Tunisie – Des organisations de droits humains saisissent le mécanisme Onusien sur la détention arbitraire pour des prisonnier.ère.s politiques et appellent à la libération immédiate de tou.te.s les détenu.e.s politiques

Le Comité National Tunisien de Défense des Libertés et de la Démocratie, Avocats Sans Frontières, EuroMed Droits et l’Institut Tahrir pour la politique au Moyen-Orient ont déposé aujourd’hui une plainte conjointe auprès du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire au nom de huit prisonniers et prisonnières politiques tunisien.ne.s détenu.e.s arbitrairement sur la base d’accusations de complot contre la sûreté de l’État.

Les organisations se félicitent de la libération provisoire des deux détenu.e.s Chaima Issa et Lazhar Akermi dans la soirée du 13 juillet et appellent les autorités tunisiennes à abandonner immédiatement les charges retenues contre eux.elles et contre tou.te.s les prisonnier.ère.s politiques tunisien.ne.s poursuivi.e.s et/ou détenu.e.s pour avoir simplement exercé leurs droits civils et politiques, et à mettre fin à toutes les pratiques visant à restreindre le droit à la participation politique et à la liberté d’expression et de réunion pacifique en Tunisie.

La plainte a été déposée au nom de Khayam Al Turki, Chaima Issa, Abdelhamid Al Jelassi, Issam Al Chebbi, Ghazi Al Chaouachi, Ridha Belhaj, Jaouhar Ben M’barek et Lazher Al Akremi. Ces huit figures de l’opposition politique ont été détenues arbitrairement dans le cadre de l’enquête « Complot contre la sûreté de l’État ». Elles ont été arrêtées par la brigade antiterroriste du Ministère de l’intérieur entre le 11 et le 25 février 2023, sur la base de fausses accusations et d’allégations peu convaincantes. Elles ont ensuite été inculpées d’accusations extrêmement graves en vertu d’articles de la Loi antiterroriste et du Code pénal tunisien, notamment d’affiliation à un groupe terroriste, de complot contre la sûreté de l’État et de tentative de renversement du gouvernement. Une fois déclarées coupables, elles risquent de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort.

« Nos organisations considèrent la détention des huit membres de l’opposition politique dans cette affaire comme des représailles directes contre eux.elles pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, y compris le droit de participer à une opposition politique pacifique. Il.elle.s ont critiqué les mesures antidémocratiques et anticonstitutionnelles mises en œuvre par le Président depuis juillet 2021, ce qui a causé la privation de leur liberté et mis leur vie en danger en cas de condamnation », a déclaré Wadih Al-Asmar, président d’EuroMed Droits.

Dans la requête, les organisations ont démontré comment l’arrestation, l’enquête et la détention prolongée des huit membres de l’opposition politique violaient les droits humains fondamentaux que la Tunisie s’était engagée à respecter en vertu de sa Constitution et des traités internationaux sur les droits humains, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

« Nos organisations ont constaté que les autorités tunisiennes violaient les droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique, à la liberté de participer aux affaires publiques, au droit de ne pas être privé.e arbitrairement de sa liberté et au droit à un procès équitable. Les autorités tunisiennes doivent respecter les engagements qu’elles ont pris en vertu du droit national et international et mettre fin à ces violations systématiques », selon Mai El-Sadany, dirigeante de l’Institut Tahrir pour la politique au Moyen-Orient.

Les droits des victimes ont également été violés dès le départ lorsque le Président a publiquement violé le principe de la présomption d’innocence en les qualifiant de « terroristes » et en les accusant de « comploter pour attaquer l’État et d’attiser les tensions sociales ». De surcroît, l’enquête a été marquée par des interférences et des pressions éhontées du Président Kais Saïed sur le pouvoir judiciaire. Le président Saïed porte systématiquement atteinte à l’indépendance judiciaire depuis juillet 2021. Après avoir dissous le Conseil supérieur de la magistrature et limogé arbitrairement 57 juges, il avait publiquement demandé au ministère public d’accélérer les enquêtes et les poursuites à l’encontre des accusé.e.s en question.

