Cet article est extrait du rapport annuel 2021 d’Avocats Sans Frontières.
Ces dernières années, les nombreux conflits concernant la propriété et l’exploitation des terres dans la sous-région d’Acholi ont suscité un vif débat au sein de la population ougandaise. Mais les discussions autour de cette question ont trop souvent été exclues du débat plus large autour du processus de justice transitionnelle en cours dans le pays.
Ces conflits fonciers trouvent principalement leur source dans les suites de la guerre qui a opposé le gouvernement ougandais aux rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), entre 1987 et le cessez-le-feu de 2006. Durant cette période, les rebelles de la LRA ont pris pour cible les civil.e.s et ont mené des attaques contre des écoles, des lieux publics et des communautés. Cela a conduit à un déplacement massif des populations locales vers des camps de réfugié.e.s, appelés camps de personnes déplacées (IDP). Les déplacements massifs et la mort des aîné.e.s au cours de cette période ont dépossédé les communautés locales de leurs terres.
L’accès à la terre joue un rôle crucial pour se remettre des effets de ces conflits et il existe un besoin réel d’établir un lien entre les droits fonciers et la promotion des objectifs de la justice transitionnelle, tel que la restitution. La politique nationale de justice transitionnelle de l’Ouganda adoptée en 2019 reconnaît la nécessité de régler les conflits fonciers dans les communautés touchées, que ce soit individuellement ou collectivement.
ASF a entrepris une recherche sur l’accès aux droits fonciers et à la justice transitionnelle dans le nord de l’Ouganda afin d’établir la nature des parcours de justice entrepris par les populations de la sous-région d’Acholi pour récupérer leurs terres. En utilisant une méthodologie purement qualitative, la recherche a établi que les victimes de conflits fonciers utilisaient des mécanismes légaux ou traditionnels pour obtenir justice, mais qu’il.elle.s étaient incapables de résoudre les conflits fonciers de manière satisfaisante et à l’amiable. Dans de nombreux cas, l’accès à la justice et les résultats judiciaires dépendent du statut social de l’individu.e. Les femmes et les jeunes ont plus de mal à obtenir des recours satisfaisants en raison de leur plus grande vulnérabilité.
ASF plaide pour qu’une stratégie globale de restitution des terres soit intégrée au processus plus large de justice transitionnelle. Cela inclut les piliers des processus de justice transitionnelle : la reconnaissance du tort subi, l’exigence de vérité, l’enquête et la documentation. Il est crucial d’intensifier les efforts pour s’assurer que les droits fonciers sot pleinement respectés, appliqués et restaurés dans les communautés. En outre, ASF demande au gouvernement ougandais de redéfinir les processus d’acquisition de terres pour les entreprises multinationales et les investisseur.euse.s de manière transparente, responsable et en impliquant les communautés locales afin de réduire la méfiance et d’aider à instaurer la confiance dans les initiatives de développement en cours dans la région.