7 pays au chevet de leur justice

OugandaNews

Bujumbura, Burundi – Pour tout pays sortant d’un conflit armé ou libéré d’un régime autoritaire, la justice de transition constitue une étape incontournable vers la réconciliation des « ennemis » du passé. Concrètement, il s’agit d’établir les responsabilités des exactions commises, de punir les coupables et d’obtenir une reconnaissance pour les victimes. La mise en place de cette justice de transition doit être adaptée en fonction de chaque contexte, d’où toute l’utilité d’échanger sur les expériences dans le domaine. C’est pourquoi Avocats Sans Frontières (ASF) a rassemblé à Bujumbura des avocats et experts de sept pays africains autour de cette étape indispensable à la paix durable.

La justice de transition comprend un ensemble de mécanismes et de mesures, comme des poursuites contre des auteurs de violations, des indemnisations pour les victimes, ou encore des enquêtes visant à établir la vérité. Il existe également des Commissions Vérité et Réconciliation comme ce fut le cas en Afrique du Sud, après l’apartheid. « La mise en place d’une justice de transition est souvent difficile car, après un conflit majeur, les institutions sont détruites ou fortement déstabilisées », constate  Luc Meissner, Coordinateur du projet Justice pénale internationale chez ASF.

Atelier Buja
L’atelier régional organisé par ASF à Bujumbura © Luc Meissner/ASF

Un autre défi majeur est qu’il n’existe pas de modèle unique de justice transitionnelle. De par sa culture et ses traditions juridiques, chaque contexte est spécifique, tout comme la nature même du conflit. « Echanger sur les bonnes pratiques peut donc être source d’inspiration pour les autres acteurs confrontés à ces questions », poursuit Luc Meissner. Pour ce faire, ASF a donc réuni les 11 et 12 septembre derniers, à Bujumbura, 40 avocats et experts du domaine de la justice en transition dans sept pays du continent africain: Burundi, RD Congo, Côte d’Ivoire, Kenya, Ouganda, Tchad et Tunisie.

Ces pays ont en commun un passé récent traversé par les conflits et la transition démocratique, mais aussi la volonté d’améliorer leur système de justice transitionnelle. La Côte d’Ivoire, par exemple, a transféré son ancien président Laurent Gbagbo devant la Cour Pénale Internationale (CPI) à la Haye en raison de son implication dans le conflit, mais le gouvernement doit encore légitimer sa commission Vérité et Réconciliation aux yeux de la population. En Ouganda, où le chef de guerre Joseph Kony est poursuivi par la CPI, la justice de transition passe par une réforme du système judiciaire et la mise en place d’une Chambre spécialisée pour juger les crimes internationaux. Au Burundi, la Commission Vérité et Réconciliation et le Tribunal Spécial chargé de traiter des crimes du passé, pourtant prévus depuis 2000, peinent à voir le jour.

L’atelier régional organisé par ASF a permis à ces avocats et experts membres de la société civile de partager leurs expériences, notamment sur la protection des témoins qui participent aux procès. « Ce type d’échange d’informations sur les systèmes et pratiques dans les autres pays est assez rare. Nous servons de trait d’union en quelque sorte », estime Luc Meissner. « Pour la suite, nous prévoyons d’organiser des échanges réguliers entre ces experts et d’encourager les initiatives de plaidoyer au niveau de leurs gouvernements respectifs, mais également au niveau régional, notamment auprès de l’Union Africaine ».

Ces activités se déroulent dans le cadre du projet de promotion du système du Statut de Rome et de l’effectivité de la CPI, financé par l’Union européenne et la Fondation MacArthur. Dans le cadre de l’atelier régional, ASF a présenté officiellement sa récente Etude de capitalisation des programmes d’assistance judiciaire d’ASF au Burundi (1999-2004).

Photo de couverture: Durant plusieurs années, ASF a mené un travail d’observation et d’analyse du système de justice populaire Gacaca, mis en place au Rwanda afin de poursuivre les crimes commis pendant le génocide. © Thomas Lohnes/AFP