La lutte contre l’impunité continue en République démocratique du Congo

Kinshasa, le 3 juin 2019 – L’accès à la justice est plus que jamais essentiel pour apaiser les tensions dans les provinces du Nord et du Sud Kivu en République démocratique du Congo (RDC), déchirées depuis des décennies par des violences. ASF, RCN Justice & Démocratie (RCN) et TRIAL International y ont lancé le 21 et 23 mai 2019 un projet commun de lutte contre l’impunité. Deux ateliers organisés à Goma et Bukavu ont rassemblé plus d’une centaine d’acteurs de la poursuite contre les crimes internationaux. Compétition pour les ressources naturelles, rivalités régionales et tensions ethniques sont la source de nombreuses violations des droits humains dans le Nord et le Sud Kivu. Si, entre 2016 et 2018, des centaines de victimes ont pu voir leurs auteurs poursuivis et sanctionnés pour crimes de masse, le chemin est encore long pour que tous les responsables soient jugés et que les victimes obtiennent réparation. Financé par l’Union européenne pendant 3 ans, le projet « Soutenir les efforts de la lutte contre l’impunité en République démocratique du Congo » a pour objectif de renforcer l’accès à la justice des personnes et communautés victimes de crimes internationaux.

Une réponse coordonnée aux enjeux identifiés

« L’intervention bénéficie des expériences et expertises combinées de nos trois organisations, garantissant une réponse coordonnée aux enjeux identifiés, tant au niveau de la demande que de l’offre de justice, » explique Gilles Durdu, Directeur pays d’ASF. « La clé du succès du projet réside dans une coordination accrue, entre nos organisations mais aussi entre tous les acteurs du secteur », confirme Daniele Perissi, Responsable du programme Grands Lacs pour TRIAL International. « Ensemble, nous espérons élaborer une stratégie nationale réellement efficace pour poursuivre les crimes les plus graves. » Les ateliers de lancement du projet ont précisément été l’occasion pour les acteurs conviés de réfléchir ensemble aux enjeux et défis actuels de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux en RDC, et de réaffirmer l’importance d’agir de concert afin d’y apporter une réponse holistique. Joel Phalip, Chef de mission pour RCN, précise : « Cette réponse passera entre autres par le renforcement des capacités techniques des acteurs de l’offre de justice (notamment les cours et tribunaux civils et militaires). Nous souhaitons également renforcer la participation des victimes à toutes les étapes des procès, et la collaboration entre les victimes et les acteurs judiciaires. »

Une volonté commune de coopération

Les participants ont, eux aussi, insisté sur l’importance de la coordination et de la collaboration dans le secteur, comme le souligne Walid Henia, Conseiller militaire sur les enquêtes au sein de la MONUSCO et responsable de la Task Force de Bukavu : « Nous devons être ensemble, fédérer nos énergies et mener des actions en synergie, pour apporter un meilleur appui aux autorités judicaires dans la lutte contre l’impunité des crimes graves ou crimes de masses, pour les victimes ». Deux autres participants complètent : « Nous devons absolument trouver des outils et des moyens d’harmoniser nos connaissances et nos manières d’agir ensembles. » « Pour une plus grande transparence, nous avons vraiment besoin de tous collaborer, cours et tribunaux, ONG, organisations de la société civile, partenaires techniques et financiers, médias… cela nous permettra de déconstruire de nombreux clichés et stéréotypes qui entourent la justice et la poursuite des crimes pénaux internationaux, et de recréer un lien de confiance avec les populations. »
Photos © ASF/Camille Burlet

