Justice ExPEERience, le réseau de promotion des droits humains lancé par ASF, fête ses deux ans

Il y a deux ans, Avocats Sans Frontières lançait Justice ExPEERience, un réseau pour la promotion des droits humains, ainsi qu’une plateforme en ligne du même nom afin de soutenir et de dynamiser ce réseau. Cet anniversaire est l’occasion pour nous de revenir sur l’historique et le mandat du réseau Justice ExPEERience et de sa plateforme. Un rapport sur ses deux premières années d’activité vient d’être publié, il aborde les évolutions de celui-ci depuis sa création, ses projets marquants mais aussi ses perspectives de développement.

Le réseau s’est largement étendu depuis son lancement en 2021. Il compte aujourd’hui plus de 600 membres travaillant dans 52 pays, sur les 5 continents. Le réseau veut créer davantage de lien entre les acteur‧rice‧s du secteur de la promotion de l’accès à la justice et des droits humains à travers le monde. L’objectif est qu’il‧elle‧s puissent partager des connaissances, renforcer leurs capacités et travailler sur des projets conjoints pour avoir plus d’impact.

La plateforme Justice ExPEERience a, elle aussi, été considérablement améliorée. En 2022, elle s’est notamment dotée d’une application mobile, téléchargeable sur tout smartphone. L’interface de la plateforme a également été traduite en langue arabe, qui vient s’ajouter aux langues déjà existantes, dont l‘anglais et le français. Des développements sont également en cours pour améliorer la fluidité, la rapidité et l’expérience utilisateur‧rice sur la plateforme Justice ExPEERience. 

Plusieurs communautés de pratique, coalitions ou groupes de travail ont également vu le jour sur Justice ExPEErience ces deux dernières années. Elles ont partagé de l’information et contribué aux échanges sur les espaces publics, mais ont également pu travailler et collaborer dans des espaces confidentiels pour développer collectivement des campagnes de plaidoyer, des projets de monitorings de violations de droits humains, ou encore des contentieux stratégiques.

Dialogue national sur la sauvegarde des droits procéduraux et constitutionnels des personnes en détention provisoire en Ouganda : Une réflexion sur les défis et les opportunités

  • Quand ? Jeudi 26 octobre 2023
  • Où ? Kampala
  • Cet évènement est organisé avec la Uganda Human Rights Commission
  • Sur invitation seulement
  • Diffusion en ligne de l’événement

Cet évènement réunira des acteur‧rice‧s des forces de police ougandaises, de l’administration pénitentiaire ougandaise, du pouvoir judiciaire, du bureau du directeur des poursuites publiques, du parlement, des membres de la société civile, du monde universitaire, des partenaires du développement et des auxiliaires juridiques.

Ce sera l’occasion d’aborder les défis qui affectent l’application des droits procéduraux dans l’administration de la justice pénale en Ouganda et de proposer des réformes pour combler les lacunes identifiées.

Cet événement s’inscrit dans le cadre du projet « Protéger les droits procéduraux et constitutionnels par l’accès à la justice », mis en œuvre de 2020 à 2023 par ASF et son partenaire LASPNET (Legal Aid Service Provider Network) dans les districts de Gulu, Masindi, Hoima, Lamwo, Kampala et Wakiso.

En Ouganda, comme dans de nombreux pays, les droits des personnes en détention provisoire continuent d’être violés. Depuis le début du projet, les avocat‧e‧s et les auxiliaires juridiques ont contacté plus de 10 000 détenu‧e‧s dont les droits procéduraux ont été violés dans les districts du projet, et ont fourni des recours procéduraux à plus de 2 000 détenu‧e‧s. Parmi ces violations, on peut citer la détention des suspects au-delà de 48 heures et le dépassement de la durée de la détention provisoire pour les auteur‧rice‧s de délits mineurs et de crimes, ce qui entraîne des violations de leur droit constitutionnel à être libéré‧e‧s sous caution obligatoire et à bénéficier d’un procès équitable et rapide. Deux études menées par ASF, le rapport de base sur le profil socio-économique des détenu‧e‧s et le rapport sur les connaissances, attitudes et pratiques, ont noté que le dépassement de la durée de détention provisoire par les petit‧e‧s délinquant‧e‧s et les délinquant‧E‧s passibles de la peine de mort est le résultat d’une mauvaise attitude des acteur‧rice‧s étatiques à l’égard de la détention provisoire.

