ASF est une organisation en constante évolution. Face à la diversité croissante de ses équipes, de ses partenaires, de ses actions et des contextes dans lesquels elle intervient, ASF se doit de s’adapter pour que son fonctionnement et ses organes de gouvernance restent en phase avec ce qu’elle devient et aspire à devenir. En 2024, ASF a fait évoluer son conseil d’administration, notamment en passant à un système de co-présidence, afin que celui-ci soit plus représentatif de ce que l’organisation est aujourd’hui et plus à même d’accompagner son développement.
Depuis janvier 2025, Marco Schoups, avocat et ancien bâtonnier du barreau d’Anvers, et Françoise Lewalle, avocate et médiatrice au barreau de Bruxelles, ont été élu·e·s par l’Assemblée Générale en tant que co-président·e·s de l’organisation.
Dans cet entretien, il·elle·s nous expliquent dans quel processus s’inscrit cette transformation et évoquent les perspectives d’avenir pour ASF.
Pourquoi ASF a-t-elle ressenti le besoin de revoir sa gouvernance ?
Françoise Lewalle : ASF est aujourd’hui une organisation internationale qui défend les droits humains dans une dizaine de pays et qui collabore avec plus de trente organisations partenaires. Une telle diversité exige une gouvernance capable de l’accompagner, de l’incarner et de la soutenir. Le passage à une co-présidence s’inscrit dans cette dynamique de transformation : faire évoluer nos structures pour qu’elles soient plus en phase avec les enjeux que nos équipes rencontrent et avec les réalités sociales des pays dans lesquels ASF est impliquée.
Marco Schoups : Il faut rappeler qu’à l’origine, ASF regroupait des avocat·e·s belges engagé·e·s dans la défense de justiciables à l’étranger, sur le modèle du sans-frontiérisme. Aujourd’hui, l’organisation est active dans de nombreux pays (Belgique, Italie, Kenya, Maroc, Niger, Ouganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Tanzanie et Tunisie), et nos équipes sont très majoritairement issues de ces pays d’intervention. Nous collaborons avec une grande diversité d’acteur·rice·s : organisations de la société civile, professionnel·le·s de la justice, assistant·e·s sociaux·les, acteur·rice·s institutionnel·le·s, leaders coutumier·ère·s, milieux académiques, etc., autour de thématiques variées telles que l’accès à la justice, la détention, l’espace civique, la relation entre entreprises et droits humains, la justice locale ou transitionnelle, la migration, etc. Il est donc logique que notre conseil d’administration reflète cette diversité.
Françoise Lewalle : Nous avons ainsi élargi le conseil d’administration à d’autres profils que ceux strictement liés à la profession d’avocat. Les nouveaux·elles administrateur·rice·s travaillent, ou ont travaillé, sur des problématiques en lien avec les missions d’ASF, et proviennent notamment des secteurs associatif ou académique. Nous espérons que des administrateur·rice·s issu·e·s des pays d’intervention d’ASF nous rejoindront prochainement. Cette première co-présidence constitue une transition vers cette ouverture.
Marco Schoups : La défense des droits fondamentaux, de la démocratie, de l’État de droit et de l’accès à la justice est au cœur du mandat d’ASF. Nous savons que nous ne pouvons contribuer à un changement durable en faveur de sociétés plus justes et inclusives qu’en unissant nos forces à celles d’un maximum d’acteur·rice·s et en adoptant une approche holistique et multidisciplinaire, ancrée dans les réalités sociales et politiques locales. Le contexte international nous pousse à poursuivre la diversification de nos partenaires et de nos bailleurs de fonds.
Pourquoi une co-présidence ?
Marco Schoups : Historiquement, notre conseil d’administration était composé quasiment exclusivement d’avocat·e·s. Ce lien fort avec les avocat·e·s et les barreaux belges reste prioritaire mais l’évolution des missions d’ASF requiert que d’autres profils renforcent le conseil d’administration. Un conseil plus diversifié nous permettra de mieux accompagner les équipes sur des enjeux comme la gouvernance, la réflexion stratégique, la décolonisation, le plaidoyer, la recherche de financement ou encore la gestion financière.
La co-présidence s’inscrit dans cette dynamique : associer une personne issue du monde de la justice à une autre issue de la société civile permet de créer un équilibre, une complémentarité, et une représentation plus fidèle de ce qu’ASF est devenue. Pour cette phase de transition, nous avons opté pour une co-présidence assurant un équilibre linguistique et de genre, avec des personnes déjà impliquées dans le conseil d’administration et familières de son fonctionnement.
Ce choix s’intègre dans un processus de transformation plus large, mais constitue une étape importante.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Françoise Lewalle : En tant qu’organisation belge intervenant principalement en Afrique, nous avons le devoir de mettre tout en œuvre pour « décoloniser » nos approches. Compte tenu du contexte structurel dans lequel elle opère, ASF veille à ce que son mode de fonctionnement et de gouvernance soit ancré dans les réalités locales et permette l’expression d’une pluralité de voix. Il nous faut donc renforcer nos capacités internes pour mener ces réflexions et progresser dans ce sens. Ces dernières années, ASF a accordé davantage d’autonomie à ses bureaux nationaux et régionaux, et cherche à intégrer des approches décoloniales dans ses stratégies et projets. C’est un travail en cours, loin d’être achevé, et les équipes attendent légitimement que nous nous y engagions pleinement.
Quel projet porte le Conseil d’administration pour ASF ?
Marco Schoups : Dans un contexte de plus en plus hostile à la société civile, aux droits humains, à l’État de droit et à la coopération internationale, trois défis nous occupent principalement : (1) offrir un cadre sain et sécurisant aux équipes pour favoriser la solidarité et la collaboration ; (2) garantir notre financement ; et (3) identifier là où ASF est le plus utile et légitime pour défendre les droits humains et l’État de droit.
Françoise Lewalle : Le conseil d’administration souhaite assurer un financement stable et indépendant, ce qui n’est pas simple dans le contexte actuel. Nous voulons également rencontrer les équipes une à une, pour écouter leurs préoccupations et leurs besoins. Nous ne pouvons prétendre représenter ASF sans prendre en compte les risques que représente l’engagement en faveur des droits humains dans certaines régions. Il est impératif de nous rapprocher des réalités vécues par nos équipes.
Marco Schoups
Avocat et ancien bâtonnier du barreau d’Anvers
Françoise Lewalle
Avocate et médiatrice au barreau de Bruxelles