La lassitude des victimes dans l’affaire Thomas Kwoyelo

Kampala, 16 mai 2019 – En Ouganda, ASF apporte un soutien continu aux victimes des crimes pour lesquels Thomas Kwoyelo est actuellement jugé devant la Division des Crimes Internationaux (International Crime Division ou ICD). En avril dernier, ASF, les avocats des victimes, le greffier de l’ICD et l’International Center for Transitional Justice (ICTJ), ont joint leurs efforts dans le but d’informer les victimes sur les derniers développements du procès, tout en recueillant et relayant leurs opinions auprès des instances concernées. Au cours des différentes sessions tenues auprès des communautés d’Obiangic, Abera, Lamgoi, Perecu et Pabbo, de nombreux participants ont déploré leur manque d’information quant aux développements de l’affaire. Un grand nombre d’entre eux ont également manifesté un désintérêt grandissant pour l’affaire, comme illustré par ce participant : « Cette réunion n’est pas importante pour nous. Ce qui nous importe ce sont les résultats du procès. Ce procès dure depuis si longtemps. Il devrait bientôt se terminer pour que nous puissions obtenir compensation pour le mal que nous avons subi. » Manifestement, cette attitude résulte de l’absence d’implication directe des victimes dans l’affaire ainsi que de la longueur du procès, qui a débuté en juillet 2011. Si les préoccupations des victimes ne sont pas prises en compte, leurs droits tels qu’entérinés dans diverses lois consacrant la participation des victimes risquent d’être vidés de leur sens. Le fait que les victimes continuent à souffrir des conséquences du conflit (orphelins laissés à l’abandon, personnes souffrant de handicap physique ou mental, etc.) ne fait qu’amplifier le risque que les procédures judiciaires perdent de leur valeur à leurs yeux, celles-ci ne voyant pas en quoi elles seraient susceptibles d’améliorer leur situation actuelle. Bien qu’un important complément aux efforts de recherche de vérité et de justice, les mesures provisoires, les projets et les interventions des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux se sont avérés insuffisants ou inefficaces pour répondre aux besoins les plus fondamentaux des victimes. En outre, si de nombreuses communautés de victimes appellent à la reconnaissance des responsabilités, leurs préoccupations concernant les réparations sont également constamment soulevées : qui recevra ces réparations, qui les paiera et sous quelles formes seront-elles accordées ? Au-delà des questions de droits, les procédures pénales ne peuvent remplir leurs fonctions réparatrice et curative que si elles sont perçues comme utiles par les victimes et leurs communautés. Dans le cas présent, cela passe par :
  • Le maintien d’une interaction constante et significative entre les victimes et leurs avocats, ces derniers assurant leur participation au procès.
  • La gestion des attentes des victimes quant à leur participation au procès, en veillant à ce qu’elles comprennent la portée de leur intervention dans le processus de justice devant l’ICD : cela implique également que l’ICD et le gouvernement ougandais clarifient certains aspects de la participation des victimes, notamment leur droit à la réparation.
  • La promotion de l’implication des victimes dans l’exercice de leurs droits de participation : les efforts proposés comprennent la présence physique au procès pour suivre les procédures judiciaires des victimes par l’intermédiaire de leurs représentants.
  • L’amélioration de l’aide transitoire accordée aux victimes : en attendant l’achèvement du procès, il est nécessaire de déployer des efforts significatifs, efficaces et holistiques pour soutenir les victimes là où elles en ont le plus besoin. A cet égard, nous continuons de préconiser l’adoption du projet de politique de justice transitionnelle.
Les dispositions relatives à la participation des victimes et l’incorporation des principes pénaux internationaux dans le système juridique national ougandais ont ouvert de nouvelles possibilités pour les victimes d’obtenir justice en Ouganda. Le procès Kwoyelo étant la première tentative en la matière, il est d’autant plus important que ce précédent soit adéquatement développé, de sorte que le droit de participation des victimes contribue de manière significative aux efforts en matière de justice transitionnelle dans le pays.
Photos © ASF