L’objectif du projet est de contribuer à une meilleure application des droits procéduraux et constitutionnels dans l’administration de la justice pénale afin de renforcer l’adhésion aux droits humains et à l’État de droit en Ouganda. Il a adopté une approche holistique, allant au-delà des questions de détention dans l’administration de la justice en Ouganda et travaillant à un plus grand engagement des institutions centrales pour la réforme politique en Ouganda.

Inscriptions pour participer en ligne

Afrique de l’Est – Protéger l’espace civique : une approche basée sur le contentieux stratégique

Cet article a été publié dans le rapport annuel 2022 d’ASF.

En 2022, le bureau régional Afrique de l’Est d’ASF a lancé un projet couvrant trois pays de la région : le Burundi, la Tanzanie et l’Ouganda. L’objectif de ce projet est de contribuer à la promotion de l’État de droit en encourageant les organisations de la société civile à recourir à des courts, des organes, des mécanismes et des instruments régionaux de traités des droits humains, notamment en renforçant leurs capacités et leurs connaissances en la matière.

En pratique, le projet se concentre sur la promotion de l’utilisation des contentieux stratégiques comme outils d’influence, afin d’apporter des réformes positives dans les domaines de l’espace civique et des libertés civiles. Dans ses pays d’intervention, ASF a identifié des contentieux existants et en développement menés par des organisations de la société civile de la région. Le projet apporte un soutien financier et technique à ces organisations, les accompagne afin d’affiner leurs réflexions stratégiques et de renforcer leurs actions en couplant la mise en place de ces contentieux à des actions de plaidoyers notamment. Le projet, au vu de sa dimension régionale, a pour ambition d’appuyer les contentieux qui sont portés devant des mécanismes régionaux tels que la Cour de justice de l’Afrique de l’Est ou la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).

Avec le soutien de l’Union panafricaine des avocats, ASF travaille sur le dépôt d’un contentieux devant la CADHP en matière de droit d’association, qui couvre une douzaine d’États africains. ASF a fait le constat, sur la base d’observations et d’analyses juridiques que les pratiques et lois régissant les ONG dans de nombreux États africains étaient en violation de la liberté d’association. Ces soumissions visent à faire respecter les libertés civiles fondamentales et à imposer aux États une obligation positive de réformer les lois en vigueur et de mettre fin aux pratiques portant atteinte au droit d’association.

ASF apporte également un soutien financier et technique à une pétition constitutionnelle déposée par des organisations de la société civile, dont Chapter Four, devant la Cour constitutionnelle de l’Ouganda, pour contester la constitutionnalité de la loi sur l’utilisation abusive de l’informatique votée en octobre 2022. Bien que cette loi controversée ait été saluée par le gouvernement comme une protection nécessaire de la vie privée à l’ère numérique, elle est perçue par de nombreuses OSC locales comme une atteinte aux libertés d’expression et de la presse.

Le bureau régional Afrique de l’Est

Cet article a été publié dans le rapport annuel 2022 d’ASF.

Ces dernières années, ASF a progressivement mis en place une approche régionale pour développer ses activités en Afrique de l’Est. Afin de soutenir ce développement de d’assurer l’implémentation d’une stratégie régionale impactante et cohérente, l’organisation a créé un bureau régional à Kampala en 2021. Il est actuellement composé de trois personnes, en plus du directeur régional et de directrice nationale pour l’Ouganda et des coordinateurs de programmes pour le Kenya et la Tanzanie.

Les pays d’Afrique de l’Est partagent des liens historiques, économiques, politiques, sociaux et culturels importants et sont de plus en plus intégrés. Dans ce contexte, des enjeux stratégiques du mandat d’ASF, telles que la gouvernance des ressources naturelles, la détention ou la sécurité et la liberté, peuvent concerner plusieurs pays. Les leçons tirées de la mise en œuvre de programmes dans un pays peuvent servir au développement d’actions dans d’autres contextes.

Depuis sa création, l’un des rôles clés du bureau régional a été de de créer du lien entre les différents programmes d’ASF, de compiler les enseignements et les connaissances acquises dans le cadre d’un programme pour les redistribuer stratégiquement afin d’optimiser l’action déployée dans le cadre des différents projets développés par ASF en Afrique de l’Est. Cela a permis de développer des synergies, tout en laissant de l’espace pour la contextualisation de chaque intervention.

