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Lien vers les décisions : Tribunal Militaire de Garnison de Mbandaka et Cour Militaire de l’Équateur
Référence
RPA n°014/2006
Pays
Congo (République démocratique du)
Équateur
Base de données
Crimes Internationaux et Violations Graves des Droits Humains
Date de la décision
juin 7, 2006
Crimes/ violations
Crimes Contre l'Humanité, Détournement et dissipation des armes et munitions de guerre, Incitation des militaires à s’armer contre la population civile, Outrage envers son supérieur, Pillage et destruction de Biens, Viol et violences sexuelles
Parties impliquées
Défendeurs : 7 membres des FARDC : 1 Lieutenant, 2 Sous-Lieutenants, 1 Adjudant, 2 Premiers Sergents, 1 Sergent
Parties civiles : 43 parties civiles
Partie civilement responsable : République Démocratique du Congo
Résumé de la décision
Tribunal Militaire de Garnison avait condamné 7 des 12 prévenus à la servitude pénale à perpétuité pour crimes contre l’humanité et autres infractions à caractère militaire. Les 5 autres prévenus ont été acquittés. Des appels ont été interjetés par les 7 militaires condamnés et par les parties civiles, le Ministère public et la RDC.
Responsabilité des accusés
La Cour militaire de l’Équateur rend un arrêt en appel qui confirme la décision intervenue au premier degré pour 6 prévenus et acquitte le dernier.
Outrage envers son supérieur : 1 prévenu condamné
Incitation à s’armer contre la population civile : La Cour conclut que l’élément matériel de cette infraction n’est pas établi à l’égard d’un prévenu
Détournement et dissipation des armes et munitions de guerre : 5 prévenus condamnés et 2 acquittés pour insuffisance de preuves.
Pillage : 3 prévenus condamnés et 2 prévenus acquittés pour manque de preuves suffisantes.
Crimes contre l’humanité par Viol : 2 prévenus condamnés et 1 acquitté pour manque de preuve
La Courcondamne les prévenus sans admission des circonstances atténuantes à la servitudes pénale à perpétuité
Responsabilité civile de la RDC
La Cour a retenu la responsabilité de l’État en raison du dysfonctionnement du 9ᵉ Bataillon des FARDC basé à Songo-Mboyo, ayant failli à son devoir de protéger la population et ses biens.
Réparations
La Cour a déclaré l’action civile recevable, considérant que les victimes avaient subi un préjudice moral, physique, ou matériel directement lié aux infractions
Le Tribunal, statuant ex aequo et bono, a condamné la RDC en sa qualité de commettant, à payer à chaque partie civile le montant de dommages et intérêts :
- 10.000 $US pour victime de viol décédée
- 5.000 SUS pour victime de viol survivante
- 500 $US pour marchandises pillées
- 200 $US pour autres effets pillés
La Cour a constaté une évaluation inadéquate des dommages-intérêts par le premier juge, notant une uniformité injustifiée dans les montants alloués aux victimes.
La Cour a condamné les prévenus et l’État congolais, solidairement, à verser des réparations équitables, ajustées en fonction de la valeur réelle des biens perdus et de la gravité des préjudices subis :
- Le montant de 200 $US pour certaines victimes a été jugé excessif.
- Le montant de 500 $US pour les commerçants a été considéré comme dérisoire.
Résumé des faits
Le 21 décembre 2003, des militaires du 9ème bataillon FARDC, basés dans les localités de Songo Mboyo réclamèrent leurs soldes, détournées selon eux par leur hiérarchie. Ils se révoltent en prenant la population civile locale pour cible. Les maisons ont été pillées et deux séries des viols massifs ont été commis à cette occasion ; y compris sur les femmes de certains officiers supérieurs de l’armée.
Résumé de la procédure
Éléments jurisprudentiels clés
Procédure
Valeur probante des témoignages : La Cour a réaffirmé le principe de la liberté des preuves en matière pénale, en établissant que les déclarations d’une victime, même plus détaillées ou complètes, peuvent constituer une preuve suffisante à charge des prévenus. Cependant, cette admissibilité est conditionnée par leur corroboration avec d’autres témoignages analogues ou éléments de preuve concordants (p. 27).
Substance du droit
Théorie de l’organe : La Cour a appliqué la théorie de l’organe et du préposé. Ainsi, lorsqu’un militaire, en tant que préposé de l’État, commet une faute dans l’exercice de ses fonctions, cette faute engage la responsabilité entière de l’État. La Cour a souligné que la mission primordiale des militaires est d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, et tout manquement grave à cette mission engage l’État en tant qu’entité (p. 43).
Réparation
Réparation octroyée sur demande des victimes : La Cour rappelle, sur base de la jurisprudence de la Cour de Cassation, que les victimes ne peuvent obtenir des dommages-intérêts qu’à condition d’en avoir fait expressément la demande. La juridiction militaire ne peut, de sa propre initiative, prononcer des réparations en faveur des victimes (p. 38).
Évaluation des dommages : Afin d’évaluer valablement le montant des dommages-intérêts, le juge doit se fonder sur le montant réel des dommages subis par chaque victime. Le juge ne peut pas statuer ex aequo bono et allouer un montant identique à chaque victime lorsque celles-ci ont subi des pertes différentes (p. 41 et 42).