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Lien vers la décision : Cour Militaire du Sud-Kivu
Référence
RPA N° 0536
Pays
Congo (République démocratique du)
Sud-Kivu
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
mai 24, 2022
Crimes/ violations
Crimes Contre l'Humanité, Meurtre, Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Viol et violences sexuelles
Parties impliquées
Défendeurs : 2 prévenus membres de la milice Raia Mutomboki Hamakombo
Civilement responsable : République Démocratique du Congo
Parties civiles : 42 parties civiles
Résumé de la décision
Responsabilité des accusés
En première instance, le tribunal a reconnu les deux prévenus coupables des crimes mis à leur charge et les a condamnés sans admission de circonstances atténuantes à 20 ans de servitude pénale.
La Cour reconnait les prévenus coupables du crime contre l’humanité par autres actes inhumains (pillage).
La Cour retiendra le crime contre l’humanité par l’emprisonnement ou autres formes de privation grave de liberté physique et par torture à l’égard d’un seul prévenu, l’autre n’ayant pas participé aux faits.
La Cour établi que le crime contre l’humanité par viol et esclavage sexuel a été commis par deux autres personnes, identifiées par les victimes. Par conséquent, elle ne retiendra pas ce crime à leur charge.
Responsabilité civile de la RDC
La Cour ne retiendra pas la responsabilité de la RDC au motif qu’il n’y a aucun lien de préposé à commettant. En tant que membres du groupe RAIA MUTOMBOKI HAMAKOMBO, les prévenus n’ont pas la qualité d’agent de l’État.
Réparations et indemnités
En première instance, le tribunal a condamné les prévenus in solidum avec l’Etat Congolais à payer aux parties civiles les montants suivants :
Crime contre l’humanité par :
- Meurtre : 15.000 $US
- Viol : 3.000 $US
- esclavage sexuel: 7.000 $US
- Torture: 3.000 $US
- privation grave de liberté: 3.000 $US
- Pillage : 3.000 $US
- incendie destruction et destruction : 2.000 $US
En appel, la Cour fixera les taux des réparations selon l’équité et le bon sens, à défaut d’éléments objectifs d’évaluation.
Crime contre l’humanité par :
- Meurtre : 5.000 $US
- Viol : 1.500 $US
- Torture: 1.500 $US
- privation grave de liberté: 2.000 $US
- Pillage : 1.500 $US
Résumé des faits
Une milice armée, dérivée du mouvement RAIYA MUTOMBOKI et dirigée par Monsieur HAMAKOMBO, a commis plusieurs actes de crimes contre l’humanité entre 2016 et 2018.
A la base, ce groupe armé RAIYA MUTOMBOKI combattait contre le groupe armé FDLR pour défendre la population civile. Cependant, une fois que leur objectif a été rempli, le groupe s’est divisé en plusieurs milices et s’en sont, à leur tour, pris à la population civile.
Plusieurs actes constitutifs de crime contre l’humanité ont été commis dans la période allant de 2016 à 2018 sous le commandement de Monsieur HAMAKOMBO. En mai 2016, notamment, une attaque a été perpétrée dans un village du nom de MYOWE lors de laquelle les membres du mouvement ont pillé la population et plusieurs personnes ont été enlevées. Les hommes enlevés ont reçu quotidiennement des coups de fouet par les membres du groupe. Quant aux femmes, elles ont subi des violences sexuelles.
Le 29 septembre 2017, deux grands évènements se sont produits. D’une part, le mouvement KAMBALI a été assiégé par le mouvement RAIYA MUTOMBOKI, entraînant la mort de deux personnes et plusieurs actes constitutifs de pillage, des incendies, destructions, viols à l’égard de femmes prises comme otage ainsi que des enlèvements. D’autre part, il y a également eu, à la même date, des attaques à l’encontre de plusieurs villages tels que KATUBIRO, KAMANGA, MYOWA et MAFUGO au cours desquelles il y a similairement eu des actes de pillage, des destructions, des incendies ainsi que des viols.