« Il s’agit d’une enquête et de poursuite hautement politisées. Les accusations sont sans fondement et l’objectif des autorités est clairement de faire taire toutes les voix critiques et de mettre fin au pluralisme politique dans le pays. Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large de la dissidence pacifique en Tunisie, visant à étouffer toute opposition », déclare Antonio Manganella, directeur pour la région méditerranéenne d’Avocats Sans Frontières.

Pour sa part, Ayachi Hammami, président du Comité National Tunisien de Défense des Libertés et de la Démocratie, a considéré que « Le Président Kais Saïed mène le pays vers un système autoritaire. Au lieu de s’attaquer à toutes les voix critiques, les autorités devraient œuvrer pour rétablir un régime démocratique dans le pays et favoriser un dialogue social sain avec tous les acteurs sociaux et politiques afin de relever les différents défis auxquels le pays est actuellement confronté ».

Organisation signataires

  • Avocats Sans Frontières
  • Comité National pour la Défense de la Liberté et de la Démocratie
  • EuroMed Droits
  • The Tahrir Institute for Middle East Policy

Télécharger le communiqué

Télécharger la version arabe

Traitements inhumains et dégradants envers les africain.e.s noir.e.s en Tunisie, fruits du racisme institutionnel et de l’externalisation des politiques migratoires européennes 

Les organisations soussignées expriment leurs vives inquiétudes et leur indignation quant à la situation délétère en Tunisie, tout particulièrement ces derniers jours dans la ville de Sfax. Depuis la mort d’un ressortissant Tunisien, présumément aux mains de ressortissants d’origine subsaharienne, survenue le 3 juillet 2023 lors d’une échauffourée[1], cette ville est le théâtre d’affrontements entre une partie de la population chauffée à blanc par des campagnes de haine sur les réseaux sociaux, et des exilé.e.s en provenance d’Afrique subsaharienne installé.e.s dans cette ville, pris.es pour cibles. Cela s’ajoute aux graves événements racistes et xénophobes qu’a déjà connus le pays en mars 2023[2], ayant notamment entraîné la mort de trois personnes d’origine Subsaharienne.

Le discours raciste et haineux, véritable « pousse-au-crime », prononcé par le Président tunisien en février 2023[3] n’a fait qu’encourager ces exactions, et accorder un blanc-seing aux graves violences exercées à l’encontre des personnes exilées. Et c’est bien l’attitude des autorités locales et nationales qui est en cause, laissant libre court aux fausses informations qui pullulent sur les réseaux sociaux, mais également aux violences de certains groupes – policiers, militaires ou issus de la population –, à l’égard des personnes exilées noires, férocement attaquées et violentées en toute impunité[4]

La ville de Sfax a été le théâtre de plusieurs affrontements entre les populations locales et les migrant-e-s subsahariens installés dans la ville.


Nombre de témoignages, notamment des premier.e.s concerné.e.s, d’associations de la société civile en Tunisie mais aussi de médias étrangers, font ainsi état de graves violations des droits humains à leur encontre : interpellations violentes et arbitraires, défenestrations, agressions à l’arme blanche… Ces acteurs dénoncent une véritable « chasse aux migrant.e.s » et des rafles, suivies du renvoi forcé d’un millier de personnes aux frontières avec la Lybie ou l’Algérie, l’objectif des autorités tunisiennes semblant être de regrouper à ces frontières les exilé.e.s originaires d’Afrique subsaharienne pour les y abandonner sans assistance aucune ni moyens de subsistance, y compris s’agissant de demandeur.euse d’asile. Des rafles précédées ou s’accompagnant d’expulsions arbitraires de leurs domiciles, de destructions ou de vols de leurs biens, de traitements inhumains et dégradants, ainsi que de violences physiques[5]. Des violations des droits commises par des forces publiques et/ou des milices privées largement documentées, mais qui restent à ce jour sans condamnation pour leurs auteurs de la part des tribunaux ou des autorités étatiques.