En outre, la création de nouveaux rôles dédiés à des fonctions techniques spécifiques au sein de l’équipe régionale a permis à ASF d’améliorer l’appui méthodologique aux différentes équipes nationales, dans des domaines tels que la recherche, le suivi et l’évaluation, les litiges stratégiques et le plaidoyer.

L’une des priorités du Bureau régional est également d’identifier les opportunités de développement au niveau régional, y compris à travers la rédaction de projets multi-pays et régionaux. En mars 2022, ASF a lancé un projet de deux ans financé par la Coopération belge au développement (DGD) intitulé  » Protecting Civic Space : a Public Interest Litigation Approach « . Couvrant trois pays de la région, le projet vise à contribuer à l’avancement de l’État de droit en Afrique de l’Est en mobilisant la société civile autour des organes, mécanismes et instruments régionaux de traités relatifs aux droits humains.

Le Bureau régional entend continuer à renforcer la présence d’ASF au niveau régional en Afrique de l’Est. Que ce soit par le biais du plaidoyer, des litiges stratégiques ou de collaborations avec des acteur‧rice‧s locaux‧les ou régionaux‧les.

ExPEERience Talk #11 – Décriminaliser la pauvreté, le statut et l’activisme : une urgence mondiale, une campagne internationale

  • Quand ? 5 octobre – 12h (GMT+1, Tunis) ; 13h (GMT+2, Bruxelles)
  • Langue : Français
  • Évènement gratuit en ligne – Inscription obligatoire

Ce 11ème ExPEERience Talk sera consacré à la Campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme. Plusieurs de ses membres viendront y présenter son histoire, son fonctionnement, ses premières victoires et aborderont les défis rencontrés et les opportunités que présentent la mise en réseau d’une multiplicité d’acteur.rice.s pour s’attaquer à un enjeu mondial et systémique d’une telle ampleur.

Partout dans le monde, en effet, des lois et des pratiques policières et pénales tendent à contrôler, arrêter et enfermer disproportionnellement les populations en situation de vulnérabilité ou de marginalisation (personnes pauvres ou sans-abri, personnes LGBTQI+, travailleur‧euse‧s du sexe, personnes migrantes, etc.). Les délits mineurs – mendicité, désordre sur la voie publique, consommation de drogues, vagabondage…- sont utilisés contre ces personnes dans le seul but de criminaliser ce qu’elles représentent dans la société plutôt que les délits qu’elles ont commis. On assiste aussi, dans de nombreux pays, à un rétrécissement de l’espace civique et à une instrumentalisation du droit pénal pour réprimer l’activisme et étouffer la dissidence. Ces phénomènes sont profondément ancrés dans les législations, institutions et pratiques des États à travers le monde.

Au cours de cet ExPEERience Talk, des intervenant.e.s, travaillant pour plusieurs organisations membres de la campagne, viendront illustrer les conséquences très concrètes de ces lois et pratiques liberticides sur la société civile et les populations. Il.elle.s évoqueront également différentes actions entreprises dans le cadre de la campagne : recherches conjointes, actions contentieuses et actions de plaidoyer devant les institutions nationales et internationales.

À ce jour, la campagne est portée par une cinquantaine d’organisations de la société civile issues de nombreux pays. Son ambition est de créer les conditions d’un changement global des lois, politiques et pratiques pénales et sociales en adoptant une stratégie transnationale et multisectorielle.

Intervenant‧e‧s

  • Khayem Chemli – Head of advocacy chez ASF – région Euromed (modérateur)
  • Soheila Comninos – Senior program manager chez Open Society Foundations
  • Arnaud Dandoy – Research & Learning Manager chez ASF – région Euromed
  • Asmaa Fakhoury – Country director ASF Maroc
  • Maria José Aldanas – Policy Officer chez FEANTSA

Essais académiques – Entreprises et Droits Humains

Essais académiques – Entreprises & Droits Humains est une série spéciale d’articles née d’une collaboration entre la Faculté de droit de Sfax et Avocats Sans Frontières.

Mot de l’équipe ASF

Nous sommes très heureux‧ses de pouvoir vous présenter la revue académique ‘Entreprises & Droits Humains’. Elle est le fruit du travail des étudiant·es de la Faculté de droit de Sfax dans le cadre du projet PREVENT (mené par ASF en collaboration avec le Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES) et IWATCH). Cette initiative a pour but de mettre la lumière sur ASF et ses partenaires veulent mettre l’accent sur l’importance de toujours lier la question du développement économique à celles du respect de l’environnement et des droits fondamentaux des populations. Il est fondamental que les générations futures puissent s’approprier et s’emparer de ces enjeux. Les étudiant‧e‧s et les jeunes chercheu‧re‧s d’aujourd’hui seront les acteur‧rice‧s de demain. C’est eux‧elles qui ont le pouvoir de permettre à nos sociétés de continuer à se développer tout en respectant les droits de chacun et chacune mais aussi les équilibres écosystémiques qui garantissent le bon développement de la faune, de la flore et de l’humain.

