Combler l’écart entre la justice communautaire et juridictionnelle en Ouganda
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Kampala, le 25 juillet 2018. En juin dernier, Avocat Sans Frontières a finalisé un module de formation à la médiation communautaire, avec trois organisations partenaires : Justice Centres Uganda, Legal Aid Service Providers Network et USAID-SAFE. Cette publication marque la fin d’un processus de conception très instructif et le commencement d’un engagement à long terme visant à combler un des écarts majeurs en terme d’accès à la justice en Ouganda : l’absence de connexion entre les formes d’accès à la justice utilisées par les citoyens dans leur quotidien, et celles fournies par les institutions formelles.
En Ouganda, très peu de différends sont traités devant les tribunaux. Les juridictions formelles souffrent d’un encombrement massif et sont matériellement, financièrement, techniquement et psychologiquement inaccessibles pour les personnes démunies. En revanche, les mécanismes communautaires de résolution de conflits (en dehors du système juridictionnel formel), font partie intégrante de la culture ougandaise.
Toutefois, alors qu’une vaste majorité d’Ougandais ont recours aux mécanismes locaux de médiation pour résoudre leurs différends légaux, la pratique révèle d’importantes failles dans leur fonctionnement. ASF et ses partenaires ont élaboré un module pour contrer certaines de ces failles. Plus spécifiquement, le module de formation vise à :
Uniformiser la définition et la compréhension de la médiation comme mode de résolution de conflits en Ouganda.
Assurer que les procédés de médiation et leurs résultats sont en accord avec les standards internationaux et ne reproduisent pas des discriminations de genre ou de tout autre type qui sont omniprésentes dans certaines structures traditionnelles.
Se concentrer sur les accords conclus à l’issue des médiations, dont les termes incitent d’une part les parties à respecter les décisions prises, et apportent d’autre part des garanties de forme et de fond qui peuvent encourager les institutions judiciaires à reconnaitre ces décisions.
Les six mois de conception du module ont constitué un processus d’apprentissage collaboratif. Des experts nationaux et internationaux et des acteurs locaux de trois régions d’Ouganda ont fourni la matière première du module. Un pool de six formateurs a été impliqué dans le processus de rédaction. Ceux-ci ont été formés aux méthodes d’éducation pour adultes et ont procédé à des tests sur le terrain, après quoi ils ont été certifiés pour former des médiateurs au niveau local. Les prochaines étapes viseront entre autres à créer des réseaux de médiateurs certifiés dans différentes régions d’Ouganda, afin d’assurer un soutien continu aux médiateurs communautaires et de maintenir des standards élevés pour les personnes usant de leurs services.
La formation de médiateurs communautaires, ainsi que l’effort d’amener la pratique à mieux s’aligner sur les standards d’une justice impartiale et inclusive, font partie d’une approche partant de la base pour combler certaines failles institutionnelles en termes d’accès à la justice. Ces efforts doivent être complétés par une formalisation des liens entre justice communautaire et institutionnelle. Un système plus formel pour l’enregistrement des accords conclus entre parties, ainsi que la reconnaissance des résultats des médiations communautaires par le Justice Law and Order Sector (= secteur de la justice, de la loi et de l’ordre) sont nécessaires. Améliorer la communication entre les différents acteurs de justice peut aider à dissuader les pratiques abusant des faiblesses du système actuel, telles que le « forum-shopping » pratiqué par ceux en position de force permettant l’accaparement des terres et autres tentatives d’exploitation des plus vulnérables. Par ailleurs, cela contribuerait à réduire l’important engorgement des tribunaux ougandais.
La pertinence du module a été réaffirmée à plusieurs reprises durant sa conception par des acteurs de la justice à tous les niveaux, dans un contexte où les conflits relatifs à la propriété foncière sont omniprésents entre membres des communautés. De nombreux projets de développement économique nécessitant l’acquisition massive de terres, comme ceux relatifs au pétrole sur le site d’Albertine Graben, et les initiatives actuelles du gouvernement pour établir un cadastre à l’échelle nationale risquent d’exacerber ces conflits. Les situations souvent complexes qui en résultent se nourrissent des déséquilibres de pouvoir et des failles dans le système de justice, et demandent des solutions pratiques. Une proche coopération entre un large ensemble d’acteurs impliqués dans la justice est indispensable afin de construire un système accessible, efficace et suffisamment flexible pour offrir des solutions durables aux nombreux types de conflits dans les différentes régions de l’Ouganda.
>> Télécharger le Community-based mediation training guide (PDF en anglais)
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