Tunisie: l’état d’urgence pour justifier la restriction des droits et libertés

Tunis, le 2 avril 2019 – Réunis au sein de l’Alliance pour la Sécurité et les Libertés, ASF et huit de ses partenaires appellent les députés tunisiens à ne pas adopter le projet de loi portant organisation de l’état d’urgence en sa version actuelle. Loin d’améliorer la sécurité dans le pays, il porte atteinte aux droits et libertés des citoyens et rase les garanties constitutionnelles. L’état d’urgence est un dispositif permettant aux autorités de prendre des mesures exceptionnelles en cas de péril imminent pour le pays. Ces mesures, qui s’accompagnent d’un renforcement des pouvoirs exécutifs par rapport aux autres pouvoirs, sont par nature liberticides. Il est donc essentiel qu’elles respectent les principes de proportionnalité et de nécessité énoncés par la Constitution dans son article 49. Les pouvoirs judiciaires et législatifs doivent pouvoir contrôler ces restrictions des droits et libertés. Les personnes concernées par les mesures doivent en être notifiées et pouvoir les contester devant un juge. « Or », explique Oumayma Mehdi, Coordinatrice de projets pour ASF en Tunisie, « le projet de loi proposé par le Président de la République n’offre pas de garanties en ce cens. Il comporte de nombreuses ambiguïtés et inexactitudes qui risquent de provoquer de graves violations des droits et libertés fondamentaux protégés par la Constitution. » Ainsi, le projet de loi définit l’état d’urgence par « l’occurrence d’événements graves », sans définir les concepts d’événement et de gravité. Il ne précise pas que les mesures administratives prises dans le cadre de l’état d’urgence doivent avoir pour objectif de garantir le retour rapide au fonctionnement ordinaire des institutions. Dans sa version actuelle, le projet de loi prévoit que l’état d’urgence peut durer jusqu’à 6 mois et être ensuite prolongé de 3 mois, sans spécifier le nombre limite de prolongations permises. Le texte octroie un pouvoir quasi absolu à l’exécutif, à travers des mesures administratives liberticides manquant de pertinence et dont les conditions sont trop peu détaillées : interdiction de séjour ; assignation à résidence ; interdiction des réunions, rassemblements, défilés et manifestations ; interception des appels et des correspondances ; suspension des activités des associations… De plus, le projet de loi ne propose pas de voies de recours suffisantes et efficaces, et ne prévoit pas de contrôle par le Parlement. Enfin, il prévoit des peines excessives et discriminatoires en cas de non-respect des mesures prises par les autorités. « Dans sa version actuelle, le projet de loi est un outil justifiant le recours abusif à des mesures restrictives de liberté, et pas un moyen d’assurer le retour rapide à l’état de droit. Pour toutes ces raisons, nous appelons les députés à ne pas adopter ce projet de loi dans sa version actuelle et à l’amender en profondeur, » conclut Oumayma Mehdi. >> Téléchargez l’analyse complète du projet de loi en français et en arabe * Il s’agit de Al Bawsala, le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux, Jamaity, la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, Mobdiun, l’Organisation Mondiale Contre la Torture, Psychologues du Monde-Tunisie et Solidar Tunisie.
Photo: audition des membres de l’ASL au sein du Parlement

La réponse des femmes ougandaises au développement des industries extractives

Kampala, le 8 mars 2019 – En cette journée internationale pour les droits des femmes, ASF s’intéresse aux stratégies et initiatives prises par les femmes face aux changements qui s’opèrent dans les industries minières et pétrolières en Ouganda. Pour les Ougandais, le développement des industries extractives est porteur de nombreuses promesses de progrès économiques et sociaux, en particulier pour les communautés souvent démunies qui vivent à proximité des ressources naturelles. Mais face aux intérêts économiques en présence, le respect de leurs droits humains est loin d’être acquis. Comme dans d’autres contextes, de nombreuses violations des droits des femmes et l’accroissement des inégalités de genre sont à déplorer. En effet, alors que les hommes sont plus susceptibles de bénéficier des retombées économiques, notamment en termes d’emplois et de revenus, les femmes sont plus exposées aux conséquences négatives (perturbations sociales, dégradation de l’environnement), qui affectent non seulement leurs sources de revenus, mais aussi leur intégrité physique. Afin de mieux comprendre la manière dont les femmes vivent ces transformations économiques, ASF a effectué des recherches au sein des régions minières et pétrolières du Bunyoro et du Karamoja. Les résultats montrent que dans un environnement caractérisé par des dynamiques patriarcales, un faible état de droit et une importante asymétrie des pouvoirs, les femmes font preuve d’initiative quand il s’agit de subvenir à leurs besoins économiques immédiats, mais sont limitées dans leur capacité à réagir face à d’autres types d’injustices, telles que des violences basées sur le genre ou des violations de leur droits fonciers, leur droit à la santé ou leur droit à un environnement sain. L’étude révèle ainsi certains éléments structurels qui semblent soit permettre, soit compromettre, la capacité des femmes à réagir et s’adapter aux changements qu’elles subissent du fait de l’exploitation des ressources extractives. A titre d’exemple, l’existence préalable de groupes tels que des groupes d’épargnes et de crédit, en ce qu’ils offrent aux femmes une base pour l’action collective dans un espace public dominé par les hommes, s’avère être un des facteurs facilitant l’action. Ce pouvoir d’agir est en revanche restreint par d’autres facteurs, typiquement lorsque les femmes doivent compter sur l’intervention d’acteurs externes. Elles se trouvent alors fortement limitées pour redresser les injustices causées. Ce constat est loin d’être surprenant dans un contexte légal et institutionnel souffrant de nombreuses lacunes. Néanmoins, les données indiquent que l’arrivée d’acteurs privés puissants, soutenus par les élites gouvernementales, semble avoir eu pour effet d’affaiblir d’avantage les structures de soutien telles que les gouvernements locaux, les leaders communautaires et les acteurs impliqués dans la résolution des conflits. Dans un contexte marqué par une forte asymétrie des pouvoirs, les structures locales se retrouvent ainsi démunies lorsqu’elles doivent agir en faveur des femmes et aux communautés lésées. De leur côté, les entreprises ne proposent pas de réelles mesures pour contrecarrer les conséquences négatives de leurs activités – voire instrumentalisent les faiblesses institutionnelles existantes à leur avantage. En fin de compte, peu d’avenues sont offertes aux femmes et communautés pour revendiquer et faire valoir leurs droits. Pour remédier à ces lacunes, ASF propose un programme d’autonomisation juridique à multiples facettes, ciblant l’ensemble des acteurs de la justice. Du côté de la demande, il s’agit d’équiper les femmes et les communautés affectées par l’exploitation de leurs ressources pour bénéficier pleinement de leurs droits, prendre une part active dans le développement socio-économique, mais également contrôler leurs élites. Du côté de l’offre, les mécanismes de justice doivent être rendus plus fiables et disponibles et être mieux coordonnés. A cette fin, un large catalogue d’actions peut-être déployé, allant du renforcement de capacités des acteurs de justice communautaires à l’adoption et à la mise en œuvre de lois permettant de tenir les acteurs de l’industrie extractive responsables pour leurs actes. >> Téléchargez le rapport d’ASF Digging for Power. Women empowerment and justice amidst extractive industry developments in the Albertine and Karamoja, Uganda >> Regardez la vidéo
Avec le soutien de la Coopération belge au Développement.
Photo © ASF/Alexia Falisse

