La réponse des femmes ougandaises au développement des industries extractives

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Kampala, le 8 mars 2019 – En cette journée internationale pour les droits des femmes, ASF s’intéresse aux stratégies et initiatives prises par les femmes face aux changements qui s’opèrent dans les industries minières et pétrolières en Ouganda. Pour les Ougandais, le développement des industries extractives est porteur de nombreuses promesses de progrès économiques et sociaux, en particulier pour les communautés souvent démunies qui vivent à proximité des ressources naturelles. Mais face aux intérêts économiques en présence, le respect de leurs droits humains est loin d’être acquis. Comme dans d’autres contextes, de nombreuses violations des droits des femmes et l’accroissement des inégalités de genre sont à déplorer. En effet, alors que les hommes sont plus susceptibles de bénéficier des retombées économiques, notamment en termes d’emplois et de revenus, les femmes sont plus exposées aux conséquences négatives (perturbations sociales, dégradation de l’environnement), qui affectent non seulement leurs sources de revenus, mais aussi leur intégrité physique. Afin de mieux comprendre la manière dont les femmes vivent ces transformations économiques, ASF a effectué des recherches au sein des régions minières et pétrolières du Bunyoro et du Karamoja. Les résultats montrent que dans un environnement caractérisé par des dynamiques patriarcales, un faible état de droit et une importante asymétrie des pouvoirs, les femmes font preuve d’initiative quand il s’agit de subvenir à leurs besoins économiques immédiats, mais sont limitées dans leur capacité à réagir face à d’autres types d’injustices, telles que des violences basées sur le genre ou des violations de leur droits fonciers, leur droit à la santé ou leur droit à un environnement sain. L’étude révèle ainsi certains éléments structurels qui semblent soit permettre, soit compromettre, la capacité des femmes à réagir et s’adapter aux changements qu’elles subissent du fait de l’exploitation des ressources extractives. A titre d’exemple, l’existence préalable de groupes tels que des groupes d’épargnes et de crédit, en ce qu’ils offrent aux femmes une base pour l’action collective dans un espace public dominé par les hommes, s’avère être un des facteurs facilitant l’action. Ce pouvoir d’agir est en revanche restreint par d’autres facteurs, typiquement lorsque les femmes doivent compter sur l’intervention d’acteurs externes. Elles se trouvent alors fortement limitées pour redresser les injustices causées. Ce constat est loin d’être surprenant dans un contexte légal et institutionnel souffrant de nombreuses lacunes. Néanmoins, les données indiquent que l’arrivée d’acteurs privés puissants, soutenus par les élites gouvernementales, semble avoir eu pour effet d’affaiblir d’avantage les structures de soutien telles que les gouvernements locaux, les leaders communautaires et les acteurs impliqués dans la résolution des conflits. Dans un contexte marqué par une forte asymétrie des pouvoirs, les structures locales se retrouvent ainsi démunies lorsqu’elles doivent agir en faveur des femmes et aux communautés lésées. De leur côté, les entreprises ne proposent pas de réelles mesures pour contrecarrer les conséquences négatives de leurs activités – voire instrumentalisent les faiblesses institutionnelles existantes à leur avantage. En fin de compte, peu d’avenues sont offertes aux femmes et communautés pour revendiquer et faire valoir leurs droits. Pour remédier à ces lacunes, ASF propose un programme d’autonomisation juridique à multiples facettes, ciblant l’ensemble des acteurs de la justice. Du côté de la demande, il s’agit d’équiper les femmes et les communautés affectées par l’exploitation de leurs ressources pour bénéficier pleinement de leurs droits, prendre une part active dans le développement socio-économique, mais également contrôler leurs élites. Du côté de l’offre, les mécanismes de justice doivent être rendus plus fiables et disponibles et être mieux coordonnés. A cette fin, un large catalogue d’actions peut-être déployé, allant du renforcement de capacités des acteurs de justice communautaires à l’adoption et à la mise en œuvre de lois permettant de tenir les acteurs de l’industrie extractive responsables pour leurs actes. >> Téléchargez le rapport d’ASF Digging for Power. Women empowerment and justice amidst extractive industry developments in the Albertine and Karamoja, Uganda >> Regardez la vidéo
Avec le soutien de la Coopération belge au Développement.
Photo © ASF/Alexia Falisse