Manyole et autres

Lien vers la décision : Cour d’Appel de Kisangani 

Référence

RP n°152 / 157

Pays

Congo (République démocratique du)

Tshopo

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

août 7, 2019

Crimes/ violations

Anthropophagie, Association de malfaiteurs, Crimes Contre l'Humanité, Incendie, Meurtre, Participation à un mouvement insurrectionnel, Port illégal d’uniforme militaire, Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Viol et violences sexuelles, Vol à l’aide de violences

Parties impliquées

Défendeurs : 8 prévenus membres du groupe SIMBA Maï –Maï 

Civilement responsable : République Démocratique du Congo

Parties civiles : 86 parties civiles dont l’Institut  Congolais pour la Conservation de la Nature en sigle « ICCN » 

Résumé de la décision

Responsabilité des accusés

La Cour d’appel déclarera l’action publique éteinte à l’égard de deux prévenus en raison de leur décès. Elle condamnera les autres prévenus à la servitude pénale à perpétuité pour les crimes suivants :

  • Crime contre l’humanité par privation grave de liberté physique, par dévastation et par torture : mis à charge de tous les prévenus, ils seront tous condamnés
  • Crime contre l’humanité par meurtre, enlèvement et déportation : mis à charge de tous les prévenus, ils seront tous acquittés pour cause de doute quant à leur présence sur les lieux des crimes, certains étant déjà en détention
  • Crime contre l’humanité par esclavage sexuel et viol : mis à charge d’un prévenu condamné
  • Association de malfaiteur : mis à charge de tous les prévenus, ils seront tous acquittés pour cause de doute
  • Détention illégale d’armes de guerre et des munitions et participation à un mouvement insurrectionnel : 7 prévenus poursuivis et condamnés
  • Vol à main armée, anthropophagie, incendie volontaire : mis à charge de tous les prévenus, ils seront tous condamnés

Responsabilité civile de la RDC

Selon la Cour, la citation à civilement responsable, telle qu’elle est faite et produite au dossier, en dehors d’une autre pièce, viole le droit de la défense de la République Démocratique du Congo. En effet, elle ne reprend pas les infractions pour lesquelles elle doit répondre civilement pour le compte des prévenus, la mettant ainsi dans l’impossibilité de préparer au mieux sa défense et sa responsabilité civile. Par conséquent la Cour déclare l’irrecevabilité de l’action dirigée contre l’Etat congolais (p. 76).

Réparations et indemnités

La Cour déclarera recevables les demandes des parties civiles qui ont été entendues soit au niveau de l’instruction pré-juridictionnelle, soit au niveau juridictionnel. Elle condamne tous les prévenus in solidum à payer à chaque partie civile les sommes suivantes :

  • victimes de violences sexuelles ou de meurtre : 15.000 $ US
  • victimes de vol à mains armées : paiement de la valeur de leurs biens soustraits estimée entre 470 $ US et 2.000 $ US et d’un dédommagement de 2.500 $ US
  • l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature : 560.000 $ US
Résumé des faits

Entre 2012 et 2014, les prévenus membres du groupe Maï-Maï Simba ont lancé une attaque contre la Réserve de faune à Okapis d’Epulu et les populations des localités environnantes. Au cours de ces attaques, ils ont commis des meurtres (le 25 juin 2012, le 06 janvier 2013, le 09 novembre 2013, le 10 décembre 2014, le 09 janvier 2013), des viols, déportations (le 25 juin 2012, le 24 Juillet 2012, le 10 décembre 2014) et dévastations des ressources du parc.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Substance du droit

Association de malfaiteur : « La Cour considère qu’il règne un doute et des zones d’ombre sur le fait que les prévenus avaient librement, consciemment, de concert avec les autres, sur base d’une entente préalable librement négociée, accepté de collaborer à la constitution et à l’organisation du mouvement. ». La Cour rappelle que le doute profite aux accusés et les acquittes donc de cette prévention (p. 19).

Détention illégale d’armes de guerre : la Cour estime que la prévention de la détention illégale d’armes de guerre et leur usage est suffisamment établie. S’agissant de l’usage, l’instruction a démontré que les prévenus ont participé à plusieurs opérations, plus spécifiquement des attaques. Ils ne pouvaient être porteurs d’armes de guerre sans en faire usage. De plus, compte tenu de la systématisation de ces attaques, il y a de fortes présomptions qu’ils aient assurément fait usage des armes dont ils étaient porteurs (p. 26).

Participation à un mouvement insurrectionnel : La Cour estime que « la participation des prévenus à un mouvement insurrectionnel ne fait l’ombre d’aucun doute. En effet, les actes posés postérieurement par les prévenus, indépendamment de la manière dont ils furent capturés, prouvent suffisamment que ces derniers participèrent librement à un mouvement insurrectionnel, se caractérisant par des agressions contre les personnes, la dévastation ou le pillage ; en bref, la mise en mal des institutions légalement établies. La Cour en veut pour preuve les déclarations des prévenus selon lesquelles ce mouvement était constitué pour la défense de la forêt contre la RFO. Ayant choisi cette option, les prévenus savaient pertinemment bien qu’ils participaient aux activités d’un mouvement insurrectionnel institué pour contrecarrer les institutions de la République, et ce, à tous les niveaux. Ce mouvement s’est investi dans le pillage, la dévastation et les agressions contre les personnes. » (p. 26).

Crime contre l’humanité par dévastation : les prévenus sont poursuivis pour la dévastation du parc d’Epulu où ils eurent à tuer les OKAPIS, ce qui nous renvoie à la faune ; et à exploiter de l’or, ce qui nous renvoie à la flore. Ainsi donc, la dévastation en tant que crime contre l’humanité peut porter sur la faune et la flore (p. 40).

Réparation 

Evaluation des préjudices : La Cour va catégoriser les victimes en fonction des préjudices subise accorder une réparation à toutes les parties civiles entendues au niveau de l’instruction (pré)juridictionnelle (p. 69).