Dans le cadre de cette série académique, les auteur·ice‧s examinent des thèmes tels que :

  • les atteintes à l’environnement et la responsabilité civile
  • les mécanismes de négociation et de contrôle
  • l’organe de règlement des différends de l’Organisation Mondiale du Commerce
  • la protection de l’environnement
  • la responsabilité pénale pour délit environnemental
  • le droit à un environnement sain
  • les droits sociaux des travailleur·euses à travers la loi sur le travail et la sécurité sociale.

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers la faculté de Sfax et Madame Afef Marrakchi, professeure chargée de travaux, pour leur confiance et leur collaboration. Leur soutien inconditionnel a été essentiel pour mener à bien ce projet. Nous adressons également nos remerciements aux étudiant·es et chercheur·euse‧s pour leur temps, leur dévouement et leur précieuse contribution à cette revue académique et aux réflexions qui y sont produites.

Nous espérons que cette revue stimulera la réflexion et suscitera des débats fructueux. Nous vous invitons à vous plonger dans ces pages pour en apprendre davantage sur ce qui sera un des grands enjeux de notre siècle. Ensemble, nous pouvons construire un avenir dans lequel chacun et chacune assument pleinement ses responsabilités en matière de respect de l’environnement et des droits humains.

Articles disponibles en français

I- La responsabilité sociétale des entreprises : approche comparée Fadhel Rania p.02

II- La responsabilité sociétale du groupe chimique tunisien envers la région de Gabès JEMAI Moutawakkel p.15

III- Le contrôle de la responsabilité sociale des entreprises dans les banques tunisiennes Firas Hakim p.41

IV- Changement climatique et économie : quelle(s) relation(s) ? Imen Feki p.56

V- La protection des droits de l’Homme face à la libéralisation du commerce international Asma Dabbech p.70

VI- L’organe de règlement des différends de l’OMC et la protection de l’environnement Sirine Rebai p.83

VII- Les mécanismes de dénonciation et de contrôle Nadia Louati Ben Moallem p.97

Articles disponibles en arabe

قراءة نقدية لقانون المسؤولية المجتمعية  » قانون عدد 35 لسنة 2018 p.118 في 11 جوان 2018″: شيماء غبارة

قطاع المحروقات وحماية البيئة من خلال الاتفاقيات الدولية: ابتسام الشتيوي
p.134

p. 154 الحق في بيئة سليمة : هناء الرقيق

الحقوق الاجتماعية للعمال من خلال قانون الشغل والضمان الاجتماعي: سندس
p.164 عبداللاوي
p.177 الضرر البيئي و المسؤولية المدنية : محمد الخرّاط
p. 194 المسؤولية الجزائية عن الجريمة البيئية: نجاح جدائدة
p.207 تأثير الإشكالات العقارية على البيئة: مريم بلمقدم
p.216 الاستثمار وحماية البيئة: خلود هدريش

Réalisé en partenariat avec la Faculté de droit de Sfax

Cette initiative a été mise en place dans le cadre du projet PREVENT (Pour la responsabilité et la vigilance des entreprises)

Financé par l’Union européenne

Lutter contre la surpopulation carcérale et les détentions illégales en République démocratique du Congo

Cet article est extrait du rapport annuel 2022 d’ASF.

En décembre 2022, selon les chiffres officiels partagés par l’administration pénitentiaire, la population carcérale dans les 142 prisons recensées en République démocratique du Congo (RDC) s’élevait à 44.536 personnes. Les personnes incarcérées en RDC sont victimes de violations graves de leurs droits fondamentaux, notamment ceux relatifs au respect des garanties procédurales et au droit à des conditions de détention dignes et respectueuses des standards internationaux. Parmi elles, environ 70% est en attente de jugement. Dans 4 des principales prisons centrales du pays (Kinshasa, Goma, Matadi et Mbuji-Mayi), le taux de surpopulation moyen est de 720%.

