Kinshasa, 8 février 2016 – En RD Congo, défendre les droits des victimes d’injustice et exercer ses libertés fondamentales reste un défi. Face à un système de justice souvent défaillant et, parfois, aux intimidations, des hommes et des femmes poursuivent un idéal : vivre dans un monde plus juste. Première de trois rencontres : l’avocat Alphonse Koyakosi, spécialisé dans les procès de crimes internationaux.
Père de cinq enfants, Maître Koyakosi est membre du Barreau de Gombe (Kinshasa) depuis 1995. Son domaine de prédilection est le droit pénal, en particulier les crimes internationaux.
Comme il fait partie du pool d’avocats collaborant avec ASF depuis 2005, ASF lui demande de rejoindre l’équipe de défense des victimes dans l’affaire du général Kakwavu. Cet ex-chef rebelle avait été intégré en 2005 dans les Forces Armées de la RD Congo avec le grade de général. Or, dans les territoires contrôlés par ses troupes dans la province de l’Ituri entre 2002 et 2004, des centaines de personnes ont été victimes de crimes de guerre, viols, meurtres et torture. C’est pourquoi les Nations Unies demandent et obtiennent son arrestation en 2006.
« J’ai tout de suite accepté de participer à ce procès car il concerne un officier supérieur de l’armée, pas de simples soldats. C’était donc un procès symboliquement important dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux », précise Maître Koyakosi.
En 2012, un incident se produit en cours d’audience. « Nous venions de déposer un élément à charge du général. C’est alors que celui-ci me dit, avec dédain : On verra avec toi ! », se rappelle l’avocat pénaliste.
Depuis, la vie de l’avocat n’est plus la même. « J’avais déjà subi des menaces dans d’autres affaires, mais cette fois-ci, c’était autre chose. Nous avons un proverbe : coincez un serpent dans un coin, et il vous mord. C’est ce qui s’est passé avec Kakwuavu. C’est le genre d’hommes qui ont le bras long et n’oublient jamais. J’ai donc été obligé de changer mes habitudes : j’ai réduit mes déplacements, je reste moins longtemps aux fêtes de familles… », témoigne-t-il.
Finalement, en 2014, le Général Kakwuavu est condamné à 10 ans d’emprisonnement pour crimes de guerre. Par mesure de précaution, Maître Koyakosi n’assiste même pas au prononcé du jugement.
« Même si je dois mourir à cause de cette affaire, ça valait la peine car ce procès est un signal lancé aux responsables de crimes », estime l’avocat. « C’est aussi un signal lancé aux victimes pour qu’elles résistent aux pressions de la part des auteurs et ne perdent pas l’espoir d’une justice ».
L’avocat apprécie le travail d’ASF en matière de justice pénale internationale en RD Congo (cliquez ici pour plus d’information): « Grâce aux formations organisées par ASF, les avocats ont davantage confiance en eux, en leurs compétences. Sans ce soutien d’ASF, beaucoup de procès n’auraient pas lieu. »