Tout cela intervient dans un contexte de crise sans précédent en Tunisie, touchant tous les domaines : économique, social, politique, institutionnel, financier… Une crise accentuée par les pressions et le marchandage de l’Union européenne (UE), qui entend via un partenariat « renforcé », mais inégal en matière migratoire, imposer à la Tunisie l’externalisation des contrôles frontaliers et de la gestion migratoire[6]. Cette politique répressive passe par le renvoi depuis les pays européens de tou.te.s les exilé.e.s dépourvu.e.s de droit au séjour ayant transité par la Tunisie, ainsi désignée comme « pays sûr », contrairement à la Libye. Ceci, au motif de faire de la Tunisie le garde-frontière de l’UE, en charge de contenir les migrations « indésirables » et de les éloigner le plus possible du territoire européen, en échange d’une aide financière conséquente venant à point nommé (au moins 900 000 €). Le tout malgré les inquiétudes suscitées par la dérive autoritaire observée en Tunisie[7] et au mépris de l’Etat de droit et des droits fondamentaux des personnes exilées en Tunisie.

Une crise également aggravée par l’ambiguïté des autorités algériennes, qui instrumentalisent la question migratoire pour des motifs politiques en déroutant les personnes d’origine subsaharienne de l’Algérie – qui compte des frontières terrestres avec les pays d’Afrique subsaharienne – vers la Tunisie, qui n’en a pas.

Nous exprimons notre entière solidarité avec toutes les victimes des violences, quelle que soit leur nationalité, condamnons cette violence raciste d’où qu’elle vienne, et exprimons notre indignation face au silence assourdissant et complice des autorités tunisiennes.

Nous enjoignons la Tunisie à assumer les responsabilités qui lui incombent en protégeant de toute exaction les exilé.e.s sur son territoire, en mettant un terme à ces violences racistes et aux refoulements opérés en toute illégalité aux frontières tunisiennes, et à se conformer au droit international.

Enfin, nous dénonçons avec la plus grande vigueur les pressions exercées par l’UE sur la Tunisie dans le cadre d’une coopération inégale et marchandée en vue d’imposer à ce pays méditerranéen sa politique ultrasécuritaire en matière d’immigration et d’asile, au mépris du droit international et des droits des personnes exilées.

Organisations signataires

Associations :

Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA)

Action jeunesse du FMAS – Maroc (AJM)

Association Femmes plurielles (FP)

Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT)

Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM)

Association des marocains en France (AMF)

Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF

Association Khamsa Solidaire Ici et Ailleurs, Meurthe et Moselle, France

Association N’aoura, Bruxelles

Association pour la taxation des transactions financières et pour l »action citoyenne (ATTAC)

Cedetim / IPAM

Coalition internationale des sans-papiers et  migrants (CISPM)

Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC)

Collectif associatif pour m’observation des élections – Maroc

Collectif marocain pour la protection sociale (CMPS)

Comité de suivi du forum social maghrébin (FSMAGH)

Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie  (CRLDHT)

Coordination des sans-papiers 75 (CSP-75)

Droit ici et là-bas (Diel)

Droit au logement (DAL)

Droit devant

E-Joussour

Euro-Mediterraan Centrum Migratie & Ontwikkeling (EMCEMO)

Fédération des associations avec tous.te.s les immigré.e .s (FASTI)

Fédération des tunisiens citoyens des deux rives (FTCR)

Fondation Frantz Fanon (FFF)

Forum des alternatifs Maroc (FMAS)

Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (GISTI)

Le réseau syndical de la migration au Maroc 

Riposte internationale (RI)

Le Collectif Soumoud 

Le Pont de Genève – Suisse

Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH)

Ligue des droits de l’Homme (LDH)

Mouvement contre le racisme et pour  l’amitié entre les peuples (MRAP)

Observatoire marocain des libertés publiques (OMLP)