Le recours abusif à la détention préventive, la lenteur et les entraves administratives, le dysfonctionnement structurel des appareils judiciaire, pénitentiaire et sécuritaire du pays, l’absence d’un système d’aide légal garantissant l’accès à un avocat.e, le manque de personnel qualifié, un budget insuffisant et un accès trop limité à la libération sous caution sont autant de facteurs qui expliquent ce niveau alarmant de surpopulation des centres de détention.

Ces dysfonctionnements structurels touchent de façon disproportionnée les populations en situation de vulnérabilité, notamment celles en situation de vulnérabilité socio-économique.

Face à ces constats, ASF, en partenariat avec des acteur.rice.s locaux.les, renforce l’accès à la justice des populations les plus vulnérables en situation de détention en RDC. En 2022, ASF a travaillé en collaboration étroite avec les Barreaux et les organisations de la société civile actives dans le milieu carcéral, et est intervenue dans 8 prisons centrales de 6 provinces (Kinshasa, Ituri, Kongo Central, Kasaï, Kasaï Oriental, et Nord Kivu).

  • 1.820 personnes en détention ont été identifiées, rencontrées et orientées vers les services appropriés lors des descentes de monitoring dans les prisons.
  • ASF et ses partenaires ont garanti l’accès à l’aide légale de première ligne (via des consultations juridiques gratuites proposées par les Bureaux de Consultation Gratuites des Barreaux) à 3.511 personnes en situation de détention.
  • 2.162 adultes détenu.e.s et enfants en situation de placement dans des centres pénitentiaires ont bénéficié d’une assistance judiciaire gratuite par un.e avocat.e et 19 personnes en grave situation de vulnérabilité et/ou de vulnérabilité psycho-médico-sociale ont reçu un appui psychosocial après leur remise en liberté.
  • Les interventions d’ASF ont permis le renforcement de capacités et l’accompagnement technique de 92 avocat.e.s et d’observateur.rice.s des prisons congolaises.

La portée de l’intervention d’ASF et de ses partenaires reste pourtant limitée au vu du caractère structurel et de la magnitude du problème de la surpopulation carcérale en RDC. Des réformes institutionnelles coordonnées sont nécessaires. Parmi elles, on peut citer la nécessité de mettre en place des mécanismes de contrôle et de redevabilité efficaces et crédibles, mais aussi d’offrir des services multisectoriels complémentaires aux personnes détenues. ASF et ses partenaires mènent un travail de sensibilisation afin de promouvoir des mécanismes extra-judiciaires de résolution de conflits et le recours à des mécanismes de justices locales pour le traitement des délits mineurs ou bénins afin de lutter contre la surpopulation carcérale endémique en RDC.

Enfin, ASF déploie des efforts de plaidoyer au niveau provincial et national pour promouvoir un changement structurel et durable en faveur du respect des droits humains des personnes détenues en RDC.

La campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme

Cet article est extrait du rapport annuel 2022 d’ASF.

Le prochain ExPEERience Talk (webinar) organisé par ASF et son réseau Justice ExPEERience abordera le thème de la campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, le statut et l’activisme. Il aura lieu le jeudi 5 octobre 2023 à 12h (Tunis) – 13h (Bruxelles). Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire, la participation est gratuite.

La Campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme, lancée en Afrique, en Asie du Sud, en Amérique du Nord et dans les Caraïbes, est portée par une coalition d’organisations de la société civile qui plaident pour la révision et l’abrogation des lois qui visent les personnes en raison de leur statut (social, politique ou économique) ou de leur activisme.

Dans de nombreux pays, la procédure pénale, les codes pénaux et les politiques de maintien de l’ordre continuent de refléter un héritage colonial. Des délits datant de l’époque coloniale, tels que le vagabondage, la mendicité ou le désordre, sont couramment utilisés contre les personnes déjà en situation de vulnérabilité (sans-abri, personnes porteuses d’handicaps, usager‧ère‧s de drogues, LGBTIQ+, travailleur‧euse‧s du sexe, personnes migrantes…), dans le seul but de criminaliser ce qu’elles représentent dans la société plutôt que les délits qu’elles ont commis.

Parallèlement, dans plusieurs de ces pays, on assiste à une instrumentalisation du droit pénal pour réprimer l’activisme et étouffer la dissidence. Les lois sur la sédition datant de l’époque coloniale et les lois plus récentes sur l’ordre public, par exemple, sont des outils omniprésents déployés par les États pour étouffer les protestations et limiter la liberté d’expression. Les États utilisent l’appareil sécuritaire, la justice et la détention à l’encontre de personnes et de groupes qui ne représentent pas un danger pour la sécurité des citoyen.ne.s, mais plutôt pour le maintien du statu quo et les privilèges d’une minorité.

