Lors de la soirée « Justice & Impunité » qui se déroulera à Bruxelles, ce jeudi 30 avril, le public aura l’occasion de découvrir le film, « L’homme qui répare les femmes ». Ce documentaire retrace la lutte incessante du docteur Mukwege contre les violences sexuelles dont sont victimes des milliers de femmes à l’est de la RD Congo. Jean-Philippe Kot, expert en justice internationale d’ASF, nous éclaire sur ces violations graves de droits humains.
Comment expliquer le fait qu’il y ait autant de cas de violences sexuelles, à l’est de la RDC ?
Jean-Philippe Kot : De manière générale, les « pratiques de guerre » imprègnent la société et peuvent conduire à des pertes de repère. Il y a une corrélation avec les conflits armés, mais c’est plus complexe que cela car les causes de ces violences sont multiples. Des violences sexuelles sont commises pendant les conflits en tant qu’arme de guerre. D’autres le sont dans une volonté de dédommagement en nature ou encore de destruction des structures sociales et familiales. Les violences sexuelles « domestiques » sont en hausse. D’autres encore perpétrées en-dehors des conflits trouvent leur explication dans des phénomènes de prédation sexuelle, de fétichisme ou de croyance. Par exemple, des auteurs pensent qu’en violant une enfant, cela leur apporterait la richesse, la guérison ou la chance.
Pourquoi l’accès à la justice est-il si difficile pour les victimes des violences sexuelles?
J-P K: Tout d’abord, les victimes ignorent souvent leurs droits. Il y a également des raisons de sécurité et de distance entre les victimes et la justice. Elles sont parfois freinées dans leur intention de porter plainte par peur d’être rejetées par leur communauté. Il y a aussi un énorme problème en termes de présentation des preuves où le manque de ressources est flagrant. Par exemple, le manque de médecins et de matériel empêche l’établissement des protocoles médicaux pouvant apporter la preuve des violences sexuelles. Par ailleurs, les enquêtes sont rarement menées immédiatement après les faits et les témoignages sont parfois recueillis à la chaîne. Ces manières de procéder peuvent parfois mener à une situation où les besoins réels des victimes ne sont pas forcément pris en compte, ce qui peut s’avérer problématique pour la suite des procédures.
D’aucuns préconisent la création de tribunaux spéciaux internationaux et nationaux pour juger les personnes accusées de violences sexuelles. Bonne ou mauvaise idée ?
J-P K: Cela peut contribuer à régler une partie des problèmes à condition que ces tribunaux spéciaux remplissent une fonction que les autres tribunaux ne remplissent pas, en évitant les conflits de compétences. Ces tribunaux spéciaux sont d’ailleurs souvent temporaires. Or, ce qui importe, c’est d’assurer la durabilité du système juridique en RD Congo. Les cours et tribunaux existent ; leur renforcement doit être poursuivi. C’est un travail de longue haleine que nos équipes mènent sur le terrain. Et chaque jour, nous constatons, malgré tous les défis, le courage des différentes parties prenantes – victimes, organisations locales, avocats ou magistrats – qui participent à la lutte contre l’impunité et la reconnaissance des victimes.