Portail Maghreb Machrek

Réseau euro Med France (REF)

SOS Migrants  ASBL Belgique

SOS Racisme

Union des Juifs français pour la Paix (UJFP)

Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT

Organisations internationales :

Avocats Sans Frontières (ASF)

Coordination maghrébine des droits de l’Homme (CMODH)

Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)

EuroMed Droit – EuroMed Rights

Migreurop

No peace without justice

Syndicats

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Confédération générale du Travail (CGT)

Fédération syndicale unitaire (FSU)

Union syndicale solidaire

Partis

Ensemble

Mouvement des progressistes (MDP)

Nouveau parti anticapitaliste (NPA)

Pour une Ecologie Populaire et Sociale  (PEPS)


[1] « À Sfax, la mort d’un Tunisien lors de heurts avec des migrants fait craindre des violences », 5 juillet 2023, France24, https://www.france24.com/fr/afrique/20230705-%C3%A0-sfax-la-mort-d-un-tunisien-lors-de-heurts-avec-des-migrants-fait-craindre-des-violences

[2] « Tunisie : La violence raciste cible les migrants et réfugiés noirs », 10 mars 2023, Human Rights Watch, https://www.hrw.org/fr/news/2023/03/10/tunisie-la-violence-raciste-cible-les-migrants-et-refugies-noirs

[3] « Tunisie. Le discours raciste du président déclenche une vague de violence contre les Africain·e·s Noirs », 10 mars 2023, Amnesty International, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/03/tunisia-presidents-racist-speech-incites-a-wave-of-violence-against-black-africans/

[4] « Tunisie : à Sfax, les exilés subsahariens subissent la violence de la population », France Info 7 juillet 2023, https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/tunisie/tunisie-a-sfax-les-exiles-subsahariens-subissent-la-violence-de-la-population_5936150.html

[5] « Human Rights Watch dénonce des expulsions de migrants vers le désert en Tunisie : « C’est une question de vie ou de mort » », 8 juillet 2023, Human Rights Watch, https://information.tv5monde.com/afrique/human-rights-watch-denonce-des-expulsions-de-migrants-vers-le-desert-en-tunisie-cest-une

[6] « Pourquoi l’UE veut renforcer son partenariat avec la Tunisie », 11 juin 2023, L’Express & AFP : https://www.lexpress.fr/monde/pourquoi-lue-veut-renforcer-son-partenariat-avec-la-tunisie-5KUG3YXCSNCWFF25QW53IXRV5E/

[7] « En Tunisie, Kaïs Saïed est seul contre tous », 18 juin 2022, Courrier international : https://www.courrierinternational.com/article/analyse-en-tunisie-kais-saied-est-seul-contre-tous

Télécharger la version arabe du communiqué

Communiqué de presse – Situation à Sfax : Préserver la vie humaine : un principe baffoué au cœur de la tragédie migratoire

Alors que l’Union européenne (UE) négocie avec la Tunisie un « partenariat renforcé » assorti de promesses d’aides financières en contrepartie d’un renforcement de la coopération en matière de migration, un accord fondé sur une intensification de la réadmission des migrant-e-s en situation irrégulière et une consolidation du rôle des gardes côtes tunisiens dans l’interception en mer ; et devant l’absence totale d’une réaction des autorités tunisiennes, ne serait-ce que pour appeler au calme et veiller à la sécurité et l’intégrité physique des un-e-s et des autres, la ville de Sfax a été le théâtre de plusieurs affrontements entre les populations locales et les migrant-e-s subsahariens installés dans la ville. Ces affrontements d’une violence inouïe ont engendré des victimes de part et d’autre.


Utilisant cette situation comme prétexte, les autorités tunisiennes ont opéré depuis quelques jours une vague d’arrestations suivie de reconduites forcées et illégales, effectuées sous la menace, dans le but de « purger » la ville de toute personne d’origine subsaharienne, en les déplaçant depuis le centre et les villes du gouvernorat de Sfax vers des destinations inconnues.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux révèlent une multitude de bus arrivant de Sfax et se dirigeant vers les frontières tuniso-libyennes transportant les migrant-e-s. Ces personnes se retrouvent abandonnés dans des lieux déserts, avec des températures approchant les 50 degrés Celsius et livrées à elles-mêmes sans aucune assistance ni ressources.


