les victimes de viol ;
- 1.000 USD pour les victimes d’emprisonnement ;
- 200 USD pour les victimes de coups et blessures volontaires ;
- 500 USD pour les victimes de vols et extorsions
La Cour dit irrecevable la demande de construction d’une école à FIZI
Résumé des faits
Le 1er janvier 2011, à Fizi, province du Sud-Kivu, un incident a impliqué le Caporal Petro NDAISABA, qui, en état d’ébriété, a tiré sur un civil suite à une dispute. Après avoir été blessé, NDAISABA a été pourchassé et tué par une foule en colère. Informé de la mort de son soldat, le Lieutenant-colonel KIBIBI a ordonné une expédition punitive contre les civils de Fizi. Les militaires ont alors envahi plusieurs quartiers de la ville, détruisant des biens, arrêtant des personnes, et commettant des viols systématiques sur 55 femmes. KIBIBI, accompagné de ses hommes, a donné l’ordre de mener ces représailles, ce qui a conduit à des arrestations arbitraires, des détentions illégales, des pillages, et des actes de torture.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Procédure
Analyse de la matérialité des faits : la Haute Cour militaire a entendu chacun des prévenus présents et confronté les versions des faits des uns à celles des autres. Elle a aussi confronté les versions de fait de chaque prévenu devant elle à celles faites devant le premier juge et celles contenues dans les pièces du dossier. Elle s’est aussi appuyée sur d’autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux des témoins et renseignants entendus par le premier juge et/ou au cours de l’instruction pré-juridictionnelle, qui devant elle ni devant le premier juge n’ont été attaqués pour faux (p. 25).
Substance du droit
Eléments du crime contre l’humanité : (p. 36 et s.).
- Attaque lancée contre une population civile : il n’est pas requis que les crimes contre l’humanité soient dirigés contre la population civile toute entière pour être considérés comme tels.
- Politique ayant pour but une telle attaque : la politique peut consister en un plan ou un dessein criminel d’un groupe d’individus constituant une organisation de droit ou de fait, et pas forcément d’un État avec un statut officiel
Actes de terrorisme : La Haute Cour Militaire a considéré que, dans cette affaire, les actes qualifiés de terrorisme constituaient le moyen de perpétration des crimes contre l’humanité. En raison de l’incompatibilité entre les deux qualifications, la Cour a conclu que le terrorisme devait être absorbé par les crimes contre l’humanité (p. 50-52).
Responsabilité civile de la RDC : Elle établit la responsabilité civile de l’État en se basant sur le fait que :
- Les auteurs desdits crimes sont des agents de l’État puisqu’ils sont tous militaires du 43ème secteur. Par négligence ou oubli, ils n’ont pas suivi de formation militaire de base. Un certain nombre d’entre eux ne connaissaient pas le règlement militaire, et leur niveau d’instruction insuffisant n’a pas été pris en considération lors de leur recrutement.
- L’État doit veiller constamment à la sécurité des individus et qu’il doit répondre des dommages causés par ses agents dans l’exercice de leur fonction. Ceci, car il a l’obligation de garantir la sécurité des individus contre les actes dommageables de ceux qui exercent une activité en son nom et pour son compte.
- Elle se base également sur la théorie de l’organe et du préposé, selon laquelle lorsqu’un organe de l’État agit, c’est ce dernier qui agit. Ainsi, lorsqu’un agent de l’État commet une faute dans l’exercice de ses fonctions, cette faute engage l’État (p. 56-57).