septembre 10, 2015

Réformer la justice en Tunisie: «C’est le moment ou jamais»

TunisieNews

Tunis, le 10 septembre 2015 – Tout comme d’autres pays touchés récemment par des attentats, la Tunisie est face à un défi majeur en matière de justice : lutter efficacement contre le terrorisme tout en garantissant le respect des droits fondamentaux, dont l’accès à la justice et le procès équitable. Dans ce contexte, le travail d’observation de procès thématiques – dont ceux concernant les affaires de terrorisme – est essentiel. C’est la mission du Réseau d’Observation de la Justice (ROJ) composé exclusivement d’observateurs nationaux. Une avocate volontaire témoigne.

Créé par l’Ordre National des Avocats de Tunisie (ONAT), la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) et Avocats Sans Frontières-Belgique (ASF), le ROJ est un outil de veille original et unique en son genre en Tunisie et pionner dans la région arabe.

Maître Ameni Oussayaa Yahyaoui a rejoint le ROJ dès sa création en 2012. Mais son engagement remonte à bien plus longtemps. A la fin de ses études de droit en 2006, la jeune femme, originaire de Menzel Bourguiba, qui se situe à une soixantaine de kilomètres au nord de Tunis, s’inscrit au Barreau de Tunis. « C’était un rêve d’enfance qui se réalisait car la magie du justicier qui sauve des gens a toujours été présente dans ma famille », confie-t-elle.

L’objectif du ROJ est de soutenir la réforme de la justice en Tunisie, et de contribuer à restaurer la confiance entre la population et le système judiciaire, comme nous l’explique Me Oussayaa Yahyaoui : « Aujourd’hui, seul un Tunisien sur cinq a confiance en la justice. La situation n’a pas vraiment évolué depuis la chute de Ben Ali en 2010 mais au moins, les gens peuvent en parler sans crainte de représailles. »

Les acteurs de la justice font face à de nombreux défis en termes de moyens et d’organisation. « Un juge est parfois amené à traiter jusqu’à 150 affaires lors d’une seule et même audience. Au début de l’audience, vous ne voyez pas son visage tellement la pile de dossiers est haute », témoigne l’avocate.

Malgré ces difficultés, l’observatrice du ROJ est volontaire : « La justice tunisienne existe mais doit être réformée. Les acteurs de la justice doivent changer leurs pratiques professionnelles. Par exemple, suite à une arrestation, réfléchir à des peines alternatives à l’emprisonnement ». C’est précisément l’un des objectifs du ROJ : encourager l’adoption et l’application effective des standards internationaux dans l’administration de la justice pénale, et plus précisément sur le droit au procès équitable.

Le réseau est constitué de 45 observateurs avocat(e)s, « Nous sommes conscients que les choses doivent changer. Le ROJ, c’est un signal d’alarme déclenché par les avocats et d’autres organisations, comme la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme. Notre mission est d’encourager l’adoption des standards internationaux et les bonnes pratiques. C’est le moment ou jamais », rappelle Me Oussayaa.

Après une première phase (2012-2014), le ROJ poursuit son travail. Ses volontaires ont déjà observé depuis le 15 avril 2015, 273 audiences/230 procès dans 7 gouvernorats de Tunisie. Les informations collectées lors des observations seront analysées et partagées par le biais de rapports thématiques, de tables rondes et conférences, et suivies de recommandations pour la réforme du système judicaire en Tunisie.

Le ROJ est financé par Open Society Foundations.
Photos: Me Ameni Oussayaa Yahyaoui, avocate au barreau de Tunis, membre du ROJ © ASF/ G. Van Moortel
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