Tunisie : la loi contre les stupéfiants est au point mort

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Tunis, le 20 mai 2016 – La loi actuelle relative à la lutte contre les stupéfiants entre dans sa  25ème année d’application, et ce malgré les annonces médiatiques et l’adoption d’un nouveau texte de loi en Conseil des Ministres.  Considérée comme injuste, inefficace et obsolète, cette loi continue à faire des victimes auprès des populations les plus vulnérables en Tunisie.  ASF plaide pour une accélération de la réforme législative en la matière. Au-delà d’une augmentation constante de la récidive, ce qui prouve son inefficacité, l’actuelle loi relative aux stupéfiants (Loi n°92-52) a longtemps été utilisée comme un instrument de répression des jeunes tout en favorisant le recours à la corruption. Conscients de l’échec de l’approche répressive, certains décideurs politiques ont promis la réforme des dispositions relatives aux consommateurs de stupéfiants durant la dernière campagne électorale. Après une année de silence des autorités face à la pression de la société civile, un projet de loi a été adopté en Conseil des Ministres le 30 décembre 2015. « Malgré cette avancée considérable, l’adoption du texte par le parlement (ARP) ne semble pas prioritaire. Pourtant, des jeunes sont encore arrêtés dans le cadre de l’application de la loi, et les consommateurs de drogues continuent à remplir les prisons déjà surpeuplées où ils représentent entre un quart et un tiers des détenus », alerte Antonio Manganella, Directeur d’Avocats Sans Frontières en Tunisie. Dans un rapport publié en début d’année,  ASF, la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme et l’Ordre National des Avocats de Tunisie avancent des chiffres inquiétants qui démontrent l’inefficacité de cette loi. « Trois quarts des détenus poursuivis pour consommation de stupéfiants ont moins de 30 ans, plus d’un condamné sur deux est un récidiviste et le taux de dépendance aux stupéfiants a atteint les 70% chez les jeunes », explique Antonio Manganella. Toutes les données indiquent une augmentation continue des taux de toxicomanie et de récidive qui permettent de conclure que la loi n°92-52 n’a pas réduit les infractions et a donc échoué en termes de prévention, de dissuasion et de traitement curatif. Le nouveau projet de loi sur les stupéfiants a été tout récemment soumis à la Commission des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance, de la jeunesse et des personnes âgées au sein de l’ARP. « Cette lecture pour avis est un signe positif mais nous déplorons le manque de visibilité sur l’itinéraire législatif du texte qui n’a été examiné que de façon préliminaire et dont la programmation du passage à une des commissions législatives n’a toujours pas été annoncé », selon Antonio Manganella. Ce projet de loi revêt toutefois une très grande importance en raison de la population concernée, à savoir jeune, défavorisée sur le plan social, et qui ne perçoit  l’Etat et la justice que comme des acteurs lointains, voire hostiles. « Le renforcement de la confiance entre le citoyen et les institutions de l’Etat de droit passe également par l’élimination des lois liberticides et inefficaces, qui ont caractérisé le régime avant janvier 2011 », conclut-il. ASF plaide en faveur d’une accélération des travaux parlementaires, notamment par l’inscription du projet de loi relatif à la lutte contre les stupéfiants à l’agenda des Commissions de la Législation Générales et des Droits et des Libertés, et pour une participation effective de la société civile au débat parlementaire qui en suivra. Communiqué de presse disponible ici.