Tunis/Bruxelles – 9 avril 2012. Avocats Sans Frontières (ASF) démarre ses activités de soutien à la justice en Tunisie, berceau du « printemps arabe » de 2011. L’ONG aide huit associations tunisiennes à archiver et classer plusieurs milliers de dossiers de violations de droits de l’Homme. L’action d’ASF permettra de mieux exploiter les données reprises dans ces dossiers et ainsi de soutenir la transition de la société tunisienne en matière de justice.
Un an après la révolution, le sentiment d’impunité reste bien présent en Tunisie. La population réclame que justice soit faite et les victimes ou leurs familles demandent réparation pour les crimes subis: atteintes aux droits et aux libertés fondamentales, répression des opposants, répression brutales des manifestations avant et pendant la révolution de 2011, principalement par les autorités.
Le défi aujourd’hui en Tunisie est de mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle adaptés à la situation: comment juger les auteurs de violations ? Comment faire reconnaître le statut de victimes ? Comment les indemniser ? « Dans un contexte comme celui-ci, il faut prendre en compte les besoins des victimes et les attentes de la population tout en garantissant un jugement équitable des auteurs des violations», explique Solène Rougeaux, Chef de Mission ASF à Tunis. « L’objectif est d’aboutir à une véritable réconciliation des différentes composantes de la société ».
Un facteur important dans ce processus est l’existence de données fiables sur les violations des droits de l’Homme commises dans le passé. Or, si les associations tunisiennes ont été, sous le régime du Président Ben Ali, très actives pour dénoncer les violations de droits de l’Homme et assister les victimes, elles n’ont pas pu archiver leurs dossiers systématiquement. En effet, les opposants politiques et militants des droits de l’homme subissaient la répression du régime et le travail des ONG se déroulait dans un climat oppressant et souvent dangereux. Le nombre de dossiers varient d’une organisation à l’autre de quelques centaines à plusieurs milliers.
Financé par le département fédéral des affaires étrangères Suisses, le projet d’ASF a démarré en mars de cette année par une formation organisée en partenariat avec l’ONG Swisspeace sur les principes de base d’organisation et de gestion des archives. La prochaine étape du projet consistera à trier et classer les dossiers, et en encoder les données. Cette phase démarre en avril et s’étalera sur deux mois.
« Nous aidons les associations à organiser physiquement leurs archives mais aussi à encoder les données pertinentes dans une base de données », précise Solène Rougeaux. Cette base de données se concentrera sur le type de violations subies par les victimes et commises tant par l’Etat que par des particuliers. Le but est d’avoir une vue générale du type d’abus qui avaient lieu sous la dictature, mais aussi des attentes des victimes en termes de réparation, de soutien et de justice. Aussi, cette base de données permettra d’avoir une vision géographique, par genre et par âge des victimes de violations.
« Les associations locales vont ainsi pouvoir rattraper le retard pris dans leur travail sous l’ancien régime et être plus efficace dans leur action de plaidoyer en faveur de mécanismes de justice transitionnelle en Tunisie », conclut la Chef de mission ASF.