Lutte contre la traite des êtres humains: la coordination est essentielle

Tunis, le 28 février 2019 – Pays d’origine, de transit et de destination pour les victimes de la traite des êtres humains, la Tunisie s’est dotée depuis 2016 d’un cadre juridique fort pour combattre ce phénomène. Mais comment assurer une collaboration efficace entre les acteurs impliqués ? Le 23 janvier, journée nationale de l’abolition de l’esclavage, ASF et l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes organisaient un colloque international pour faire le point sur la question.

« Pour lutter contre la traite, il est essentiel que les différents acteurs impliqués collaborent et se coordonnent », explique Zeineb Mrouki, coordinatrice de projet pour ASF en Tunisie (à droite sur la photo ci-dessous). « L’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes est chargée d’établir un mécanisme national de référencement (MNR) pour organiser cette coopération entre les agences gouvernementales et la société civile. Il doit permettre l’identification des victimes, leur orientation vers les services adéquats, leur accompagnement et leur protection. »

Ministères, forces de l’ordre et des douanes, travailleurs sociaux, inspection du travail, délégué.e.s à la protection de l’enfance, société civile… se sont ainsi réunis pour partager leurs expériences en matière de référencement des victimes, et élaborer ensemble des recommandations pour la mise en place du futur MNR.

Deux constats principaux émergent des discussions : la nécessité de former les acteurs impliqués sur les dispositions prévues par la Loi organique n°2016-61 relative à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes ; et le besoin, au niveau de chacun des acteurs, d’adapter ses pratiques à cette loi.

Les personnes étrangères en situation illégale ont, par exemple, droit à la protection lorsqu’elles sont victimes de traite. Pourtant, elles sont le plus souvent expulsées du pays par la police sans avoir pu en bénéficier, faute d’avoir été identifiées et reconnues comme telles. Les techniques d’investigation et les techniques d’écoute des victimes, quant à elles, ne sont pas adaptées aux cas de traite.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la traite, 780 cas de traite des personnes ont été enregistrés. Les victimes sont de plus en plus nombreuses à porter plainte. Cependant, à ce jour, aucun jugement n’a retenu la qualification de traite pour les infractions commises, soit parce que les juges méconnaissent la loi, soit parce qu’ils souhaitent privilégier des peines moins élevées. Appel est donc lancé aux juges chargés d’affaires de traite, pour qu’ils utilisent les outils mis à leur disposition par la loi.