Cet abus de pouvoir a un coût profond en termes de droits humains, se manifestant par la discrimination, le recours à la force létale, la torture, l’emprisonnement arbitraire et excessif, des condamnations disproportionnées et des conditions de détention inhumaines. Cette situation, à laquelle s’ajoutent des formes d’oppression croisées, basées sur le sexe, l’âge, le handicap, la race, l’origine ethnique, la nationalité et/ou la classe sociale de personnes déjà en situation de marginalisation. Les populations les plus touchées par cette criminalisation du statut, de la pauvreté et de l’activisme sont aussi celles qui sont le plus affectées par des phénomènes tels que la surpopulation carcérale, la détention provisoire, la perte de revenus familiaux, la perte d’un emploi, etc.

En 2021, la campagne, qui regroupe des avocat.e.s, des juristes, des membres du pouvoir judiciaire, des militant.e.s et des expert.e.s de plus de 50 organisations,  a remporté des victoires importantes, notamment suite à des procès historiques contre diverses lois devant des tribunaux nationaux en Afrique. Nous pouvons citer l’adoption des principes sur la décriminalisation des délits mineurs par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et l’établissement par le Parlement panafricain en 2019 de lignes directrices pour une loi normative/modèle sur la police.

La Campagne représente donc une véritable opportunité pour un changement global des lois, politiques et pratiques pénales et sociales. Pour la première fois, la société civile se concentre sur les dysfonctionnements communs de la chaîne pénale et établit, entre autres, des liens entre la législation coloniale en matière de textes pénaux et la criminalisation de la pauvreté, dans un contexte mondial de rétrécissement de l’espace civique.

La campagne, à ce jour, est organisée à travers plusieurs comités : un comité mondial, dont ASF fait partie, et des sous-groupes thématiques et géographiques afin de garantir une meilleure représentativité des acteur.rice.s et un plus grand impact.

Avocats Sans Frontières est membre respectivement des comités de coordination des sous-groupes Francophonie et Afrique du Nord. Cette structuration voulue par la campagne vise à renforcer davantage les objectifs de recherche, les priorités et les cibles en matière de plaidoyer et de sensibilisation.

Á l’occasion du 18eme Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Djerba le 19 et le 20 Novembre 2022, ASF et ses partenaires au sein de la coalition Tunisienne pour la dépénalisation des délits mineurs et de la pauvreté, ont organisé un événement-parallèle à Djerba durant lequel des revendications ont été formulées à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), contenues dans un document public s’intitulant la « Déclaration de Djerba ». Les signataires estiment que l’OIF pourrait et devrait jouer un rôle central dans la promotion des valeurs des droits humains, et promouvoir la décriminalisation des infractions mineures qui, outre leur caractère discriminant, aggravent les phénomènes de surpopulation carcérale, qui sont eux-mêmes responsables de l’aggravation des conditions de détention inhumaines et dégradantes.

Le sous-groupe francophone, dont ASF est membre, a entamé une série de rencontres internes de concertation en mars 2023. Celles-ci doivent aboutir à la rédaction d’une charte qui rassemblera la vision et les objectifs communs de ses membres. Elle servira de base à la mise en place d’une stratégie de plaidoyer vis-à-vis des acteur.rice.s d’influence, à l’instar de l’Union européenne et ses États membres, l’Union Africaine et ses États membres, les différentes institutions européennes responsables des politiques de coopération, ainsi que les institutions et différents mécanismes des Nations Unies.

Le bureau régional Euro-méditerranée

Cet article est extrait du rapport annuel 2022 d’ASF.

En 2018, ASF a pris la décision de créer un hub régional dans la région Euro-Méditerranée, basé à Tunis, dans le but de mutualiser les moyens et de renforcer et harmoniser son action dans la région. L’aspect novateur du bureau régional est d’assumer pleinement les liens historiques, économiques, politiques et culturels qui existent entre les deux rives de la Méditerranée, et de les prendre en compte pour mettre en place une action au niveau régional qui soit cohérente et efficiente.