Selon plusieurs sources concordantes et bien informées, notamment des témoignages sur le terrain, il a été confirmé qu’un groupe de 28 personnes est porté disparu, tandis qu’un autre groupe de 20 personnes parmi lesquelles des demandeurs d’asile, des femmes et des enfants, a été reconduit vers la zone frontalière de Ras Jedir. Ces événements ont été accompagnés de graves violations de droits humains : reconduite illégale et arbitraire aux frontières sous la menace, destructions des téléphones, absence d’assistance médicale et obstétricale, mauvais traitements et violences.


Jusqu’à présent, aucune communication officielle n’a été émise par les autorités concernant le sort de milliers de personnes étrangères qui se trouvent dans cette situation.


Ces pratiques des autorités tunisiennes reposeraient sur la présomption que les ressortissants étrangers seraient passés par la Libye ou l’Algérie avant d’entrer en Tunisie, même si certaines personnes ont été arrêtées alors qu’elles tentaient de quitter le territoire tunisien, interceptées en mer et ramenées sur les côtes tunisiennes, ou encore arrivées par voie aérienne plutôt qu’en traversant à travers les pays voisins.


Les agissements des autorités tunisiennes constituent une violation manifeste des dispositions de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ratifiée par la Tunisie en 1957. La Convention de 1969 de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés d’Afrique dispose elle aussi que « Nul ne peut être soumis par un Etat membre à des mesures telles que le refus d’admission à la frontière, le refoulement ou l’expulsion qui l’obligeraient à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées pour les raisons énumérées à l’article 1, paragraphes 1 et 2. ».

En ce sens, les expulsions vers la Libye, qui ne peut en aucun cas être considérée comme un pays sûr vers lequel renvoyer des migrant.e.s, ne sont pas conformes au droit international et régional et au principe de non-refoulement. Nous tenons à rappeler à cet égard que ces expulsions arbitraires et illégales sont devenues une pratique courante.


Cet épisode est d’autant plus grave que la Libye est un pays dépourvu de législation sur le droit d’asile et où les pratiques de violence, de torture et d’esclavage à l’encontre des migrant-e-s, dont beaucoup en état de grande vulnérabilité, ont été maintes fois documentées et condamnées par la communauté internationale.


Les organisations signataires :
• Condamnent fermement les actes de violence commis à l’encontre des deux populations et demandent aux autorités tunisiennes de diligenter des enquêtes impartiales pour que toute la lumière soit faite sur ces faits et ces agissements ;
• Rappellent que les politiques d’externalisation des frontières de l’Union européenne aux pays du sud de la Méditerranée, les obligeant à jouer le rôle de garde-frontières, ont largement contribué à la situation dramatique actuelle ;
• Dénoncent les violations de droits humains dont sont victimes les personnes subsahariennes en mobilité en Tunisie ;
• Appellent à une intervention en urgence pour mettre fin à ces opérations de refoulement arbitraire et illégal et d’assurer une prise en charge adéquate et digne de ces personnes et permettre aux organisations humanitaires d’intervenir ;
• Exhortent les autorités tunisiennes de prendre les décisions politiques qui s’imposent en urgence afin d’établir un mécanisme et un circuit clair pour la prise en charge des personnes étrangères débarquées en mer et afin de garantir un traitement humanitaire conforme aux engagements de la Tunisie en la matière.