« Nous appelons aussi les ministères concernés, comme celui de la Santé ou de la Femme, à mettre en application les dispositions prévues », rajoute Zeineb Mrouki. « Il s’agit entre autres de la gratuité des soins et de la mise à disposition d’un logement pour les victimes », conclut-elle.

Le 24 janvier, au lendemain du colloque, des sessions de sensibilisation étaient organisées dans le centre-ville de Tunis, pour informer le grand public sur la réalité de la traite et les droits de ses victimes.

Le colloque et la journée de sensibilisation étaient organisé par l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et Avocats Sans Frontières avec la participation du Conseil de l’Europe, de l’Organisation internationale pour les migrations, du Programme des Nations Unies pour le développement, du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Photos © ASF

Courez les 20 km de Bruxelles avec ASF

Le 19 mai 2019, ASF sera sur la ligne de départ des 20 km de Bruxelles. Vous voulez combiner défi sportif et solidarité avec les populations en demande de justice au Tchad? Rejoignez notre équipe! Le principe: Nous vous chouchoutons avant, pendant et après la course :
  • Une séance d’entraînement hebdomadaire et des conseils personnalisés pendant les 3 mois précédant la course, encadrés par notre collègue Pascal, sportif de haut niveau.
  • Un accueil personnalisé au départ et à l’arrivée.
  • Un lieu pour déposer vos affaires, tout proche de la ligne de départ.
Vous faites partie d’un cabinet d’avocats, d’une société ou d’une institution ?
  • Motivez vos collègues pour courir ensemble.
  • A partir de 10 coureurs/coureuses, nous vous offrons un t-shirt personnalisé avec votre logo (en noir et blanc).
  • Inscrivez-vous via le formulaire ci-dessous et parlez-en autour de vous!
>>> Vers le formulaire d’inscription Nous sommes bien évidemment disponibles pour répondre à toutes vos questions : n’hésitez pas à contacter Séverine par mail (20km@asf.be) ou par téléphone (02 223 36 54). L’équipe d’ASF

Soutenez les parajuristes, acteurs essentiels de la justice au Tchad

Bruxelles/N’Djamena, le 17 décembre 2018 – Le Tchad compte environ 12 millions d’habitants… et 135 avocats en exercice, presque tous basés dans la capitale N’Djamena. Heureusement, ils ne sont pas seuls pour défendre les droits de la population : encadrés et formés par des organisations nationales et par ASF, les parajuristes proposent des services d’aide légale aux personnes les plus démunies. Les parajuristes sont des hommes et femmes qui rendent le droit accessible à tous, de manière bénévole. Il s’agit le plus souvent de simples villageois et villageoises, non professionnels du droit. Leur action, complémentaire à celle des avocats, est cruciale : elle permet de résoudre les conflits sans acrimonie, dans le respect des droits de chacun, et de renforcer la paix et de la cohésion sociale. Ce sont de véritables ambassadeurs du droit auprès de la population. Bedjebedje, 60 ans, est parajuriste à Béré : « Ce qui me motive le plus, c’est l’apport que nous donnons à la société et la façon dont nous l’éduquons au droit. Mon souci est que justice soit faite. » Faites un don : aidez-nous à améliorer les conditions de travail des parajuristes et à assurer la qualité des services qu’ils délivrent. 40 euros permettent par exemple de prendre en charge leurs frais de déplacement et de communication pendant un mois, et d’atteindre ainsi des zones plus reculées. Mbaibai, 47 ans, mère de 5 enfants et parajuriste : « En raison du manque de moyens de transport, je me déplace à pied. Mais je m’estime contente et je suis optimiste. J’espère que les conditions de travail s’amélioreront un jour. » Faites un don: Si votre contribution atteint 40 euros, nous vous enverrons une attestation fiscale courant février. Le projet d’ASF avec les parajuristes au Tchad bénéficie pour une partie du soutien de l’Union européenne. Nous avons besoin de vous pour compléter ce financement et mener à bien toutes les activités prévues ! Nous vous remercions pour votre générosité et vous souhaitons de très belles fêtes de fin d’année.
PS: Le 19 mai 2019, nous montons une équipe pour courir les 20 km de Bruxelles au profit des parajuristes tchadiens. Rejoignez-nous, les inscriptions sont ouvertes !
Photos © Selma Khalil pour ASF

