Lifoma et autres

Référence

RPA n°168/2023

Pays

Congo (République démocratique du)

Ituri

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

novembre 28, 2023

Crimes/ violations

Crimes de Guerre

Parties impliquées

Défendeurs : 3 membres FARDC : 1 Sergent Major, 1 Sergent et 1 Soldat 2e Classe ; unité Bataillon Intervention de la 32° Région Militaire déployés à BUNIA

Parties civiles : 254 victimes directes des localités d’EZEEKERE et DJOKODJO

Civilement responsable : République Démocratique du Congo.

Résumé de la décision

Responsabilité des accusés 

La Cour Militaire établit la culpabilité des 3 prévenus pour l’ensemble des crimes et les condamne à une peine de 20 ans de servitude pénale, en admettant la circonstance atténuante du mauvais encadrement des FARDC.

Responsabilité de la RDC 

La Cour a retenu la responsabilité de l’État congolais en tant que commettant, ayant missionné les prévenus, ses préposés, pour imposer la paix dans une zone de conflit. En raison de l’échec de l’État à exercer un contrôle et une surveillance adéquats sur ces agents, la Cour considère que l’État est tenu de réparer solidairement les préjudices matériels, financiers et moraux subis par la partie civile.

Réparations et indemnités

En première instance, le Tribunal estime que toutes les victimes constituées parties civiles n’ont pas seulement souffert des actes des prévenus mis en cause mais aussi des autres militaires non identifiés. Par conséquent, il décide de leur allouer les intérêts repris dans le tableau présenté par la défense des parties civile.

La Cour constate que les parties civiles n’ont pas fourni de pièces comptables justifiant le calcul des montants réclamés. En conséquence, la Cour réduit les montants demandés à « une proportion équitable et raisonnable » (p. 39 et 40).

Résumé des faits

Du 24 octobre à décembre 2020, dans le territoire de Djugu, en Ituri, une opération militaire de grande envergure a été menée par les FARDC pour déloger le groupe armé CODECO de ses positions dans le groupement Ezekere. Ce groupe armé, autrefois impliqué dans le développement agricole, était devenu un mouvement insurrectionnel notoirement violent, exacerbé par des tensions ethniques de longue date entre les communautés Hema et Lendu.

Au cours de l’offensive des FARDC, des membres des forces régulières, sous la bannière du Bataillon d’intervention de la 32e Région Militaire, ont été accusés de graves exactions contre les populations civiles. Ces violations incluent des pillages massifs de biens matériels et agricoles, des destructions de maisons et d’infrastructures, des viols systématiques sur des femmes civiles, ainsi que des meurtres.

Les actes criminels, commis sous le prétexte de réprimer les insurgés, ont provoqué des déplacements massifs de populations vers des lieux de refuge comme Katoni et Kindia. Plusieurs témoins ont relaté que les biens volés étaient transportés dans des camions militaires et vendus dans des marchés locaux, parfois à proximité des camps de déplacés.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Substance du droit

Théorie de la criminalité d’emprunt : la Cour se fonde sur les explications du Ministère Public pour développer la substance de cette théorie. Elle explique qu’en cas de violences commises par plusieurs personnes sur une victime, d’où il résulte un dommage grave et qu’on ne sait pas qui a porté ces générateurs desdits dommages, il est utile d’avancer que tous les participants sont les complices les uns des autres, car c’est la somme qui importe (p. 37).

Réparation 

Évaluation du dommage sans pièces justificatives : La Cour explique que lorsque les parties civiles n’ont pas fourni de pièces comptables justifiant le calcul des montants réclamés, elle applique le principe jurisprudentiel selon lequel, en l’absence de précision mathématique sur le dommage, le juge peut l’estimer ex aequo et bono de manière raisonnable (p. 39 et 40).

Montant des indemnités : le montant des dommages et intérêts calculé en proportion équitable et raisonnable par la Cour sont dans la même lignée que ceux accordés dans d’autres jurisprudences (même parfois plus élevés : pour viol 8.000$ contre 5.000$ dans d’autres affaires)