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Lien vers la décision : Tribunal Militaire de Garnison de l’Ituri
Référence
RP n°957-18
Pays
Congo (République démocratique du)
Ituri
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
septembre 28, 2019
Crimes/ violations
Apologie de crime contre l’humanité, Crimes Contre l'Humanité, Désertion, Détention illégale d’armes ou de munitions de guerre, Meurtre, Port illégal d’uniforme militaire, Terrorisme, Viol et violences sexuelles
Parties impliquées
Défendeurs : 76 prévenus dont : un policier ; un Chef de Poste et deux militaires FARDC :
- Sergent Major, Unité : 1301 Rgt (Cie EM SV), lieu de déploiement : DJUGU
- Sergent Major, Unité : QG 32 Rgn Mil, lieu de déploiement : BUM
Civilement responsable : République Démocratique du Congo.
Parties civiles : 208 victimes directes des localités de Djugu et Mahagi.
Résumé de la décision
Responsabilité des accusés
Le tribunal a examiné les preuves, incluant les témoignages des victimes et les rapports d’enquête. La majorité des prévenus ont nié les faits, mais certains ont partiellement admis leur participation.
La Cour a établi la culpabilité de 49 prévenus pour crimes contre l’humanité par meurtre, 39 pour déportation, et plusieurs pour persécution, torture, et viol, entre autres infractions. Des infractions telles que la disparition forcée, le terrorisme, et la désertion ont également été reconnues à leur égard. Tous les prévenus reconnus coupables ont été condamnés à la servitude pénale à perpétuité. L’action publique a été éteinte pour 14 prévenus décédés.
Responsabilité civile de la RDC
La République Démocratique du Congo a été jugée civilement responsable pour son incapacité à protéger la population civile, notamment en raison des actes de ses agents (militaire, policier, agent de l’ANR).
Réparations et indemnités
Les prévenus et l’État congolais ont été condamnés in solidum à verser des réparations aux victimes, incluant une indemnisation financière pour les préjudices subis, ainsi que la restitution des biens pillés lorsque possible :
- Déportation forcée : 5.000$
- Incendie 30.000$
- Meurtre : 10.000$
- Pillage : 15.000$
- Torture et mutilation : 5.000$-7.000$
- Disparition forcée : 5.000$
- Viol : 20.000$
Résumé des faits
Entre décembre 2017 et mars 2018, des violences systématiques ont été perpétrées dans les territoires de Djugu, Mahagi et Irumu, en Ituri, opposant les groupes ethniques Hema et Lendu. Ces attaques ont été marquées par des meurtres, des actes de torture, des viols et des déportations, dans le cadre d’un plan visant à venger la mort d’un prêtre Lendu, tué le 16 décembre 2017, et à expulser les Hema de la région. Les prévenus, membres du groupe armé CODECO, ont joué un rôle central dans ces attaques.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Substance du droit
Responsabilité civile de l’État : La Cour a retenu la responsabilité civile de la RDC pour défaut de protection et pour les actes de ses agents. Cette responsabilité est fondée sur le lien commettant-préposé et la défaillance de l’État dans sa mission de protection des citoyens, conformément aux obligations internationales (p. 142).
Réparation
Montant des réparations : les montants alloués s’inscrivent dans la même lignée que la jurisprudence précédente (ex : 30.000$ pour incendie, comme dans l’affaire Lokana Gokpa ; 10.000$ pour meurtre, comme dans les affaires Bokila, Lokana Gokpa et Lifoma). Pour le crime de viol, les montants de 20.000$ alloués sont largement supérieurs à ceux alloués précédemment (ex : 5.000$ pour les affaires Bokila, Balumisa et Kavumu ; 8.000$ pour l’affaire Lifoma) (p. 184-187).
Cette différence s’explique du fait que la Cour se base sur les préjudices moraux, psychologiques, matériels et financiers afin d’établir le montant du dommage. Dans les jurisprudences intérieures, les tribunaux militaires se fondent sur une évaluation du préjudice qui ne reflète pas la totalité des préjudices subis. Par exemple, dans l’affaire Balumisa (RPA n°049/2011 du 25 octobre 2016), la Haute Cour Militaire n’a considéré que l’humiliation et la mise en danger de leur santé et des foyers des femmes mariées pour évaluer les dommages.