Organisations signataires :

Forum Tunisien des droits sociaux économiques (FTDES) 
Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) 
Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) 
Beity  
Avocats sans frontières (ASF) 
Aswat Nissa
L’Association Intersection pour les droits et les Libertés
Organisation Mondiale contre la torture (OMCT) 
Association Lina Ben Mhenni DAMJ- Association tunisienne pour la justice et la légalité 
ASSOCIATION DES IVOIRIENS ACTIFS EN TUNISIE-ASSIVAT  
Association MADA pour la citoyenneté et le développement
ADDCI ZARZIS 
EuroMed Rights 
Minority Rights Group International
L’association 3A2M 
L’association Maldusa 
L’association Patrimoine pour l’Économie Solidaire (Ftartchi) 
Legal Agenda – Tunis
Al bawsla 
L’association Kalam
Psychologues Du Monde – Tunisie
L’association Ifriqiya 
Afrique Intelligence
Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
ADLI
SHAMS
International Alert
FIDH

Télécharger la version arabe du communiqué

Communiqué de presse – Union européenne et Tunisie : L’Union des «valeurs» au chevet de l’autocratie

Communiqué de presse – 11 ans d’attente, de droits bafoués et d’illégalité au Kongo Central : la province toujours en attente d’indemnisations des entreprises d’extraction pétrolière pour préjudices environnementaux

Communiqué de presse – La déstabilisation, une stratégie pour bloquer l’effectivité de l’application de l’arrêté ministériel portant création, organisation et fonctionnement du Comité de Concertation du territoire de Muanda

(Anglais) Communiqué de presse – Un appel en faveur d’une diligence raisonnable renforcée pour les opérations d’exploitation des ressources en Ouganda

Arrestations arbitraires et campagnes haineuses à l’encontre des personnes migrantes d’origine subsaharienne en Tunisie

16 février 2023

Arrestations arbitraires et campagnes haineuses à l'encontre des personnes migrantes d'origine subsaharienne en Tunisie

« L’Afrique aux Africains », c’est ce qu’a déclaré le président Kais Saied lors de son discours au sommet Europe-Afrique à Bruxelles le 17 février 2022. Cependant, les derniers évènements survenus en Tunisie vont à l’encontre de la déclaration du président Kais Saied, au vue de la campagne lancée par l’appareil sécuritaire intitulée « Renforcement du tissu sécuritaire et réduction du phénomène du séjour irrégulier en Tunisie », qui se traduit depuis quelques jours par des vagues d’arrestations massives.

Ces derniers jours, plus de 300 migrants ont été arrêtés, placés en garde à vue et déférés devant la justice. Ils ont été arrêtés à la suite d’un contrôle d’identité « au faciès » ou même à la suite de leur présence devant les tribunaux en soutien à leurs proches.

Parallèlement, l’État tunisien fait la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias et qui visent spécifiquement les personnes migrant.e.s originaires d’Afrique subsaharienne, ; ce discours haineux et raciste est même porté par certains partis politiques, qui mènent des actions de propagande sur le terrain facilitées par les autorités régionales.

Des violations des droits humains sont signalées quotidiennement, allant du traitement inhumain et dégradant, la détention arbitraire aux frontières sous la menace d’armes, à la confiscation des téléphones, à la privation d’accès aux soins médicaux.

Le problème du statut administratif des migrant.es subsaharien.nes présente un défi humanitaire qui nécessite une réponse respectueuse des droits et intégrant les personnes marginalisées, plutôt que des approches sécuritaires répressives.

Dans ce sens, les agissements des autorités tunisiennes vont à l’encontre de leurs obligations en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative aux réfugiés, que la Tunisie a ratifiée en 1957, ainsi que de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Les politiques européennes d’externalisation des frontières ont contribué depuis des années à transformer la Tunisie en un acteur clé dans la surveillance des routes migratoires en Méditerranée, notamment l’interception des bateaux de migrants en dehors des eaux territoriales et leur transfert en Tunisie. Les politiques discriminatoires et restrictives en Algérie contribuent également à pousser les migrants à fuir vers la Tunisie. Ces politiques approfondissent la tragédie humaine des migrants dans une Tunisie en crise politique et socio-économique.

