Promouvoir l’accès à la justice des femmes en Ouganda : le projet FATE et les perspectives à venir

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En Ouganda, la promesse de justice reste inégalement réalisée. Malgré un cadre juridique solide et des réformes en cours, de nombreuses femmes et filles peinent encore à faire valoir leurs droits dans la pratique. Les inégalités structurelles, les normes sociales enracinées et l’écart entre les normes légales et leur mise en œuvre continuent de limiter l’accès à la justice, laissant les survivantes de violences et les groupes marginalisés sans recours effectif. Dans le même temps, des avancées ont été accomplies – à travers l’activisme judiciaire, l’intégration de la dimension de genre et l’action des organisations de la société civile qui plaident pour un changement systémique. C’est dans ce paysage complexe qu’Avocats Sans Frontières (ASF) et ses partenaires ont travaillé au cours des quatre dernières années pour renforcer l’autonomisation juridique des femmes et élargir les voies d’accès à la justice.

Le système de justice ougandais repose sur un modèle hybride : un système formel, fondé sur l’État, et un système informel ancré dans les structures culturelles et religieuses. Tandis que les tribunaux formels tranchent les litiges civils et pénaux, de nombreux·ses Ougandai·se·s — en particulier les femmes — se heurtent à des obstacles considérables pour y accéder. Les difficultés économiques, l’éloignement géographique et une faible connaissance du droit poussent la population à recourir aux mécanismes informels présents dans les communautés. Or, ces derniers ne sont pas exempts de faiblesses : les biais patriarcaux et les dynamiques de pouvoir inégales limitent souvent la capacité des femmes à faire valoir leurs droits.

Sur le plan politique, les avancées demeurent inégales. Plusieurs réformes législatives essentielles, telles que la loi sur la protection des témoins, la loi sur l’aide juridique nationale et la loi sur le mariage et le divorce, sont encore en attente. Bien que l’Ouganda ait adopté sa Politique de justice transitionnelle en 2019, son plan de mise en œuvre reste incertain. Parallèlement, l’activisme judiciaire a conduit à des décisions marquantes concernant le divorce, l’adultère pénal, la succession, les mutilations génitales féminines et le remboursement de la dot, supprimant des dispositions discriminatoires.

Le gouvernement a également progressé dans l’intégration de l’égalité de genre. Le Ministère du Genre, du Travail et du Développement Social (MGLSD) coordonne les efforts en matière d’égalité entre les sexes à l’échelle nationale, soutenu par la Politique nationale de genre et divers cadres de prévention et de réponse aux violences basées sur le genre (VBG). Pourtant, des écarts subsistent entre engagements juridiques et réalité : les politiques et lois n’ont pas encore permis une protection cohérente et un accès effectif à la justice pour les femmes et les filles.

C’est dans ce contexte qu’Avocats Sans Frontières (ASF), en partenariat avec Penal Reform International (PRI), le Réseau des Femmes Ougandaises (UWONET) et Barefoot Law (BFL), a mis en œuvre le projet From Access to Equality (FATE) (2021–2025). Financé par l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas, ce programme de quatre ans visait à renforcer l’autonomisation des femmes et des filles afin qu’elles puissent accéder à la justice dans un environnement qui réponde à leurs besoins.

Le projet a adopté une double approche : permettre aux femmes de revendiquer leurs droits, tout en incitant les décideurs à les rendre effectifs. Mis en œuvre dans le nord (pays acholi), l’est (Busoga et Karamoja) et l’ouest (Bunyoro) de l’Ouganda, FATE a directement contribué aux Objectifs de développement durable (ODD) 5 (égalité de genre), 10 (réduction des inégalités) et 16 (institutions inclusives et accès à la justice).

À travers des interventions variées, FATE a agi à la fois sur les obstacles immédiats et structurels. Des femmes ont bénéficié de mini-subventions et de kits de démarrage pour renforcer leur autonomie économique et juridique ; des survivantes de violences basées sur le genre ont eu accès à des refuges, une aide juridique et un soutien psychosocial. ASF et ses partenaires ont aussi renforcé l’utilisation d’outils numériques pour connecter les femmes aux informations juridiques et aux services d’avocats, et ont apporté un soutien psychiatrique aux femmes détenues. En décembre 2024, le projet avait atteint 89 % de ses objectifs de mise en œuvre.

Pour marquer l’aboutissement de ce travail, ASF et ses partenaires organisent une Conférence nationale sur l’accès des femmes à la justice à Kampala, sous le thème : « Renforcer les écosystèmes qui soutiennent l’autonomisation juridique des femmes dans un environnement qui répond à leurs besoins ». L’événement d’une journée réunira des acteurs étatiques et non étatiques, des médiateurs communautaires et des partenaires de développement pour réfléchir aux acquis, aux leçons tirées et aux stratégies de durabilité.

En favorisant le dialogue entre institutions, communautés et société civile, la conférence vise non seulement à célébrer quatre années de progrès, mais aussi à tracer la voie à suivre. Le défi reste clair : combler le fossé entre les lois et les réalités vécues afin que toutes les femmes et filles en Ouganda puissent jouir pleinement de leurs droits et accéder à la justice dans la dignité.