Procès Mansouri: affaire de mœurs ou harcèlement judiciaire?

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Rabat/Bruxelles, le 15 janvier 2016 – Hicham Mansouri, l’activiste des droits humains marocain, sera libéré ce 17 janvier, après avoir été condamné pour un délit de complicité d’adultère à 10 mois de prison et une amende de 20.000 dirhams. Avocats Sans Frontières (ASF) s’inquiète de la pratique de harcèlement judiciaire à l’encontre des acteurs de la liberté d’expression. A l’occasion de la publication de son rapport d’observation du procès Mansouri, l’ONG rappelle toute l’importance de respecter les droits de la défense et les exigences du procès équitable.

Le 17 mars 2015, une dizaine de policiers en tenue civile forçaient la porte d’entrée de la résidence de M. Mansouri, à Rabat. Aucun mandat d’arrêt ne lui avait été présenté au moment de l’arrestation. M. Mansouri avait été passé à tabac et déshabillé sur place, puis arrêté avant d’être placé en détention préventive dans l’attente de son procès. Par ailleurs, M. Mansouri n’avait pas été en mesure de contacter sa famille ou son avocat pendant les premières vingt-quatre heures de sa détention.

Le 30 mars 2015, le Tribunal de première instance de Rabat a condamné M. Hicham Mansouri à dix mois de prison fermes et à 20.000 dirhams d’amende (soit près de 2.000 euros) pour complicité d’adultère en vertu du Code pénal marocain.

ASF avait organisé l’observation judiciaire de ce procès par le biais d’un avocat, membre de l’International Legal Network d’ASF. Cette intervention s’inscrivait dans le cadre du projet Kalima d’ASF, qui vise à promouvoir la liberté d’expression et la protection des journalistes et des bloggeurs au Maroc, en Tunisie et en Egypte.

A l’occasion de la sortie de prison de M. Mansouri, ASF publie le rapport d’observation de son procès. Ce rapport soulève un certain nombre de questions cruciales autour de ce qui est censé être une simple affaire de mœurs : pourquoi avoir recouru à la détention préventive du prévenu ? Pourquoi les autorités judiciaires ont-elles traité cette affaire si vite ? Pourquoi les services de sécurité ont-ils mis en place un dispositif de sécurité si important lors des audiences ?

« Ces différentes mesures pourraient trouver leur origine dans la dimension politique de cette affaire. Hicham Mansouri est un activiste des droits humains, connu pour son engagement pour la promotion des libertés publiques et principalement, de la liberté de la presse. Son procès s’inscrit dans une pratique malheureusement assez courante, qui consiste à entraver le travail des défenseurs de la liberté d’expression, par le biais de poursuites judiciaires de droit commun », analyse Chantal van Cutsem, Coordinatrice stratégique ASF pour les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient.

Deux semaines après sa libération, M. Mansouri devra à nouveau comparaitre devant le tribunal de première instance de Rabat aux côtés de six autres activistes des droits humains et journalistes. Ces prévenus sont accusés notamment d’« atteinte à la sécurité de l’État » pour leurs activités de défense des droits humains.

« A l’heure où le procès de ces activistes va bientôt s’ouvrir, le harcèlement judiciaire à l’encontre des acteurs de la liberté d’expression et des défenseurs des droits humains est inquiétant », estime Chantal van Cutsem.

ASF rappelle l’importance de respecter les droits de la défense et les exigences du procès équitable et des standards internationaux.