Le hub Euromed est composé de cinq membres et des directeur.rice.s pays du Maroc et de la Tunisie. Il collecte et analyse des données de terrain afin d’orienter les processus décisionnels aux niveaux national et européen. Le hub encadre stratégiquement les bureaux de la région et identifie les opportunités de développement et de consolidation de réseaux partenariaux tant au niveau national que régional.  Le hub apporte également un soutien technique aux bureaux pays en matière de gestion financière et de ressources humaines.

Trois sujets éminemment transnationaux et globaux, qui façonnent, à leur manière, les relations entre les deux rives de la Méditerranée ont été identifiés et constituent les priorités thématiques pour la région :

a)            La migration : tous les pays du sud de la méditerranée sont des pays d’origine (Tunisie, Maroc) et de transit (Algérie, Libye) de migrant.e.s. Du côté européen, la migration prend une place démesurée dans le débat public et les politiques mises en place par l’Union européenne et ses membres bafouent les droits fondamentaux des personnes migrantes.  

b)            Libertés et Sécurités : la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent peuvent donner lieu à des politiques publiques restrictives des libertés et de l’espace civique et entraver les transitions démocratiques et les libertés fondamentales des populations. C’est vrai au sud et au nord de la mer méditerranée, où une multiplication d’exceptions faites au principe de l’État de droit pour des raisons sanitaires et sécuritaires menace les « démocraties consolidées » du continent européen. 

c)            Lutte contre l’impunité des acteur.rice.s économiques : les intérêts économiques entretiennent un système de dépendance du Sud vers le Nord de la Méditerranés. La conduite des acteur.rice.s économiques européen.ne.s en Afrique a un impact important sur l’accroissement des inégalités sociales et sur l’environnement et peut, parfois, être un facteur déterminant de conflit (tant au niveau local, national qu’international).

La mise en liberté sous caution en Ouganda : Un droit ou un privilège ?

Session de sensibilisation sur la détention préventive menée par ASF et le Legal Aid Service Providers Network (LASPNET).

Cet article est extrait du rapport annuel 2022 d’ASF.

La mise en liberté sous caution est devenue une question de plus en plus controversée. Des débats juridiques et sociaux sur l’équilibre entre la sécurité publique et le droit à la liberté font rage dans beaucoup de pays, et c’est particulièrement le cas en Ouganda. Beaucoup appellent à une réforme du cadre législatif régissant l’accès à la liberté sous caution et de nombreuses initiatives vont dans ce sens. ASF travaille avec ses partenaires locaux pour promouvoir une réforme en profondeur de la législation et des pratiques en la matière en Ouganda.

Les législateur‧rice‧s, les membres de la société civile, les membres du système judiciaire et d’autres acteur‧rice‧s ont exprimé de nombreuses préoccupations parfois contradictoires sur les conditions qui encadrent l’octroi des demandes de mise en liberté sous caution en Ouganda.

D’un côté, le président ougandais dénonce ouvertement certaines décisions de justice accordant la liberté sous caution à des personnes soupçonnées de meurtre, estimant qu’il s’agit d’une provocation à l’égard de la population. Celui-ci plaide pour des conditions plus strictes concernant l’octroi de la mise en liberté sous caution. Ce qui est le cas d’une partie de la population des acteur‧rice‧s judiciaires également, qui s’inquiètent de l’augmentation des crimes capitaux dans le pays.

Face à eux‧elles, d’autres considèrent que les amendes exorbitantes et les cautions en espèces inabordables imposées par les tribunaux aux demandeur‧euse‧s de liberté sous caution sont discriminatoires, car cela limite dans les faits l’accès à ce droit aux personnes les plus aisées.

Globalement, chacun‧e semble s’accorder sur le fait qu’il est nécessaire de mettre fin au système actuel et aux nombreuses incohérences dans les décisions prises par les tribunaux lors de l’examen des conditions de mise en liberté sous caution.

Le coût de la politique de l’État en termes de détention préventive et de mise en liberté sous caution est aussi l’object d’intenses débats en Ouganda. Le maintien en détention a un prix et les personnes détenues ne peuvent pas subvenir aux besoins de leur famille et contribuer à l’économie. Le coût global du maintien d’un‧e détenu‧e en Ouganda pour le trésor public est de 22.966 UGX (+- 5,64€) par prisonnier et par jour. En décembre 2022, les prisons ougandaises comptaient 74.414 prisonnier‧ère‧s, dont 35743 étaient des détenu‧e‧s préventif‧ve‧s, ce qui porte le coût annuel de l’entretien des prisonnier‧ère‧s à +- 150.000.000€ , dont plus de la moitié, sont consacrés aux détenu‧e‧s en attente de jugement.

