Alors que les condamnations pour crimes internationaux se multiplient en RDC, très peu de victimes reçoivent effectivement les réparations qui leur sont attribuées. Un policy brief produit, par Avocats Sans Frontières, TRIAL International et RCN Justice et Démocratie, détaille des procédures démesurément longues et complexes. Endossé par une trentaine d’acteurs de la société civile et partenaires internationaux, le document dénonce une « apparence de justice » qui ne répond pas aux exigences du droit international.
La RDC s’est, depuis le début des années 2000, engagée dans un processus de lutte contre l’impunité. Près de vingt ans après, le bilan est mitigé. Les juridictions congolaises, essentiellement militaires, se sont saisies de plus de cinquante dossiers de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, prononçant un grand nombre de condamnations, et le versement de dommages et intérêts pour les victimes.
Cette apparence de justice est pourtant mise à mal par la réalité des statistiques d’exécution de ces réparations. D’après les données collectées, la justice congolaise a au total ordonné le versement de près de 28 millions de dollars de dommages et intérêts à plus de 3’300 victimes. Ces réparations sont non seulement prononcées dans le chef des accusés, mais également de l’État congolais, à titre solidaire. Or, à ce jour, seule une décision de réparation semble avoir été exécutée.
Un document qui propose des pistes concrètes
C’est pour comprendre l’inexécution systématique des mesures de réparation qu’Avocats Sans Frontières, TRIAL International et RCN Justice & Démocratie ont produit un policy brief à destination des autorités congolaises.
Au-delà des questions de volonté politique, le policy brief s’intéresse aux ressorts juridiques des blocages constatés, qui s’expliquent en grande partie par la lourdeur de la procédure d’exécution des jugements de réparation. Le parcours prévu à cet effet implique un nombre considérable d’étapes et d’interlocuteurs dans des juridictions et administrations fortement entravées par la lenteur administrative et les pratiques corruptives.
Un questionnement profond sur la justice transitionnelle
Si une réforme de cette procédure est indéniablement nécessaire, tant le montant que la structure de la dette de l’État viennent reposer la question des modalités de réparation. En vertu des standards internationaux, celles-ci doivent aussi pouvoir passer par des mesures autres que pécuniaires.
Ceci rappelle en outre la nécessité pour la RDC de s’engager dans une véritable politique de justice transitionnelle, alors que son système pénal ne peut pas seul porter le fardeau de la justice pour les victimes de crimes de masse.
« Ce policy brief va nous permettre de dialoguer avec les autorités congolaises sur la base de données chiffrées et factuelles » explique Joël Phalip, chef de mission RDC de RCN J&D. « Nous avons formulé un certain nombre de recommandations concrètes et réalistes pour permettre aux victimes d’obtenir réparation. Alors que le Président de la République vient de renouveler son intention de lutter contre l’impunité des crimes de masse et a manifesté le souhait de lancer une démarche de justice transitionnelle, nous disposons d’une fenêtre d’opportunité pour mieux faire entendre nos propositions et prendre les autorités au mot pour les inciter à agir ».