East Africa Law Society c. Etat du Burundi

Référence


Affaire N°1/2014

Pays

Burundi

Base de données

Espace Civique

Date de la décision

May 15, 2015

Crimes/ violations

Liberté d'Expression

Parties impliquées

East Africa Law Society c. Etat du Burundi

Résumé du jugement

Question juridique

Si l’Etat burundais a violé ses obligations qui découlent des principes contenus dans les articles 6(d) et 7(2) du traité établissant la communauté de l’Afrique de l’Est en radiant Monsieur RUFYIKIRI Isidore du barreau et en engageant des poursuites contre lui.

Décision

Dans sa décision, la Cour a jugé que (1) la procédure suivie par le Procureur Général près la Cour d’appel de Bujumbura pour demander la radiation de Me RUFYIKIRI enfreignait le droit à un procès équitable et violait, par voie de conséquence, le principe de l’Etat de droit contenu dans les articles 6(d) et 7 (2) du traité; (2) que la procédure suivi Procureur Général près la Cour anti-corruption dans les poursuites dirigées contre Me RUFYIKIRI et la mesure l’interdisant à sortir du territoire national contrevient aux principes contenus dans les articles 6(d) et 7(2) du traité. A travers cette même décision, la Cour a invité le Secrétariat général de l’EAC d’opérationnaliser le groupe de travail mis en place le 15 janvier 2014 pour enquêter sur les violations du traité imputables à l’Etat du Burundi. L’Etat du Burundi, quant à lui, a été invité à prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la décision y compris en permettant au groupe de travail du Secrétariat Général de mener à bien sa mission d’enquête.

Raisonnement de la Cour

Relativement à la mesure prise par le Parquet Général près la Cour anti-corruption interdisant à Monsieur RUFYIKIRI de quitter le territoire national, la Cour a indiqué que la mesure était illégale car prise par le Procureur alors qu’elle relève de la compétence d’un tribunal ou d’une cour. Quant à la décision de radiation de Monsieur RUFYIKIRI, la Cour a aussi jugé que la procédure n’avait pas été respectée par le Procureur Général auprès la Cour d’appel de Bujumbura. Le Procureur s’est précipité de saisir la Cour d’appel de Bujumbura alors que le délai imparti à l’ordre des avocats n’était encore expiré.

Résumé des faits

Le requérant se plaint de la non conformité aux dispositions des articles 6(d) et 7(2) du Traité établissant la communauté de l’Afrique de l’Est de par les décisions prises à son encontre par les autorités burundaises. Ces décisions incluent la décision de sa radiation de l’ordre des avocats près la Cour d’appel de Bujumbura, les poursuites dirigées à son encontre par le Parquet Général auprès la Cour anti-corruption relativement aux supposés actes de détournement des fonds du Centre Burundais d’Arbitrage et de Conciliation (CEBAC) dont il était président, ainsi que la mesure prise par le même Parquet l’interdisant de se déplacer en dehors des frontières nationales. Le requérant prétend que ces différentes mesures ont été prises en des procédures prévues par les lois burundaises et violent en conséquence les obligations de l’Etat du Burundi qui découlent des articles précités du traité. Le Secrétariat Général de la communauté de l’Afrique de l’Est, quant à lui, se voit reprocher de ne pas avoir su amener le Burundi à respecter les dispositions du traité notamment par un travail de monitoring des violations commises par cet état parti. Le défendeur quant à lui s’est défendu en alléguant que les différentes mesures prises à l’endroit de Monsieur RUFYIKIRI ont été dans le strict respect des lois internes et ne violent aucune disposition du traité établissant la communauté de l’Afrique de l’Est.

Résumé de la procédure

Monsieur RUFYIKIRI était Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Bujumbura et Président du Centre Burundais d’Arbitrage et de Conciliation (CEBAC). Le 24 juillet 2013, il adressa une correspondance au Gouverneur de la Province de Bubanza à propos d’un litige foncier qui opposait son client MASENGE Venant à l’Etat du Burundi. La correspondance a été jugée injurieuse et diffamatoire par les autorités burundaises, ce qui poussa le Procureur Général à demander au Conseil de l’Ordre des avocats auprès la Cour d’appel de Bujumbura de prendre des sanctions disciplinaires à l’endroit de Monsieur RUFYIKIRI. Le 29 Octobre 2013, Monsieur RUFYIKIRI anima une conférence de presse lors de laquelle il dénonça l’intimidation et le harcèlement dont lui-même et le Barreau des avocats de Bujumbura faisaient l’objet. Au lendemain de cette conférence de presse, le Procureur Général près la Cour d’appel de Bujumbura a écrit au Conseil de l’Ordre des avocats de Bujumbura pour la radiation du Barreau de Monsieur RUFYIKIRI. Alors que le délai de 60 jours imparti au Conseil de l’Ordre pour se prononcer sur la demande de radiation du Procureur Général près la Cour d’appel de Bujumbura n’était pas encore écoulé, le même Procureur a saisi la Cour d’appel de Bujumbura pour demander sa radiation. La décision de radiation a été prise par la Cour en date du 28 janvier 2013. L’intéressé a fait appel devant la Cour suprême mais cette dernière a confirmé la décision de la Cour d’appel de Bujumbura. Dans un même temps, Monsieur RUFYIKIRI a fait l’objet de poursuites pour actes de détournement de fonds du CEBAC devant le Parquet Général près la Cour anti-corruption. Le Procureur Général auprès de cette Cour a également pris la décision d’interdire à Monsieur RUFYIKIRI de sortir des frontières nationales. C’est dans ces circonstances que la Cour de justice de l’Afrique de l’est a été saisie par Monsieur RUFYIKIRI, représenté par l’East Africa Law Society.

Éléments jurisprudentiels clés

La décision a une importance considérable sur le plan jurisprudentiel puisqu’elle constitue un rappel aux autorités nationales de respecter, en toutes circonstances, les règles de procédure édictées par les lois nationales.