Ngalamulume et autres

Référence

RP n°542/020

Pays

Congo (République démocratique du)

Kasaï Central

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

avril 20, 2022

Crimes/ violations

Association de malfaiteurs, Crimes Contre l'Humanité, Crimes de Guerre, Détention illégale d’armes ou de munitions de guerre, Meurtre, Participation à un mouvement insurrectionnel, Terrorisme

Parties impliquées

Défendeurs : 9 prévenus membres du mouvement insurrectionnel Kamwina Nsapu

Parties civiles : 255 parties civiles

Résumé de la décision

Responsabilité des accusés

Les prévenus ont été reconnus coupables de tous les chefs d’accusations mis à leur charge et ont été condamnés à la peine de mort (peine capitale). Le tribunal se fonde sur des vidéos et dépositions des victimes pour confirmer l’adhérence des prévenus à la milice.

Réparations et indemnités

Le tribunal relève que les parties civiles n’ont déposé aucune pièce comptable évaluant correctement les préjudices en question. De ce fait, le tribunal va évaluer non seulement ces préjudices qu’il estime matériel, physique et financier mais aussi, va ramener les montants postulés dans la proportion raisonnable :

  • Meurtre : 20.000$
  • Pillage et Destruction de propriété : 2.000$
  • Torture : 2.000$
Résumé des faits

Entre 2016 et 2018, la province du Kasaï-Central a été secouée par une vague de troubles généralisés marquée par des affrontements violents entre les forces de l’ordre et le mouvement insurrectionnel Kamwina Nsapu. Ces violences ont été déclenchées par des conflits liés à la reconnaissance de l’autorité coutumière dans le secteur de Dibatae, territoire de Dibaya, et ont rapidement dégénéré en révolte contre les pouvoirs publics.

Le mouvement Kamwina Nsapu a rassemblé de nombreux adeptes qui, après des rites d’initiation dans des sites sacrés, se croyaient invulnérables et s’opposaient violemment aux forces de l’État. Armés d’armes artisanales, les miliciens attaquaient les symboles de l’autorité de l’Etat, souvent soutenus par une population locale réticente à coopérer avec les forces armées.

En mai 2017, dans le territoire de Dimbelenge, les miliciens, sous la direction de plusieurs chefs, dont les prévenus, ont lancé des attaques contre des villages ayant accueilli favorablement les militaires des FARDC. Ces incursions ont été accompagnées de meurtres, d’incendies d’habitations, de pillages systématiques, de tortures et de prises d’otages. La quasi-totalité des habitants a fui dans la brousse pour échapper à ces exactions.

Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés

Procédure

Connexité : « Les nécessités d’une bonne administration de la justice en matière de connexité requièrent qu’il soit statué simultanément et par la même juridiction sur diverses préventions, même si les délits ont été commis par diverses personnes (…) les tribunaux ont la plus grande latitude pour ordonner ou refuser la jonction ou la disjonction dans les intérêts d’une bonne administration de la justice. » (p. 49).

Appréciation souveraine des éléments de preuve : « Le tribunal note que, même devant les juridictions internationales, les juges apprécient souverainement la pertinence d’un élément de preuve. Ils peuvent dans une mesure décisive se fonder sur un unique élément de preuve directe parce qu’il est pertinent et revêt une forte valeur probante. » (p. 54)

Preuve du décès : « Ainsi, s’agissant du décès d’une personne, la preuve peut être apportée par tout moyen, notamment les témoignages, les rapports d’expertise médico-légaux, les constatations matérielles et même les présomptions et pas uniquement par un acte de décès ou un certificat d’inhumation comme l’a semblé développé la défense. » (p. 54)

Substance du droit

Qualification du conflit : « La durée du conflit, la fréquence des actes de violence et les opérations militaires décidées, la nature des armes utilisées, les déplacements des populations civiles, le nombre des victimes sont aussi des éléments qui peuvent être pris en compte dans l’appréciation de l’intensité d’un conflit armé »

« S’agissant du critère d’organisation pourrait considérer, pour les groupes armés non gouvernementaux, notamment l’existence d’un organigramme exprimant une structure de commandement, le pouvoir de lancer des opérations coordonnant différentes unités, la capacité de recruter, de former de nouveaux combattants ou l’existence d’un règlement interne. » (p. 51)

Qualification des faits : « Le tribunal, s’inspirant de la jurisprudence, s’accorde pour rappeler que le juge n’est pas lié par la qualification qui a été donnée par la prévention, il a non seulement le droit mais le devoir de caractériser les faits qui lui sont déférés. » (p. 52)

Nexus : « Le tribunal fait observer que s’agissant des crimes de guerre, le juge doit toujours veiller à ce qu’il existe un lien entre le comportement criminel et le conflit armé mais ce lien n’implique pas forcément que l’infraction ait été commise à l’endroit où se déroulent les hostilités. Le conflit doit néanmoins avoir joué un rôle substantiel dans la commission du crime. À ce sujet, il y a lieu de considérer notamment l’impact du conflit sur la capacité de l’auteur à commettre le crime, la décision de le commettre, la manière dont il a été commis, le but dans lequel il a été commis. » (p. 57)

Participation criminelle : « Le tribunal considère que la présence de tous les prévenus sur les lieux où les crimes ont été commis individuellement par chacun d’eux constitue une contribution à la réalisation des crimes de masse qui ont été perpétrés et que les intéressés ont agi de concert. Ceux qui n’ont pas matériellement posé les actes incriminés ont plus ou moins assisté en spectateurs approbateurs en encourageant par leur présence et par leurs exhortations implicites ou explicites la commission des infractions. » (p. 65)

Réparation 

Evaluation du montant : Selon le tribunal, les parties civiles n’ont fourni aucune pièce comptable évaluant correctement les préjudices. Par conséquent, le tribunal va estimer lui-même les préjudices matériels, physiques et financiers, et ajuster les montants demandés à des proportions raisonnables. L’indemnité de dommage et intérêt allouée pour meurtre de 20.000$ est plus élevée que dans les autres jurisprudences, qui allouent 10.000$ ou 15.000$