Kinshasa, 7 mars 2016 – En RD Congo, défendre les droits des victimes d’injustice et exercer ses libertés fondamentales reste un défi. Face à un système de justice souvent défaillant et, parfois, aux intimidations, des hommes et des femmes poursuivent un idéal : vivre dans un monde plus juste. Deuxième de trois rencontres : la journaliste Nathalie Kapela, spécialisée dans les questions de justice.
Originaire de Kinshasa, Nathalie Kapela a une formation en communication et est active dans le secteur de l’information depuis 2000. Très vite, elle s’intéresse à des sujets sensibles comme la surexploitation forestière et le manque de respect des législations en la matière. Or, la presse congolaise manque de moyens : 80 % des chaînes de télévision et de radio sont commerciales, donc dépendantes des annonceurs, ou sont soutenues par des hommes politiques. « Dans ces conditions, traiter des sujets dits orientés devient vite problématique », explique Nathalie Kapela.
L’intérêt de la jeune femme pour les questions juridiques se confirme à l’occasion d’un reportage qu’elle réalise dans une commune périphérique de la capitale congolaise. « J’ai été choquée de découvrir les conditions de vie précaires des gens. Le décalage entre ce que je commentais sur antenne et la réalité sur le terrain était trop énorme », raconte la journaliste-présentatrice. Elle décide de quitter la chaîne de télévision qui l’emploie et de se consacrer aux enjeux des droits humains et de bonne gouvernance.
En 2008, elle crée sa maison de production vidéo. Son premier reportage est consacré à la corruption dans la magistrature. « Je voulais montrer que celui, riche ou pauvre, qui enfreint la loi, doit être puni », se souvient-elle.
Les reportages présentés dans son émission « Actualité judiciaire » sont diffusés en TV, notamment grâce à divers financements internationaux. Elle entreprend alors des démarches administratives pour faire protéger le concept de son émission mais constate très vite des blocages, et ce jusqu’au niveau ministériel. « J’ai donc décidé de dénoncer cette situation sur antenne. Suite à ça, c’est comme si la foudre m’était tombée dessus : mon émission est suspendue ! ». Face à cette suspension, la journaliste dépose plainte devant le Conseil Supérieur de l’audiovisuel et de la communication. Sans succès, malgré le soutien public de différents pays européens. « J’ai ensuite été convoquée pour dénonciation calomnieuse. J’ai même reçu des menaces par SMS », témoigne Nathalie Kapela.
Aujourd’hui, sa demande de supprimer la suspension de son émission est pendante devant la Cour suprême. « Depuis 2014, ASF me soutient avec deux avocats qui suivent l’affaire au niveau de la Cour », précise la journaliste qui a entre-temps réalisé de nouveaux reportages diffusés sur d’autres chaines TV.
En attendant une décision de justice, Nathalie Kapela poursuit son combat, malgré les pressions et les intimidations sur elle et son équipe. « Ce que je crains le plus ? C’est de perdre mon pari : vivre dans un pays sans injustice. Car ici, la pauvreté est criante et la corruption est une pratique courante. Mais avec nos émissions, la culture judiciaire avance. Les gens s’informent, réagissent. C’est cette conviction du changement en faveur du respect des droits humains qui me porte ».