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Lien vers la décision : Tribunal Militaire de Garnison de l’Ituri et Cour Militaire de l’ex Province Orientale
Référence
RPA n°871/2021
Pays
Congo (République démocratique du)
Ituri
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
juin 10, 2021
Crimes/ violations
Crimes Contre l'Humanité, Meurtre, Terrorisme
Parties impliquées
Défendeurs : 21 prévenus membres du groupe armé CODECO
Civilement responsable : République Démocratique du Congo
Parties civiles : 10 victimes directes
Résumé de la décision
En première instance, le Tribunal a condamné 26 prévenus à la servitude pénale à perpétuité et en a acquitté 5 au bénéfice du doute. Dans l’appel du jugement, les parties civiles demandent que soient accordées les réparations collectives supplémentaires et que les demandes des circonstances atténuantes de la défense soient rejetées.
Responsabilité des accusés
La Cour confirme la condamnation à la servitude pénale à perpétuité à l’égard de 15 prévenus. Elle va réduire la peine de 2 prévenus à 20 ans de servitude pénale en raison de leur collaboration avec la justice. 2 prévenus sont acquittés et l’action publique est éteinte à l’égard de 2 prévenus pour cause de décès.
Responsabilité civile de la RDC
La RDC est reconnue responsable pour les dommages subis par les victimes. Cette responsabilité découle du manquement de l’État à son obligation générale et positive de protéger sa population contre les violations graves des droits de l’homme. La Cour a relevé que les services de sécurité avaient connaissance des massacres imminents mais n’ont pas agi de manière appropriée pour empêcher la commission de ces crimes.
Réparations et indemnités
La Cour fait droit aux demandes des parties civiles d’ordonner des mesures de réparations supplémentaires à charge de la RDC.
Le Tribunal avait condamné solidairement les prévenus coupables et la RDC au paiement d’une indemnisation de :
- victimes de déportation forcée : 5.000$
- victimes de l’incendie : 30.000$
- victimes de meurtre : 10.000$
- victimes des pillages : 15.000$
- victimes des persecutions : 15.000$
Résumé des faits
Entre 2018 et 2019, la région de Djugu et ses environs ont été le théâtre de violences extrêmes, orchestrées par des milices, principalement le groupe CODECO, cherchant à contrôler les terres. Ces attaques visaient principalement la population civile et les biens des habitants.
Le 21 mars 2018, 146 personnes ont été massacrées à Dhendro, et 43 autres le même jour à Utcha-maze. En juin et juillet 2018, six personnes ont été tuées à Buku, et 142 autres à Lossa-ndrima. Le 17 mars 2018, 336 personnes ont été massacrées à Sombuso. En juin 2019, des attaques ont causé la mort de 49 personnes à Tche, et en septembre 2019, 35 civils ont été tués, dont 15 enfants. Les violences incluaient des incendies de maisons, des pillages, des enlèvements, et des tortures.
Ces événements ont conduit à un déplacement massif de plus de 300 000 personnes et à une intervention militaire pour rétablir l’ordre.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Procédure
Preuves retenues par la Cour : La Cour a rappelé le pouvoir discrétionnaire des juridictions militaires pour requérir tous les éléments de preuve nécessaires pour établir la vérité judiciaire et pour entendre toute personne utile. La Cour a adopté une approche similaire aux juridictions internationales, en recevant les témoignages des victimes sans prestation de serment, ces témoignages étant pris en compte lorsqu’ils corroboraient d’autres preuves (p. 55).
Substance du droit
L’obligation générale de protection de l’Etat : obligation erga omnes positive qui impose aux Etats de protéger leurs populations contre toutes violations graves des droits de l’homme. L’Etat peut être tenu pour responsable s’il savait que des violations allaient être commises et qu’il a failli à agir (défaut de protection de l’Etat) (p. 69).
Réparation
Diversité des réparations : Les réparations ordonnées par le Tribunal incluaient la restitution, l’indemnisation, et la réhabilitation des victimes, en tenant compte de l’ampleur des préjudices subis, tels que les pertes humaines, matérielles, et les souffrances infligées. En appel, la Cour ordonne à l’Etat Congolais la construction dans chaque village des écoles et centres de santé et l’accès gratuit aux soins médicaux et la scolarisation gratuite des enfants. De ce fait, la Cour rejette l’argument du gouvernement selon lequel toutes les demandes des parties civiles font partie des objectifs du gouvernement et qu’il construit tous les jours les écoles et hôpitaux pour sa population.