Fermeture de notre bureau au Burundi

Comme toutes les ONG internationales présentes au Burundi, Avocats Sans Frontières a vu ses activités dans le pays suspendues par le Conseil national de sécurité depuis le 1er octobre dernier, pour motif de ne pas s’être mise en conformité avec la loi sur les organisations non gouvernementales étrangères (ONGE) adoptée en janvier 2017. Le Ministère de l’intérieur burundais a conditionné la levée de cette suspension au dépôt et à la validation, avant le 31 décembre de cette année, d’un dossier comprenant quatre documents. Il s’agit plus précisément d’une convention de partenariat avec le Ministère des relations extérieures, d’un protocole d’accord avec le Ministère de la justice, d’un engagement à respecter les lois bancaires et la loi sur les ONGE, et d’un plan d’action pour mettre en place des mesures de recrutement visant à atteindre des quotas déterminés en termes de composition ethnique de notre personnel. Après mûre réflexion, nous estimons que répondre favorablement à certaines demandes des autorités serait contraire au fondement même de notre organisation et à ses valeurs. Nous ne serons donc pas en mesure d’obtenir la levée de notre suspension. Après 20 ans de présence ininterrompue au Burundi, nous sommes ainsi contraints, à notre plus grand regret, de fermer notre bureau à Bujumbura et de quitter le pays à la date du 31 décembre 2018. Notre volonté d’agir en faveur de l’accès à la justice pour les populations burundaises reste, elle, intacte, et nous espérons pouvoir y contribuer à nouveau dans le futur. Nous remercions vivement toutes les personnes, associations et institutions ayant soutenu notre action au Burundi depuis 1999, et leur souhaitons une bonne continuation. N’hésitez pas à nous contacter pour toute information complémentaire à ce sujet.
Photo © ASF/Monica Rispo

Tchad : la justice dans tous ses états (4/4)

