Défense de la défense : L’avocat‧e face au péril répressif

Cet article est basé sur une intervention de Bruno Langhendries, directeur de l’appui stratégique chez ASF, à l’occasion du congrès 2023 de la Conférence Internationale des Barreaux.

Poursuites judiciaires, harcèlement, intimidation, privation de liberté, et parfois, atteinte directe à l’intégrité physique. Partout à travers le monde, des avocat.e.s travaillant en faveur droits humains, de la société civile ou des populations en situation de vulnérabilité subissent menaces et agressions simplement parce qu’il.elle.s exercent leur profession.

C’est le triste constat que nous faisons avec nos partenaires partout où nous intervenons. Nos équipes font l’état d’attaques répétées et en augmentation contre les avocat.e.s, et plus globalement contre les défenseur.e.s des droits humains, dans un contexte global d’érosion de l’État de droit, de rétrécissement de l’espace civique et d’hypertrophie du pouvoir exécutif au détriment des appareils législatifs et judiciaires.

Les périls de l’avocat.e face au délitement de l’État de droit

Dans les contextes dans lesquels ASF travaille, l’avocat.e fait face à de multiples menaces :

  • D’une part, du harcèlement, des menaces et des intimidations, et dans de plus rares cas, des atteintes directes à l’intégrité physique émanant de représentant.e.s de l’autorité ou d’acteur.rice.s qui se disent issu.e.s de la société civile mais qui sont souvent très proches du pouvoir.
  • D’autre part, les avocat.e.s font l’objet de poursuites judiciaires et sont victimes de privation de liverté :
    • Dans le cadre de l’exercice de leur profession. Des législations liberticides sont mobilisées ou l’immunité dont est supposé bénéficier l’avocat.e est levée. La diffamation, la calomnie ou l’apologie du terrorisme sont alors les motifs privilégiés pour justifier les poursuites.
    • Dans le cadre de leur vie privée. Les avocat.e.s sont poursuivi.e.s pour des faits étrangers à leur profession.

Ces tactiques répressives sont mobilisées par les pouvoirs en place lorsqu’ils juge leurs intérêts menacés.

Les avocat.e.s se retrouvent la cible de ces attaques le plus souvent lorsqu’il.elle.s :

  • Défendent des membres de la société civile, d’opposant.e.s politiques et de personnes en situation de vulnérabilité, qui sont eux.elles-mêmes le plus souvent déjà victimes de la répression de l’État.
  • Dénoncent des pratiques répressives et arbitraires des agents de l’État.
  • Dénoncent des réformes dangereuses pour l’État de droit.

Le but des autorités est d’empêcher la défense de jouer son rôle de soutien de la société civile face au pouvoir exécutif, de décourager, d’isoler ceux et celles qui osent remettre en cause leurs pratiques.

ASF a fait triste le constat de multiples exemples qui illustrent très concrètement ces tendances.

En Tunisie, Maître Ayachi Hammani a été poursuivi pour avoir critiqué la Ministre de la Justice après la révocation arbitraire de plus d’une cinquantaine de juges.

Toujours en Tunisie, Maître Hayet Jazzar et Maître Ayoub Ghedamsi ont été poursuivis après avoir plaidé en faveur d’une victime d’actes de torture commis par des agents de police.

En République centrafricaine, en 2022, Maître Manguareka a été harcelé après avoir défendu en justice les intérêts d’un opposant du régime. Dans le pays, ce sont tou.te.s les avocat.e.s, et leur barreau, qui sont qualifiés d’ennemi de la paix par des groupuscules proches du pouvoir.

En Ouganda, Nicholas Opiyo, avocat spécialisée dans les droits humains, a été arrêté avec d’autres avocat.e.s et maintenu en détention plusieurs semaines. Dans un premier arrêté sans charge, il a ensuite été poursuivi pour blanchiment d’argent.

Au Burundi, ce sont 5 membres d’associations partenaires qui ont été arrêté.e.s et emprisonné.e.s pendant quatre mois, essentiellement parce qu’il.elle.s travaillaient avec Avocats Sans Frontières.

Il existe malheureusement tant d’autres exemples que nous pourrions citer.

Il est important de préciser que tous ces cas sont différents et s’inscrivent dans des contextes particuliers.