Les organisations et associations signataires :

  • Condamnent fermement les arrestations arbitraires visant les personnes migrantes d’Afrique subsaharienne.
  • Dénoncent les violations des droits humains dont sont victimes les personnes migrantes originaires d’Afrique subsaharienne et appellent les autorités tunisiennes à lutter contre les discours de haine, la discrimination et le racisme envers eux, ainsi qu’à intervenir en cas d’urgence pour garantir la dignité et les droits des migrants.
  • Appellent le gouvernement tunisien à respecter ses engagements envers la mise en œuvre des accords internationaux relatifs aux droits des travailleurs migrant.e. s et des réfugié.e.s, ainsi que les recommandations de l’examen périodique universel et du Comité des travailleurs migrants.
  • Expriment leur profonde inquiétude quant à la marginalisation des groupes les plus vulnérables, en particulier les personnes migrantes en Tunisie, qui souffrent déjà d’exclusion sociale et vivent dans la pauvreté, privés d’un accès à un travail décent et formel , de toute source de revenus, d’une situation administrative aggrave leur souffrance et les oblige, ainsi que leurs familles, à faire face à des défis qui ne peuvent être surmontés que par l’intervention courageuse du gouvernement pour les aider.
  • Exigent la protection et la garantie des droits des migrants et le respect de leur dignité, et les autorités tunisiennes doivent mettre fin à l’exploitation à laquelle ils sont confrontés au travail. Prendre ces mesures bénéficiera également au marché du travail tunisien, où les migrants représentent une force innovante capable de dynamiser l’économie nationale s’ils sont traités avec des lois et des politiques d’emploi justes et respectueuses des droits de l’homme.
  • Renouvellent l’appel au gouvernement tunisien à assumer cette responsabilité historique et à déployer tous les efforts à mettre en œuvre un cadre de régularisation des migrants présents sur le territoire tunisien, répondant aux différents appels de la société civile et éliminant les craintes des organisations nationales et des associations qui les ont exprimées depuis des années concernant l’exploitation et la vulnérabilité des travailleurs non réguliers en Tunisie.
  • Soulignent la nécessité de mettre à jour et de développer un cadre légal relatif à l’immigration et à l’asile pour le rendre conforme aux normes internationales, ainsi que de donner la priorité au lancement d’une stratégie nationale d’immigration qui garantisse l’intégration et la protection des droits
  • Organisations signataires :
  • Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux
  • La Ligue Tunisienne des droits de l’Homme (LTDH)
  • L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates ATDF
  • Avocats Sans Frontières ASF
  • Intersection pour les droits et les libertés
  • Association pour la promotion du droit à la différence
  • Association de Défense des Libertés Individuelle ADLI
  • Nachaz-Dissonances 
  • Association Tunisienne pour la Justice et l’Egalité DAMJ
  • L’Association pour le Leadership et le Développement en Afrique ALDA 
  • Plateforme Tunisienne des Alternatives
  • Organisation Tunisienne Contre la Torture OTCT
  • COMITÉ POUR LE RESPECT DES LIBERTÉS ET DES DROITS DE L’HOMME EN TUNISIE (CRLDHT)
  • FÉDÉRATION DES TUNISIENS POUR UNE CITOYENNETÉ DES DEUX RIVES (FTCR)
  • Association Tunisienne de l’Action Culturelle ATAC
  • Aswat Nissa
  • Association CALAM  
  • Association Tunisienne de Soutien des Minorités
  • Organisation Mondiale Contre la Torture OMCT
  • UNION DES DIPLÔMÉS-CHÔMEURS
  • Mountada-Ettajdid
  • Association des mères de migrants disparus
  • Association la terre pour tous
  • Save the Children
  • Terre d’Asile Tunisie

Lire le communiqué en Arabe

(Anglais) La liste des terroristes de la Turquie : Une attaque contre les avocat.e.s et les droits humains

Communiqué de presse – Une année après les démolitions forcées de leurs habitations, les victimes du village Mege demeurent en attente de réponses à leurs revendications