N’Djamena, le 26 novembre 2018 – Durant ces mois d’automne, ASF vous propose un portrait de la justice au Tchad, à travers des entretiens avec quatre personnalités engagées dans la défense des droits humains dans le pays. Maître Guerimbaye Midaye est avocat au Barreau du Tchad. Il est actif depuis près de 30 ans au sein de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH), dont il assume maintenant la présidence. Pour lui, combiner son rôle d’avocat et de défenseur des droits humains, est une évidence. « Le lien entre les deux est très fort ». Comment est née la LTDH ? Me Midaye : Fondée en 1991 peu après le renversement du régime d’Hissène Habré, la LTDH est la plus ancienne association de défense des droits humains au Tchad. Durant ses premières années d’existence, les gens la confondaient avec une organisation politique. Nous avons dû faire comprendre aux pouvoirs publics et à la population que défendre les droits de l’Homme n’est pas lutter pour la conquête du pouvoir. Nous portons un regard critique sur la gestion de la chose publique et la gouvernance, mais cela ne fait pas de nous un parti d’opposition. En quoi consiste le travail de la LTDH ? Me Midaye : Nous militons pour la mise en œuvre de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des conventions ratifiées par le Tchad. Nos actions comprennent la sensibilisation des populations, la vulgarisation du droit, la dénonciation des violations et l’accompagnement juridique et judiciaire des personnes dont les droits sont bafoués. La LTDH est-elle fort investie dans la question des droits coutumiers ? Me Midaye : En effet. Sous couvert de la coutume, les chefs traditionnels adoptent parfois des comportements attentatoires à la vie ou à l’intégrité physique. Nous les sensibilisons au fait que la personne humaine est au-dessus de toute autre considération, quelles que soient les coutumes. Prenons l’exemple des enfants bouviers : des enfants, parfois très jeunes, travaillent comme bergers auprès d’éleveurs, dans des conditions souvent proches de l’esclavage. Nous militons pour le respect de leurs droits. Nous luttons aussi contre la pratique de l’excision. Vous donnez également des conseils juridiques… Me Midaye : Nous tentons d’orienter au mieux les personnes qui viennent nous voir, en fonction des cas qu’elles nous soumettent. Si nécessaire, nous les accompagnons pour faire valoir leurs droits devant un juge. La loi prévoit que toute personne poursuivie dans une affaire criminelle doit être assistée par un avocat. Or, dans de nombreuses localités, il n’y a pas d’avocat. Pour contourner cette difficulté, le juge désigne généralement à cette fonction n’importe quelle personne sachant parler français. On peut parler français mais passer pourtant à côté de l’essentiel en matière de défense des droits ! Avec la LTDH, nous reprenons régulièrement les dossiers de personnes qui sont dans cette situation et encourent des peines très lourdes. Il y a deux ans, j’ai par exemple défendu une cinquantaine de prévenus dans un procès à Moussoro. Nous aidons également les personnes libérées à rejoindre leur famille, parfois à l’autre bout du pays. Selon vous, le lien entre le travail des avocats et celui des organisations de la société civile comme la LTDH, est très fort Me Midaye : Il faut savoir qu’il y a très peu de juristes au sein des organisations de la société civile. Ma formation d’avocat et ma connaissance des procédures de droit représentent un atout important lorsqu’il s’agit de défendre les droits de l’Homme. Le lien entre les deux aspects est très fort. Etre avocat me permet de comprendre les rouages du système judiciaire, d’être en contact avec ses différents acteurs, et de bien conseiller les victimes de violations de leurs droits. Souvent, elles ne savent pas à quelle porte il faut aller frapper. Je les oriente vers la bonne porte. Certaines personnes s’orientent vers la profession d’avocat pour devenir riches. Or, être un défenseur des droits humains, c’est accepter d’être humble, de servir une cause sans s’attendre à une rémunération. Les honoraires les plus gratifiants que je perçois, c’est quand une personne que j’ai fait sortir du trou me dit « Merci beaucoup ! ». Cela représente plus que l’argent que je reçois pour avoir gagné une affaire devant un tribunal.  Comment caractérisez-vous le fonctionnement de la justice au Tchad ?  Me Midaye : C’est une catastrophe. Je le dis en pesant mes mots. Le problème récurrent de la corruption donne aux justiciables le sentiment que seul celui qui est riche peut gagner. Or, tout le monde n’est pas riche. Au-delà de cela, il y a le problème du bilinguisme. Certains acteurs majeurs de la justice – y compris des juges – ne maîtrisent pas du tout le droit… et pas du tout le français, qui est la langue dans laquelle nos lois sont écrites. Lorsque je plaide devant un juge qui ne comprend pas ce que je dis, je me sens, en tant qu’avocat, comme un escroc. J’ai le sentiment d’escroquer la personne qui m’a payé pour travailler en son nom. Une solution serait évidemment d’intégrer l’arabe dans le fonctionnement de la justice… mais l’Etat tchadien ne prend aucune disposition en ce sens. Quel rôle voyez-vous pour Avocats Sans Frontières dans le pays ? Me Midaye : L’essentiel est que les citoyens s’approprient leurs droits et sachent comment et auprès de qui les revendiquer. Je souhaite qu’ASF nous appuie dans cette approche. ****
Une interview réalisée par Victor Odent, Directeur-pays d’ASF au Tchad.
Précédemment : – Rencontre avec Me Doumra Manassé, avocat à N’Djamena. – Rencontre avec Me Maitre Delphine Djiraibe, présidente du Public Interest Law Centre. – Rencontre avec Pyrrhus Banadji Boguel, président du Collectif des Associations de Défense des Droits de l’Homme.
ASF est présente au Tchad depuis 2012, notamment avec le soutien de l’Union européenne, et mène plusieurs projets avec les acteurs de la justice présents sur le terrain. Cette série d’interviews donne la parole à différents partenaires d’ASF.
Photo de couverture : Me Maître Guerimbaye Midaye
 

Tchad : la justice dans tous ses états (3/4)

