Kabute Kargo et autres

Lien vers la décision : Cour Militaire de l’Ituri

Référence

RPA n°114/021

Pays

Congo (République démocratique du)

Ituri

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

juillet 18, 2022

Crimes/ violations

Crimes Contre l'Humanité, Participation à un mouvement insurrectionnel

Parties impliquées

Défendeurs : 2 prévenus membres du groupe CODECO

Civilement responsable : République Démocratique du Congo

Parties civiles : 14 parties civiles

Résumé de la décision

En première instance, le Tribunal Militaire de Garnison a condamné cinq prévenus pour participation à un mouvement insurrectionnel et crimes contre l’humanité, incluant meurtre, déportation, pillage et incendie, à 20 ans de servitude pénale. Un prévenu a été condamné à 15 ans pour participation au mouvement insurrectionnel. Deux autres ont été acquittés, et le Tribunal s’est déclaré non saisi pour un prévenu.

Les prévenus ont fait appel, contestant le manque de motivation, l’incapacité du juge à déterminer les actes précis de participation, et l’absence de preuves

Responsabilité des accusés

La Cour confirme les infractions de crimes contre l’humanité par meurtre, déportation, pillage, incendie, et participation à un mouvement insurrectionnel. Cependant, elle relève des erreurs dans le jugement initial, notamment l’absence de circonstances atténuantes pour les prévenus (en raison de leur jeune âge) et une condamnation injustifiée de l’État congolais en tant que civilement responsable, car les faits criminels reprochés ont été commis hors des fonctions officielles des prévenus.

La Cour annule partiellement le jugement initial et confirme la culpabilité des prévenus pour les crimes. Elle retient en leur faveur des circonstances atténuantes liées à leur jeune âge et prononce une peine de 10 ans et des peines de 20 ans de servitude pénale tout en exonérant l’État congolais de toute responsabilité civile.

Réparations et indemnités

La Cour confirme la décision du Tribunal de céans qui avait condamné les coupables au paiement de dommages et intérêts par victime :

  • Meurtre : 10.000$
  • Pillage : 1.000$
  • Incendie et destruction : 500 ou 2.000$
Résumé des faits

Depuis 2017, la province de l’Ituri subit des violences extrêmes exacerbées par les tensions ethniques entre les communautés Lendu et Hema. Le 10 juin 2019, l’assassinat d’un commerçant Lendu, TIKPA, et de ses accompagnateurs au village ZIBITI a déclenché une série d’attaques coordonnées menées par des miliciens CODECO. Ces attaques, ciblant les villages de ZIBITI, KPATAKPATA, et d’autres localités de la chefferie MAMBISA, ont été marquées par des massacres, pillages, et incendies systématiques de maisons, causant la mort de plus de 43 civils, parmi lesquels des femmes et des enfants.

Les violences ont également conduit à la destruction de plus de 400 habitations et au déplacement massif de populations. Plusieurs témoignages et preuves accablantes ont permis d’identifier des membres actifs de la milice CODECO, dont les prévenus.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Procédure

Suffisance des preuves : La Cour rappelle que le meurtre est établi peu importe que le corps de la victime ne soit pas retrouvé ou que la victime ne soit pas identifiée. La vie de la victime au moment de l’action est une condition nécessaire de l’incrimination. Mais, il n’est pas nécessaire que l’identité de cette victime soit judiciairement constatée. La Cour rappelle également que le fait que l’arme du crime n’ait pas été saisie ne disculpe pas le prévenu, dès lors que les témoignages concordants et les autres éléments du dossier concourent à sa détention par ledit prévenu (p. 27).

Substance du droit

Responsabilité de l’Etat : la responsabilité civile de l’Etat en qualité du commettant n’est pas engagée lorsque les faits criminels commis par le prévenu et générateurs du préjudice sont perpétrés en dehors des fonctions auxquelles il est engagé au sein de son établissement et au moyen d’autres objets n’appartenant pas à l’Etat

Réparation

Montant des réparations : s’inscrit dans la même lignée que la jurisprudence antérieure