Cependant, dans tous ces pays, l’intensification de la répression à l’encontre des avocat‧e‧s, et plus largement, des défenseur‧e‧s des droits humains, va de pair avec le rétrécissement de l’espace civique que nous observons partout où nous travaillons.

Ce qu’il nous semble important de noter est que :

  • D’une part, ces persécutions envers les avocat.e.s vont de pair avec des répressions accrues envers les autres porteur.euse.s de voix, envers les défenseur.e.s des droits humains, qu’il.elle.s agissent dans un cadre professionnel ou en tant que citoyen.ne.
  • Ce rétrécissement de l’espace civique est le corollaire de la montée du populisme et de la remise en cause des principes de l’État de droit qui l’accompagne.

Ce rétrécissement de l’espace civique consacre le plus souvent l’hypertrophie du pouvoir exécutif au détriment des pouvoirs législatifs et judiciaires. Ce glissement vers des régimes plus autoritaires est souvent accéléré à travers le recours à l’état d’urgence, à l’état de siège ou à l’état d’exception qui sont souvent utilisées par les régimes en place pour imposer sur le long terme des mesures liberticides supposées temporaires. Celui-ci peut aussi survenir de façon plus brutale lors de coups d’État comme ce fut le cas récemment en Tunisie ou au Sahel.

Dans les pays dans lesquels ASF intervient, l’organisation met en œuvre des programmes en faveur de la défense des droits humains en partenariat avec la société civile et les Barreaux. 

ASF, en collaboration avec ses partenaires locaux.les, mobilise notamment les approches suivantes pour soutenir les avocat.e.s et les défenseur.e.s des droits humains :

  • Le développement de collectifs d’avocats et de défenseurs des droits humains pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits collectivement et réagir rapidement en cas de menace.
  • La défense des avocat.e.s en cas de poursuites ou de privation de liberté. En cas de poursuites ou de privation de liberté, ASF appuie la défense des avocats, notamment en mobilisant les acteurs internationaux et en les poussant à agir.
  • Un monitoring des violations des droits humains et des menaces contre l’espace civique et les défenseur.e.s des droits humains, en ce compris les avocat.e.s. Á partir de ce moniroting notamment, ASF développe des stratégies de plaidoyer en faveur des libertés publiques et de la défense des défenseurs des droits humains et des avocat.e.s.

Tunisie – Conférence Nationale VIH et Droits Humains

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, célébrée le premier décembre de chaque année, Avocats Sans Frontières en Tunisie, ONUSida et IDLO organisent une conférence nationale intitulée : Le VIH/Sida et les Droits des Populations Vulnérables en Tunisie, Vers une Approche Inclusive.

La conférence est organisée dans le cadre du programme d’appui du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, en partenariat avec l’ONFP.

Cette conférence aura lieu les 14 et 15 décembre 2023, à l’hôtel Sheraton.

Objectif de la conférence :

La Conférence nationale sur le VIH/Sida et les Droits des Populations Vulnérables en Tunisie vise à réunir des acteurs et actrices clés de la société civile, des décideur.es, des professionnel.les de santé, des universitaires et toutes parties prenantes pour discuter de la place des droits humains dans la riposte au VIH en Tunisie, en mettant l’accent sur les droits des populations vulnérables, notamment les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), les travailleur.ses de sexe, les usager.es de drogues injectables, les personnes LGBTQI++, les migrant.es et d’autres groupes marginalisés.

La conférence a trois objectifs interdépendants :

– Favoriser une approche inclusive, collaborative et multidisciplinaire, fondée les droits humains, pour lutter ensemble contre le VIH/Sida, les inégalités, les discriminations et la marginalisation
– Renforcer le leadership et l’engagement des communautés dans la prise de décision, pour maximiser l’impact et la responsabilisation à l’échelle locale
– Dégager les axes de plaidoyer essentiels permettant d’accélérer la riposte nationale, dans le cadre des différentes initiatives de la société civile, autour de l’égalité et des déterminants sociaux de la santé.

