Batumike et autres

Lien vers la décision : Cour Militaire du Sud Kivu

Référence

RPA n° 139/2018

Pays

Congo (République démocratique du)

Nord-Kivu

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

juillet 26, 2018

Crimes/ violations

Autre, Crimes Contre l'Humanité, Meurtre, Participation à un mouvement insurrectionnel, Viol et violences sexuelles

Parties impliquées

Défendeurs : 20 prévenus membres de la milice « Jeshi la Yesu ».

Civilement responsable : République Démocratique du Congo

Parties civiles : 42 victimes directes dans la région de Kavumu, Sud-Kivu

Résumé de la décision

L’arrêt de première instance a condamné une partie des prévenus pour Participation à un mouvement insurrectionnel, Crime contre l’humanité par viol, Crime contre l’humanité par meurtre, Détention illégale d’arme ou de munitions de guerre. Le Ministère Public et les parties prévenues ont interjeté appel de l’arrêt.

La Haute Cour Militaire réforme partiellement l’arrêt de la Cour Militaire dans ses dispositions en ce qu’elle n’a pas spécifié les deux volets de crimes contre l’humanité par viol et par meurtre.

Responsabilité des accusés 

12 prévenus sont condamnés et 8 acquittés : 1 prévenu condamné pour détention illégale d’arme ou munitions de guerre, 14 prévenus condamnés pour participation à un mouvement insurrectionnel, 11 prévenus condamnés et 3 prévenus acquittés pour crime contre l’humanité par viol, 9 prévenus condamnés et 6 prévenus acquittés pour crime contre l’humanité par meurtre.

La Cour a condamné les différents prévenus à la servitude pénale à perpétuité, 20 ans de servitude pénale ou 1 ans en raison de l’admission de circonstances atténuantes (du fait de leur désengagement du groupe après qu’ils se soient rendu compte de son caractère subversif et de leur attitude Coopérative avec la justice)

Responsabilité de la RDC 

La Cour a retenu la responsabilité de l’État congolais en tant que commettant, ayant missionné les prévenus, ses préposés, pour imposer la paix dans une zone de conflit. En raison de l’échec de l’État à exercer un contrôle et une surveillance adéquats sur ces agents, la Cour considère que l’État est tenu de réparer solidairement les préjudices matériels, financiers et moraux subis par la partie civile.

Réparations et indemnités

En première instance, le Tribunal estime que toutes les victimes constituées parties civiles n’ont pas seulement souffert des actes des prévenus mis en cause mais aussi des autres militaires non identifiés. Par conséquent, il décide de leur allouer les intérêts repris dans le tableau présenté par la défense des parties civile.

La Cour constate que les parties civiles n’ont pas fourni de pièces comptables justifiant le calcul des montants réclamés. En conséquence, la Cour réduit les montants demandés à « une proportion équitable et raisonnable » (p. 39 et 40).

Résumé des faits

Entre 2003 et 2016 (notamment le 25 janvier 2013, les nuits du 1er et 10 juillet 2014 et le 21 juin 2016), le groupe armé Jeshi la Yesu, dirigé par Batumike Rugimbanya, a perpétré de nombreux crimes dans la région de Kavumu, Sud-Kivu. Le groupe, basé dans la plantation Bishibiru, a mené des attaques violentes contre la population civile, visant à établir son contrôle et à utiliser des pratiques rituelles impliquant le viol de jeunes filles, afin de « protéger » les combattants. Batumike, également député provincial, a organisé ces attaques pour asseoir son autorité dans la région, faisant usage de violence extrême pour éliminer ceux qui s’opposaient à lui.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Procédure

Compétence : Les Cours Militaires sont compétentes pour juger des personnes étrangères à l’armée opérant à l’aide d’armes de guerre et à l’égard de bandes insurrectionnelles (p. 41).

Substance du droit

Circonstances aggravantes : Les pratiques fétichistes et le caractère systématique des viols ont été considérés comme des circonstances aggravantes, justifiant des peines sévères pour les prévenus.

Théorie de la responsabilité collective : La Cour a appliqué la théorie de la responsabilité collective, estimant qu’il suffisait que les actes criminels s’inscrivent dans le plan général de l’organisation pour que la responsabilité pénale de chaque membre du groupe soit engagée, même si un seul auteur a effectivement commis les actes (p. 51).

Infractions plurales : La Haute Cour Militaire a précisé que certaines infractions, comme le mouvement insurrectionnel et les crimes de masse, sont des « infractions plurales ». Cela signifie qu’elles impliquent une participation indispensable de plusieurs auteurs, ce qui écarte l’application des normes de participation accidentelles, et la charge de l’incrimination est partagée par tous les prévenus (p. 46).