Takungomo Mukambilwa

Lien vers la décision : Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu

Référence

RP n°1694/20

Pays

Congo (République démocratique du)

Sud-Kivu

Base de données

Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains

Date de la décision

janvier 11, 2021

Crimes/ violations

Crimes Contre l'Humanité, Le Droit à la Vie, Pillage et destruction de Biens, Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Viol et violences sexuelles

Parties impliquées

Défendeur : un prévenu membre du groupe armé RAIYA MUTOMBOKI

Civilement responsable : République Démocratique du Congo

Parties civiles : 136 parties civiles

  • 6 meurtre
  • 18 viol
  • 4 esclavage sexuel
  • 30 torture
Résumé de la décision

Responsabilité de l’accusé

Les témoignages ont confirmé que le prévenu avait planifié et coordonné ces attaques, prenant ensuite le contrôle des sites miniers. Le Tribunal, tout en notant certaines contradictions dans les déclarations des victimes, a jugé crédibles les témoignages confirmant la responsabilité du prévenu dans les attaques et les abus commis et le condamne à 20 ans de servitude pénale.

Responsabilité civile de la RDC

Le Tribunal considère que l’Etat n’a pas manqué à son obligation de protection car les pièces du dossier renseignent qu’à l’époque des faits, il y avait effectivement la présence d’un Régiment FARDC dans le coin et trois militaires venus en intervention, avaient perdu la vie lors d’une des attaques lancées contre cette population. Ceci illustre la présence de l’Etat Congolais à travers les FARDC, dans la contrée pour répondre à ses obligations régaliennes.

Réparations et indemnités

Le Tribunalcondamne le prévenu à payer seul aux parties civiles :

  • Meurtre : 10.000$
  • Viol : 5.000$
  • Esclavage sexuel : 4.000$
  • Torture : 3.000$
  • Disparition forcée : 4.000$
  • Emprisonnement : 3.000$
  • Destruction des biens : 1.000$
  • Pillage : 2.000$
Résumé des faits

Les faits soumis à l’examen du Tribunal trouvent leur origine dans la convoitise des terres riches en cassitérite situées à la limite des territoires de Shabunda et de Mwenga, dans la province du Sud-Kivu. Ces terres, d’une importance économique notable, ont été le théâtre de violences orchestrées par le mouvement Maï-Maï Raïya Mutomboki, avec la participation active du prévenu, occupant la fonction de commandant des opérations avec le grade de colonel.

Le 22 mars 2012, le groupe a lancé des attaques sur Bugumbu, Migamba, et Nyamingilingili, visant à déloger les populations et s’approprier les sites miniers. Ces attaques ont inclus des incendies, pillages, assassinats, enlèvements, et réduction en esclavage sexuel. Les victimes ont subi des tortures et des traitements dégradants, avec des actes de viol et de mutilations rapportés.

Résumé de la procédure
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Éléments jurisprudentiels clés

Procédure

Force probante des procès-verbaux et témoignages : « dans les régimes des preuves légales, les procès-verbaux sont un mode de preuve privilégié soumis à des règles de forme très stricte et ayant une force de preuve déterminant (…). Outre les procès-verbaux, le témoignage est apparu aussi comme moyen de « preuve par excellence sur lequel s’est fondé le juge pour asseoir sa conviction et conclure à la culpabilité ou non de tel ou tel autre prévenu au regard des faits mis à leur charge » (p. 20-21).

Substance du droit

Attaque généralisée et systématique : Le tribunal se fonde sur l’utilisation des armes à feu (AKA 47) et blanches (machettes, couteaux, bâtons etc.), l’incendie des maisons, les viols et violences sexuelles, les tortures corporelles, les emprisonnements, les pillages, les destructions des biens et les disparitions forcées pour établir que les faits, au vu de leur mode opératoire, s’inscrivent dans la logique d’une série d’attaques généralisées et systématiques (p. 23 et 24).

La connaissance de l’auteur de cette attaque : Le Tribunal se fonde sur le fait que toutes les attaques lancées contre ces populations civiles dans différentes localités étaient presque similaires en ce qu’ils s’organisaient en équipe, chacun avec une mission bien définie. Lors de chaque attaque dans les villages ciblés, les assaillants connaissaient en avance les circonstances et le comportement que devait afficher chacun (p. 25).

Réparation 

Evaluation des dommages : « Devant l’impossibilité d’ordonner la restitution des biens périssables et ceux incendiés, le Tribunal condamnera le prévenu à une contrevaleur chiffrée selon la valeur que présente les biens en ce jour, en plus de la valeur ajoutée représentant la moitié de la valeur actuelle du bien, y compris les dommages-intérêts. Quant aux victimes du meurtre, viol, esclavage sexuel, torture, enlèvement, emprisonnement et disparition forcée, le Tribunal, devant l’impossibilité absolue d’évaluer la vie humaine et celle d’évaluer le degré de souffrance physique et morale que les victimes ont enduré, le Tribunal a, par équité, ramené les dommages subis en montant fixe. » (p. 42)

Montant des dommages : les montants accordés s’inscrivent dans la même lignée jurisprudentielle que les autres arrêts rendus en la matière.