Lire la note conceptuelle de la Conférence :

Découvrir le programme :

Tunisie : Il faut rejeter le projet de loi visant à démanteler la société civile

تونس:يجب رفض مشروع قانون يهدف إلى تفكيك المجتمع المدني

تونس:يجب رفض مشروع قانون يهدف إلى تفكيك المجتمع المدني

Rapport synthétique du projet de la protection des droits des personnes gardées à vue

La procédure de garde à vue est considérée comme une limitation exceptionnelle de la liberté de la personne suspecte, justifiée par les circonstances de l’enquête. Et du fait qu’elle est une procédure exceptionnelle, l’Etat se doit d’appliquer un ensemble de normes internationales et nationales visant à préserver les droits et la dignité de la personne en garde à vue, laquelle jouit de la présomption d’innocence et des garanties du procès équitable.


La ligue Tunisienne de défense des droits de l’homme, en partenariat avec Avocats Sans Frontières, soumet ce présent rapport en se référant essentiellement, dans son analyse et ses conclusions, aux visites sur terrain (120 visites) effectuées dans 8 gouvernorats du pays par les équipes de la ligue, en plus d’un questionnaire complémentaire contenant 10 questions adressées à 28 avocat.e.s qui ont déjà représenté des gardé.es à vue.


L’observation effectuée par les équipes de la ligue a reposé sur la méthodologie de prévention selon les normes de contrôle de la
société civile et s’est fondée sur le mémorandum d’entente conclu entre la Ligue et le ministère de l’intérieur. Cela a permis à la ligue de collecter, sur terrain, maintes données relatives aux conditions de garde à vue notamment le séjour dans les chambres de garde à vue, les procédures d’admission, les registres tenus dans les chambres de garde à vue, la prise en charge médicale et la situation des employés exerçant dans les chambres.


L’équipe chargée de ce programme est arrivée à extraire un ensemble de constats suivis de recommandations adressées aux différentes parties prenantes du système de la garde à vue notamment aux ministères de l’intérieur et de la justice, en plus
des recommandations visant le renforcement de la coopération entre la ligue tunisienne de défense des droits de l’homme et le
ministère de l’intérieur en ce qui concerne la visite des gardé.es à vue.

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Justice ExPEERience, le réseau de promotion des droits humains lancé par ASF, fête ses deux ans

Il y a deux ans, Avocats Sans Frontières lançait Justice ExPEERience, un réseau pour la promotion des droits humains, ainsi qu’une plateforme en ligne du même nom afin de soutenir et de dynamiser ce réseau. Cet anniversaire est l’occasion pour nous de revenir sur l’historique et le mandat du réseau Justice ExPEERience et de sa plateforme. Un rapport sur ses deux premières années d’activité vient d’être publié, il aborde les évolutions de celui-ci depuis sa création, ses projets marquants mais aussi ses perspectives de développement.

Le réseau s’est largement étendu depuis son lancement en 2021. Il compte aujourd’hui plus de 600 membres travaillant dans 52 pays, sur les 5 continents. Le réseau veut créer davantage de lien entre les acteur‧rice‧s du secteur de la promotion de l’accès à la justice et des droits humains à travers le monde. L’objectif est qu’il‧elle‧s puissent partager des connaissances, renforcer leurs capacités et travailler sur des projets conjoints pour avoir plus d’impact.

La plateforme Justice ExPEERience a, elle aussi, été considérablement améliorée. En 2022, elle s’est notamment dotée d’une application mobile, téléchargeable sur tout smartphone. L’interface de la plateforme a également été traduite en langue arabe, qui vient s’ajouter aux langues déjà existantes, dont l‘anglais et le français. Des développements sont également en cours pour améliorer la fluidité, la rapidité et l’expérience utilisateur‧rice sur la plateforme Justice ExPEERience. 

Plusieurs communautés de pratique, coalitions ou groupes de travail ont également vu le jour sur Justice ExPEErience ces deux dernières années. Elles ont partagé de l’information et contribué aux échanges sur les espaces publics, mais ont également pu travailler et collaborer dans des espaces confidentiels pour développer collectivement des campagnes de plaidoyer, des projets de monitorings de violations de droits humains, ou encore des contentieux stratégiques.

(Anglais) Rapport Justice ExPEERience 2021-2023

Rapport Justice ExPEERience 2021-2023

Rapport Justice ExPEERience 2021-2023