Kakwavu

Lien vers la décision : Haute Cour Militaire

Référence

RPN°004/2010

Kinshasa

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

novembre 7, 2014

Crimes/ violations

Crimes de Guerre, Meurtre, Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Viol et violences sexuelles

Parties impliquées

Défendeur : un prévenu Chef du Groupe armé « Union des Democrates Congolais/ Forces Armees du Peuple Congolais (UCD/AFPC), puis général des FARDC

Parties civiles : 11 parties civiles

Résumé de la décision

Responsabilité de l’accusé

Certains des actes criminels ont été commis par le prévenu en personne ou sur son ordre, d’autres l’ont été par des miliciens FAPC, mais qui engagent sa responsabilité pénale.

« La Cour estime que toutes les préventions mises à charge du prévenu seront déclarées établies en fait comme en droit, excepté pour une victime de torture et deux victimes d’homicide. De même, la Cour dira établie la responsabilité pénale du prévenu, étant donné que celui-ci n’avait pas, en sa qualité de chef militaire faisant effectivement fonction, exercé le contrôle qu’il convenait sur ses forces alors qu’il savait ou aurait dû savoir que celles-ci commettaient ou allait commettre des crimes. » (p. 76).

La Cour condamnera le prévenu à 10 ans de servitude pénale, avec circonstances atténuantes en raison du fait qu’il est père d’une famille nombreuse et qu’il n’a pas d’antécédents judiciaires connus.

Réparations et indemnités

La Cour estime que les victimes directes et indirectes des crimes de guerre par viol, meurtres et torture ont réellement et effectivement subi, chacune en ce qui la concerne, des dommages moraux et physiques énormes. Elle condamne le prévenu au paiement des sommes suivantes :

  • Crime de guerre par meurtre : 10.000 ou 20.000 USD
  • Crime de guerre par viol : 30.000 USD
  • Torture : 5.000 USD
Résumé des faits

Le 6 mars 2003, le prévenu a créé la milice de l’Union des démocrates congolais (UDC) avec une branche armée nommée Forces armées du peuple congolais (FAPC), soutenue par l’Ouganda. Egalement membre des FARDC au grade de général, le prévenu, ainsi que les membres de son groupe armé, se sont livrés à de nombreux abus et atrocités au préjudice de la population civile. Dans la période de 2003 à 2004, des meurtres, des tortures et des viols ont été commis. Le 22 mai 2003, des affrontements ont eu lieu entre d’une part les militaires des FAPC fidèles au Général Kakwavu, qui se trouvait en Uganda, et d’autre part ceux qui voulaient le renverser.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Substance du droit

Responsabilité en tant que chef militaire : la Cour va reconnaitre la responsabilité du prévenu pour les meurtres commis par ses miliciens au motif qu’il faisait effectivement fonction de chef militaire et exerçait un commandement, une autorité et un contrôle effectifs sur les militaires FAPC qui ont commis les crimes. « La faute du prévenu consiste dans le fait qu’il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher, réprimer l’exécution de ces crimes, alors que de par sa position au sein de la structure FAPC, il exerçait une autorité, un contrôle effectifs sur ses subordonnés et partant il avait la capacité matérielle d’user de son pouvoir pour empêcher ses subordonnés de commettre des infractions ou sanctionner les auteurs des infractions commises ou en référer à l’autorité compétente aux fins d’enquêtes et des poursuites éventuelles.» (p. 74-75).

Réparation 

Évaluation du préjudice : les parties civiles ont présenté les préjudices subis du fait des crimes de guerre commis par le prévenu et par ses forces, soit pour avoir perdu des êtres chers ou avoir subi des souffrances physiques et morales (p. 76-77).

  • Victime de viol : « le fait d’avoir subi des souffrances et des traumatismes physiques à la suite des violences sexuelles ; d’avoir été atteinte d’infections génitales ; d’avoir subi un choc psychologique grave jusqu’à être prise en charge par une ONG et d’avoir abandonné ses études. »
  • Mère de victime de viol :  « le fait d’avoir enduré des souffrances morales d’une maman qui se trouve avec sa fille violée et contaminée d’infections génitales qu’il faut soigner pour sauver sa vie et par ce fait engager beaucoup des dépenses ; Avoir honte dans nos sociétés coutumières où tout regard est vite interprété comme une moquerie ; Avoir perdu son emploi à la recherche des centres de santé plus appropriés pour les soins de sa fille ; Avoir engagé des frais de déplacement pour suivre le procès et perdre ensuite son emploi »
  • Famille de victime de meurtre : le fait de subir la perte d’un être cher qui a été sauvagement tué ; la perte de son proche qui pouvait lui assurer une sécurité dans son ménage et la perte d’un être cher qui lui a laissé les enfants. La Cour alloue des indemnités différentes en fonction des parties civiles : 20.000$ ont été alloués à une partie civile pour préjudice moral et 10.000$ pour les autres parties civiles pour préjudice moral et financier. La Cour ne justifie pas la raison d’un traitement différencié.
  • Victime de torture : le fait d’avoir été soumis à des coups de fouet, d’avoir eu des sachets en plastiques brûlés déversés sur lui et d’avoir été détenu nu dans le container sans pouvoir se laver