En décembre 2021, le président de la Cour suprême a publié des propositions de lignes directrices sur la mise en liberté sous caution. Celles-ci étaient destinées à compléter les dispositions légales existantes et à promouvoir l’uniformité et la cohérence dans les décisions prises par les tribunaux lors de l’examen des demandes de mise en liberté sous caution. L’un des objectifs des lignes directrices proposées était de remédier aux abus dans l’utilisation de la détention provisoire et à la surpopulation carcérale qui en résulte.

En février 2022, ASF et ses partenaires ont soumis un mémorandum au comité des règles judiciaires soulignant certains des problèmes clés qui entravent et ont un impact négatif sur le traitement des détenu‧e‧s provisoires. Certaines recommandations clés n’ont pas été prises en compte. Par exemple, la recommandation sur la libération sous caution obligatoire des délinquant‧e‧s qui ont été en détention pendant 60 ou 180 jours pour les petits délinquant‧e‧s et les délinquant‧e‧s capitaux‧les sans passer devant un juge.

Les Constitutional Directions ont été adoptées et lancées par le Chief Justice le 27 juillet 2022. Certaines clauses des directives ont depuis lors modifié de manière conséquente la disposition constitutionnelle relative à la mise en liberté sous caution, en particulier les clauses prévoyant la mise en liberté sous caution obligatoire pour les infractions passibles de la peine de mort. Auparavant, les magistrat‧e‧s étaient compétent‧e‧s pour accorder une mise en liberté sous caution aux auteur‧rice‧s d’infractions passibles de la peine de mort avant que leur affaire ne soit renvoyée devant la Haute Cour. Avec l’entrée en vigueur des lignes directrices relatives à la mise en liberté sous caution, la compétence pour accorder une mise en liberté sous caution aux auteur‧rice‧s d’infractions passibles de la peine de mort est désormais limitée à la seule High Court[8]. Cela limite donc l’accès à ce droit pour les détenu‧e‧s provisoires, en particulier ceux‧elles qui sont accusé‧e‧s d’avoir commis des crimes pouvant entraîner la peine capitale.

Dernièrement, la libération sous caution des condamné‧e‧s à la peine capitale est devenue difficile, car ceux‧elles qui parviennent à demander à la Haute Cour de les libérer sous caution sont traduits en justice avant que leur dossier ne soit examiné par la Haute Cour. Dans les régions où il n’y a pas de Haute Cour, les détenu‧e‧s ont perdu espoir et plaident souvent coupable pour obtenir une peine alternative. L’engorgement de certaines prisons s’est aggravé en raison de l’augmentation du nombre de prévenu‧e‧s.

En Ouganda, ASF, en partenariat avec le Legal Aid Service Providers Network (LASPNET), met en œuvre un projet de trois ans intitulé « Protecting procedural and constitutional rights through access to justice », financé par l’Austrian Development Cooperation (ADC).

Dans le cadre de ce projet, ASF a recruté des assistant‧e‧s juridiques et des avocat‧e‧s pour surveiller les violations des droits procéduraux et constitutionnels et fournir une assistance juridique dans huit districts de l’Ouganda. Depuis le début du projet, plus de 4.000 cas de violation des droits de la détention provisoire ont été enregistrés, dont 2.047 dans les prisons. Plus des deux tiers des détenu‧e‧s trouvé‧e‧s dans les prisons ont dépassé la période obligatoire de mise en liberté sous caution, ce qui constitue une violation de leur droit à la mise en liberté sous caution et une violation de leurs droits procéduraux. ASF a également entrepris une étude de base sur le profil socio-économique des détenu‧e‧s et les raisons de leur incarcération. L’une des principales conclusions de cette étude est que 30 % des détenu‧e‧s ignoraient qu’il‧elle‧s avaient le droit de demander une libération sous caution et avaient donc dépassé la durée de leur détention provisoire.

Afin de poursuivre ses actions de plaidoyer en faveur des droits des détenu‧e‧s provisoires, ASF, en partenariat avec Ssekaana Associated Advocates and Consultants et un requérant individuel, Stephen Kalali, a saisi la Cour constitutionnelle pour contester certaines dispositions des directives sur la mise en liberté sous caution. Nous espérons que cela permettra de mettre en lumière les dysfonctionnements de la loi et de la pratique en matière de libération sous caution.