N’Djamena, le 19 novembre 2018 – Durant ces mois d’automne, ASF vous propose un portrait de la justice au Tchad, à travers des entretiens avec quatre personnalités engagées dans la défense des droits humains dans le pays. Pyrrhus Banadji Boguel est président du Collectif des Associations de Défense des Droits de l’Homme. Animé depuis toujours par la volonté de servir sa communauté, ce juriste défend les droits humains pour « donner la parole aux personnes qui n’ont pas droit au chapitre ». Qu’est-ce que le Collectif des Associations de Défense des Droits de l’Homme (CADH) ? Pyrrhus Banadji Boguel : Le CADH a été créé en 1998, pour renforcer les synergies entre les organisations de défense des droits humains* et les appuyer dans leur rôle : contribuer à l’instauration d’un véritable état de droit au Tchad et au respect de la bonne gouvernance et des droits humains. En 20 ans, le Collectif a pleinement rempli sa mission d’éveil des consciences et de renforcement des capacités des citoyens tchadiens. Il a participé activement à la vie politique, économique et sociale du pays, par exemple interpellant les pouvoirs publics sur leurs responsabilités en tant que garants et protecteur des droits de l’Homme, et en dénonçant les cas de violations de ces droits. Il a fourni des analyses objectives et pertinentes sur l’exploitation des ressources naturelles, la lutte contre l’impunité, l’accès à la justice pour les personnes vulnérables, la lutte contre les arrestations arbitraires et illégales, la lutte contre les violences basées sur le genre, ou encore le contrôle de l’action publique. Comment envisagez-vous votre rôle de défenseur des droits humains ? P.B.B. : Un défenseur des droits de l’Homme est celui qui est plus proche de ceux qui sont loin de tout, et ils sont nombreux au Tchad à être loin de tout ! Il est le porte-parole de ceux et celles qui n’ont pas droit au chapitre. Beaucoup de nos concitoyens sont victimes d’injustices, par exemple d’abus et d’arnaques par des policiers, des gendarmes ou des autorités administratives et militaires. Ils ne savent plus à quels saints se vouer. Ils n’ont pas accès aux services essentiels de base comme la santé, l’éducation et l’alimentation. Notre rôle est de porter la voix de ces sans-voix, de lutter contre les injustices sociales, les inégalités, les arnaques, et les abus de droits dont ils sont victimes. Cette conviction me motive depuis toujours. A quels défis les défenseurs des droits humains sont-ils confrontés ? P.B.B. : Ils sont nombreux ! Les défenseurs font régulièrement l’objet de menaces, d’abus et d’intimidations en tout genre. Les pouvoirs publics méconnaissent leur rôle et ne leur garantissent pas un environnement de travail sécurisé. Comment caractérisez-vous le fonctionnement de la justice au Tchad ?  P.B.B. : Notre système judiciaire éprouve encore toutes les difficultés du monde à répondre aux aspirations profondes des populations en matière d’accès à la justice. Il est malade, gangrené par l’immixtion récurrente des autorités administratives et militaires dans les affaires judiciaires. Avec pour conséquences des violations des droits fondamentaux des citoyens, la disparition de dossiers importants, la corruption des magistrats et des auxiliaires de justice, des nominations qui ne respectent pas les critères élémentaires d’ancienneté, une guéguerre entre les syndicats des magistrats, etc. D’autres problèmes s’ajoutent à cela, comme la vétusté des infrastructures, la faible information des citoyens sur le droit, les honoraires trop élevés par rapport aux moyens de la population, la non-exécution des décisions judiciaires, la lenteur… tout cela rend l’accès à la justice complexe et difficile pour les citoyens tchadiens, qui se tournent alors parfois vers une justice privée, basée sur la vengeance.   L’instauration, à terme, d’un système judiciaire soucieux du respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens doit constituer une priorité pour les autorités politiques. Pour redorer son blason et donner à la justice ses lettres de noblesses, il faut appliquer les recommandations des Etats généraux de la justice de 2003 et poursuivre les efforts entrepris depuis lors. Un Etat ne peut se consolider sans la justice.
* Le CADH regroupe actuellement six organisations : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Tchad), Association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad (APLFT, dont Pyrrhus Banadji Boguel est également le président), Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH), Association tchadienne pour la non-violence (ATNV), Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH) et Tchad non-violence (TNV).
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Une interview réalisée par Victor Odent, Directeur-pays d’ASF au Tchad.
Précédemment : – Rencontre avec Me Doumra Manassé, avocat à N’Djamena. – Rencontre avec Me Maitre Delphine Djiraibe, présidente du Public Interest Law Centre.
A suivre: – Rencontre avec Me Guerimbaye Midaye, président honoraire de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme.
ASF est présente au Tchad depuis 2012, notamment grâce au soutien de l’Union européenne, et mène plusieurs projets avec les acteurs de la justice présents sur le terrain. Cette série d’interviews donne la parole à différents partenaires d’ASF.
Photo de couverture : Me Pyrrhus Banadji Boguel