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Lien vers la décision : Cour Militaire Opérationnelle du Nord-Kivu
Référence
RP N°003/2013
Pays
Congo (République démocratique du)
Nord-Kivu
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
mai 5, 2014
Crimes/ violations
Crimes de Guerre, Dissipation de munitions, Extorsion, Meurtre, Pillage et destruction de Biens, Viol et violences sexuelles
Parties impliquées
Défendeurs : 39 militaires des FARDC de la de la 8e Région Militaire déployés à Minova :
- 3 Lieutenant-Colonel
- 1 Major
- 2 Lieutenant
- 8 Capitaine
- 2 Sous-Lieutenant
- 3 Adjudant de 1ère Classe
- 1 Sergent-Major de 1ère Classe
- 2 Sergent
- 11 Caporal
- 2 Soldat de 1ère Classe
- 1 Commandant
Civilement responsable : République Démocratique du Congo
Parties civiles : 1016 parties civiles
Résumé de la décision
Responsabilité des accusés
La Cour reconnait la culpabilité de 27 prévenus en tant que chefs militaires pour les crimes mis à leur charge.
La Cour acquittera 12 prévenus au motif qu’il y avait à MINOVA plusieurs centaines de militaires de différentes unités de la 8ème région militaire incontrôlés et sur lesquels les prévenus n’avaient pas la mainmise. Certains prévenus n’exerçaient plus de contrôle effectif sur les éléments qui ont commis des infractions.
La Cour condamne les prévenus à des peines de 3 ans, 5 ans, 10 ans et 20 ans de servitude pénale.
Responsabilité civile de la RDC
La Cour retiendra la responsabilité de l’Etats congolais en sa qualité de commettant des soldats des FARDC condamnés.
Réparations et indemnités
La Cour condamne les prévenus in solidum avec l’Etat congolais à titre de dommages-intérêts pour réparation des préjudices. Suivant une évaluation ex aequo et bono en catégorisant les victimes, la Cour a alloué des montants de 700$, 5.000$, 15.000$ et 100.000.000 $ aux parties civiles.
Résumé des faits
Les militaires FARDC ont commis des exactions dans la localité de Minova alors qu’ils étaient repoussés à Goma par les forces rebelles du Mouvement du 23 mars 2009 (M23). Ils ont commis des viols massifs sur près de 102 femmes et 33 fillettes, se sont livrés au pillage des biens de la population civile et aux mauvais traitements sur au moins 24 personnes et ont exécuté sommairement deux personnes.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Procédure
Mesures de protection des victimes et des témoins : « la Cour s’est inspirée du Statut de Rome de la CPI pour trouver quelques mesures susceptibles de répondre à l’objectif recherché. Elle a également eu recours à l’expérience d’autres juridictions en cette matière, notamment la pratique des tribunaux militaires du Sud-Kivu. Ainsi, outre le huis-clos (…) La Cour a décidé : De voiler les personnes à protéger ; De les désigner par des pseudonymes ; D’utiliser pour certaines des moyens exclusivement acoustiques en les laissant s’exprimer derrière un rideau sans être vues par les prévenus ; De laisser à leurs côtés des psychologues pour les assister en cas de besoin. » (p. 64).
Témoignages des victimes : Les dépositions reçues sans prestation de serment ont été prises en compte par la Cour dans la mesure où elles venaient corroborer des témoignages, des présomptions ou d’autres éléments de preuve et surtout lorsqu’elles présentaient une cohérence et une constance évidentes par rapport aux contradictions ou invraisemblances contenues dans les récits des prévenus (p. 64).
Existence d’un conflit armé non international : « la Cour estime qu’il existait bien à l’époque des faits un conflit armé non international et non pas un simple soulèvement ou une situation de troubles internes comme des émeutes ou des actes de violence sporadiques isolés. La Cour estime aussi que ce contexte de conflit armé a joué un rôle capital dans la détermination du modus operandi et la capacité des auteurs des actes criminels à agir. » (p. 69).
Réquisitions du Ministère Public : certaines préventions n’étaient pas reprises dans les décisions de renvoi. « A ce sujet la Cour fait remarquer que dans l’instruction à l’audience le juge doit respecter les droits de la défense et cela de deux manières : l’instruction doit se limiter aux faits de la prévention et elle doit revêtir les caractères oral, public et contradictoire. » (p. 71).
Substance du droit
La responsabilité de l’état congolais : « En tant que militaires, les prévenus sont des préposés de l’Etat congolais. Ils étaient tous engagés dans les opérations militaires contre les rebelles du M23 et leur présence à MINOVA et ses environs s’inscrivait dans ce cadre-là. Ils étaient donc en service. L’Etat se devait de surveiller leurs agissements pour éviter qu’ils ne causent des dommages à autrui. Il y a ici une présomption de faute dans le chef de l’Etat pour avoir opéré un mauvais choix de ses agents et pour n’avoir pas exercé le contrôle et la surveillance qui convenaient sur eux. Le désordre observé par tous les témoins entendus par la Cour, la divagation des militaires incontrôlés, l’absence d’encadrement dénoncé par le commandement de la 8ème Région militaire lui-même dénotent une mauvaise organisation du service public à l’époque des faits qui a conduit aux événements déplorés. » (p. 85).
Réparation
Évaluation des préjudices : « Après audition et confrontation la Cour a considéré uniquement les allégations qui étaient constantes, crédibles et certaines parce que confirmées par de multiples témoignages et rapports des officiels. Elle s’est également appuyée sur le rapport d’expertise médicale » (p. 84). Faute d’éléments objectifs d’appréciation, la Cour a estimé la réparation ex aequo et bono en catégorisant les victimes.
Préjudice en cas de viol : Sur base du rapport médical et de l’expertise psychologique, la Cour évalue de manière complète les préjudices physiques et psychologiques de la victime de viol. La Cour constate que la victime a été agressée physiquement et a assurément subi un choc psychologique au vu de son très jeune âge et des séquelles qu’elle garde d’après le médecin et les psychologues. (p. 85).