Au-delà de ces évènements ponctuels, le mouvement commettait des actes routiniers. En effet, le groupe s’était organisé en « coupeur de route » dans un parc à KAHUZI BIEGA où les membres du groupe piégeaient la population qui se rendait à BUKAVU ou en revenait et ce, en les dépouillant, les menaçant, les torturant ainsi qu’en leur faisant subir des fouilles parfois même génitales pour les femmes.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Procédure
Moyens de preuves : la Cour a « entendu les victimes qui ont elles-mêmes témoigné sur les faits dont elles avaient souffert. Ces dépositions, ont été prises en compte par la Cour dans la mesure où elles venaient corroborer des témoignages, des présomptions ou d’autres éléments de preuve » (p. 30 jugement CM).
Preuve du viol : « La Cour a eu égard aux déclarations des victimes qui constituent une preuve importante en matière des violences sexuelles. En effet, dans les cas de violences sexuelles, le témoignage de la victime est considéré suffisant et n’a pas besoin d’être corroboré par d’autres témoignages ou éléments des preuves matérielles ou documentaires. Le certificat médical, si présent, constitue une preuve matérielle complémentaire, mais son absence ne devrait pas porter préjudice à la valeur probante du témoignage de la victime qui, en soit, suffit. » (p. 37 jugement CM).
Substance du droit
La connaissance des prévenus des attaques : « il ressort des éléments du dossier que lors de chaque attaque dans Villages ciblés, les assaillants connaissaient en avance les circonstances et le comportement que devait afficher chacun. Ceci s’explique par le fait que toutes les attaques lancées contre ces populations civiles dans différents endroits étaient presque similaires en ce qu’ils S’organisaient en équipe, chacun avec une mission bien définie. Les assaillants faisaient leur incursion ans les villages ciblés par surprise, la nuit ou à l’aube, en tirant des coups des balles pour effrayer la population, semant ainsi la panique et la débandade, en abandonnant leurs maisons. Les biens étaient pillés et d’autres détruits faute de les emporter et les maisons incendiées. Les résistants ou les captifs étaient soit tués, soit torturés, soit encore ils transportaient leurs propres biens transformés en butins pour ne citer que ces exactions. Il est à noter que les prévenus agissaient avec connaissance de cause d’autant plus que c’était pour eux une pratique de routine pendant la période de temps leur reprochée. » (p. 18 jugement TM et p. 33 jugement CM).
La poursuite de la politique de l’Etat ou de l’organisation : « le groupe armé HAMAKOMBO, pour s’assurer de sa survie, arrêté la politique de s’attaquer aux populations civiles vulnérables, pour se faire et réunir les moyens de sa politique. C’est la raison pour laquelle son organisation s’apparente à celle de nos forces armées, c’est-à-dire, structuré de la manière suivante : au sommet, il y a un commandant général, en la personne d’HAMAKOMBO, le chargé des opérations et des renseignements, un prévenu était en charge de l’administration et de la logistique, tandis qu’un autre était le secrétaire général et en même temps le commandant brigade » (p. 33 jugement CM).
Etablissement de la responsabilité pénale individuelle des prévenus : « La Cour relève que les prévenus sont membres du groupe RAIA MUTOMBOKI dirigé par HAMAKOMBO, ils ne peuvent pas répondre des actes commis par les autres membres du groupe. » (p. 38). Afin de déterminer si les prévenus sont les auteurs des faits mis à leur charge, la Cour va se fonder sur les témoignages des différentes victimes, qui établissent que les prévenus ont personnellement commis les crimes ou ont encouragé d’autres notamment par leur présence active pendant les exécutions. (p. 43).
Réparation
Evaluation du taux des réparations : En degré d’appel, la Cour explique ne pas disposer d’éléments objectifs d’évaluation afin de fixer les taux des réparations et qu’elle le fera selon l’équité et le bon sens. Elle diminue donc de plus de la moitié le montant des dommages alloués en première instance par le tribunal. Les montants alloués par la Cour se situent en deçà de ce qui est généralement alloué dans les autres jurisprudences. L’équité et le bon sens ne justifient donc pas une telle réduction.