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Lien vers les décisions : Tribunal Militaire de Garnison d’Uvira et Cour Militaire du Sud-Kivu
Référence
RPA n° 0180
Pays
Congo (République démocratique du)
Sud-Kivu
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
novembre 7, 2011
Crimes/ violations
Crimes Contre l'Humanité, Viol et violences sexuelles
Parties impliquées
Défendeurs : 5 prévenus membres des FARDC : 2 Sergents et 3 Caporaux de l’unité 8e Brigade Intégré/83e Bataillon.
Civilement responsable : République Démocratique du Congo
Parties civiles : 7 victimes directes
Résumé de la décision
Responsabilité des accusés
En première instance, le tribunal reconnait les prévenus coupables des crimes mis à leur charge et les condamne sans admission de circonstances atténuantes à la servitude pénale à perpétuité.
En appel, la Cour va confirmer le jugement quant à la condamnation et l’indemnisation mais déclare l’extinction de l’action publique à l’égard de l’un d’eux pour cause de décès.
Responsabilité civile de la RDC
La Cour reconnait la responsabilité de la RDC au motif que les prévenus sont des militaires, dont la qualité ne s’acquière ni ne se prouve par l’attribution d’un numéro matricule.
Réparations et indemnités
La Cour confirme le jugement du tribunal, qui condamne tous les prévenus in solidum avec la République Démocratique du Congo, civilement responsable, à payer 50.000 USD à chacune des 7 parties civiles à titre de dommages-intérêts pour tous préjudices subis.
Résumé des faits
En 2009, les FARDC ont mené des opérations contre les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) à l’Est du pays. Le village de Mulenge, dans le territoire d’Uvira, a été évacué, ses habitants trouvant refuge à Mugaja.
Le 18 août 2009, un groupe de femmes de Mugaja est retourné à Mulenge pour récolter des produits agricoles. Accompagnées de quelques hommes, elles ont été attaquées par des militaires du 83e bataillon d’infanterie, déployé dans la région. Les hommes se sont enfuis, laissant les femmes à la merci des soldats. Les militaires ont violé plusieurs femmes, qui ont été menacées et agressées dans des salles de classe abandonnées ou dans leurs champs.
Les victimes ont été examinées au centre de santé de Ndegu, accompagnées par une ONG spécialisée dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Une enquête militaire a identifié six soldats comme auteurs des viols. Cinq ont été arrêtés, et un a réussi à s’enfuir. Les victimes ont formellement identifié leurs agresseurs.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Procédure
Liberté d’appréciation de la preuve : La Cour rappelle, sur base de la jurisprudence, que « le juge pénal peut baser son intime conviction sur tous les moyens de preuve pourvu que ceux-ci aient été recueillis et contrôlés (…) Le juge peut notamment asseoir sa conviction sur base de présomptions graves, concordantes et constantes » (p. 8).
Substance du droit
Preuve de l’intention criminelle : « les agressions contre les victimes, commises par les militaires d’une même unité, sous prétexte qu’il s’agissait des femmes des FDLR, simultanément à des endroits différents de leur sort quartier sans qu’aucun ne dénonce ou ne se désolidarise des autres, dénote une volonté de prendre part à une espèce de punition collective impliquée à des civils dans cet environnement particulier des opérations militaires »
Absence de réponse à tous les arguments des prévenus en appel : Dans leurs moyens pour soutenir leurs recours, les prévenus reprochent au premier juge de ne pas avoir motivé son jugement quant à l’établissement des crimes contre l’humanité. En appel, la Cour s’est limité à démontrer l’intention criminelle et la motivation du jugement reste lacunaire en ce qui concerne la démonstration des éléments des crimes contre l’humanité.
Preuve de la qualité militaire : « Au sujet de la responsabilité de l’Etat, la Cour fait remarquer que la qualité de militaire ne s’acquiert ni ne se prouve par l’attribution d’un numéro matricule. ». Le lien juridique avec l’Etat congolais provient du recrutement, lui-même concrétisé par l’incorporation de l’intéressé dans une unité de l’Armée, et ne dépend pas exclusivement de l’attribution d’un numéro de matricule (p. 10).
Réparation :
Montant de l’indemnisation pour crime contre l’humanité par viol : En 2006 dans l’arrêt Bongi, la Cour avait également alloué un montant de 50.000$. Ce montant est supérieur que les indemnités allouées dans les autres jurisprudences.