Dans la région Euro-Méditérranée, on remarque ces dernières années une tendance très inquiétante : les discours et les politiques racistes et sécuritaires se propagent et prolifèrent, produisant un environnement hostile et délétère pour les personnes racisées, les personnes en mouvement, ainsi que leurs allié·e·s (défenseur·euse·s des droits, militant·e·s). Un récent rapport de l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA) a par exemple démontré la recrudescence de l’islamophobie à travers l’Europe, tandis qu’en Tunisie et au Maroc, une enquête journalistique a révélé l’organisation de raids violents et d’expulsions de personnes afro-descendantes en plein désert, à l’aide de fonds européens affectés à la « gestion migratoire ». C’est dans ce contexte qu’a démarré le projet TACKLE, le premier projet d’ASF de cette ampleur mis en œuvre en Europe. Il a pour objectif de lutter contre les discriminations et le racisme structurel en promouvant l’activisme des jeunes. Ce projet est porté par douze partenaires, dont des cliniques juridiques et des associations de droits humains basées en Belgique, en Espagne, en France, en Italie, au Maroc, aux Pays-Bas, et en Tunisie.
Développer un contre-narratif et un plaidoyer anti-racistes
Le projet a débuté avec la mise en place d’une campagne de plaidoyer autour du « Pacte pour l’égalité », un document co-développé par quinze activistes anti-racistes (« advocates ») à l’approche des élections européennes de juin 2024. La campagne a permis d’obtenir le soutien de 40 candidat·e·s eurodéputé·e·s autour de revendications traitant des questions d’égalité et d’anti-discrimination, d’asile et d’immigration, mais aussi de démocratie et de citoyenneté. Ces élections ayant néanmoins été marquées par la percée fulgurante des partis d’extrême-droite, il est essentiel de continuerà dénoncer les effets racistes et discriminatoires des politiques euro-méditerranéennes en renforçant les alliances existantes. TACKLE s’est ainsi joint auxefforts de la société civile visant à renouveler l’intergroupe sur l’anti-racisme et la diversité (ARDI) au sein du Parlement européen, ou le plan d’action contre le racisme de la Commission européenne. Le projet s’est également attelé à promouvoir un contre-narratif sur les migrations, notamment à travers la rédaction d’un mettant l’accent sur une approche fondée sur les droits plutôt que sur la sécurité et la criminalisation
Soutenir les victimes et sensibiliser aux discriminations
Le projet TACKLE s’est par ailleurs impliqué dans le soutien aux personnes victimes de discrimination, à travers la mise en place de « points anti-discrimination » et d’activités de sensibilisation aux droits. Les cliniques juridiques italiennes partenaires ouvrent leurs portes chaque semaine à des personnes en situation de vulnérabilité, permettant à leurs étudiant·e·s d’apporter un soutien juridique à des personnes migrantes structurellement discriminées dans leur accès aux droits et aux services. Des activités de sensibilisation (« caravanes juridiques ») ont également été organisées, visant un plus large public, comme à Turin sur la thématique de la discrimination au logement, ou à Bruxelles sur la question des discriminations raciales et fondées sur la religion.
Amplifier les luttes portées par la société civile
Dans un contexte de coupes budgétaires et de rétrécissement progressif de l’espace civique, il est primordial de défendre la capacité de résistance des acteur·rice·s de la société civile. Ainsi, le programme de financement en cascade du projet TACKLE permettra à des organisations basées en Europe, au Maroc et en Tunisie, de mettre en œuvre des activités pour promouvoir la lutte contre le racisme et les discriminations à partir de l’automne 2025.
Perspectives
Un an après le lancement du projet TACKLE, les enjeux de racisme et de discrimination apparaissent plus pertinents que jamais dans le contexte euro-méditerranéen. Le projet TACKLE continuera à réagir à la mise en œuvre de politiques racistes et sécuritaires proposées ou adoptées par les instances européennes(comme le Pacte européen pour l’asile et l’immigration, ou encore la proposition de Règlement « retour »), ainsi qu’à suivre activement la procédure de renouvellement du Plan d’Action sur l’Anti-Racisme de la Commission européenne pour 2025-2030. Le projet ambitionne également de consolider sa stratégie de plaidoyer autour de la question de la citoyenneté et de la participation politique de tou·te·s, citoyen·ne·s européen·ne·s comme non-européen·ne·s. Un autre enjeu clé pour l’année à venir consistera à renforcer les relations entre acteur·rice·s des deux rives de la Méditerranée. Ce fut l’objet d’une conférence régionale organisée par ASF à Palerme en mars 2025 sur les questions de racisme, de xénophobie et de criminalisation de la solidarité. Ces efforts se poursuivent en 2025 à travers les activités de financement en cascade, des échanges entre étudiant·e·s entre les deux rives de la Méditerranée, et d’évènements régionaux.