Bangui, le 15 avril 2016 – Sans déclaration de naissance, vous êtes privés d’un grand nombre de droits. Comment bénéficier d’un accès à des soins de santé sans document d’identité ? Comment se rendre à l’école ? Comment aller voter ? La plupart des Centrafricains, surtout les plus jeunes, n’existent pas aux yeux de l’Etat. En réponse à ce problème, Avocats Sans Frontières organise des audiences foraines : des membres du tribunal, du parquet et du greffe se rendent dans les villages pour prononcer des jugements supplétifs d’actes de naissance.
Selon la législation en vigueur en République centrafricaine, un mois après l’accouchement, il n’est plus possible de dresser un acte de naissance. Cet acte est pourtant essentiel pour tout citoyen puisqu’il donne accès aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, sans lequel l’enfant n’a pas droit à l’école, aux services de santé, à la succession, à la propriété… et, plus tard, au droit d’élire et d’être élu.
La plupart des citoyens centrafricains, surtout les plus jeunes, ne disposent pas de titre d’Etat civil valable. Cette situation est due à plusieurs facteurs. Le premier est économique : un acte de naissance coûte 1.500 francs CFA (environ 2,5 euros), alors que le salaire moyen en RCA est de 39.000 fCFA. Ludovic Kolengue Kaye, Coordinateur ASF : « L’argent est certainement une cause du faible enregistrement des naissances, mais le manque d’information de la population et la complexité des démarches sont aussi à pointer du doigt ». On constate également un dysfonctionnement structurel au niveau des services d’Etat civil et des autorités compétentes, suite aux pillages et destructions commis durant les violences ayant affecté le pays en 2012-2013.
Pour répondre à cette problématique, ASF organise des audiences foraines à Bangui (la capitale) et Bouar (à l’est du pays). Il s’agit de pallier l’inexistence d’un acte de naissance émis dans les délais légaux, par un jugement supplétif rendu par un juge qui reconnait officiellement la naissance d’une personne. Contrairement à des audiences classiques, les audiences foraines se tiennent hors des cours et tribunaux, par exemple à la mairie d’un arrondissement, afin de permettre aux habitants de s’y rendre plus facilement.
Arsène, père de Kestia, un an, témoigne : « Il ne m’avait pas été possible de déclarer l’enfant à la municipalité, faute de moyens. J’ai appris pour les audiences par mon chef de quartier qui a circulé dans les rues avec un mégaphone, et je suis venu ».
Des membres du tribunal, du parquet, de la greffe et de la mairie sont présents. Un médecin est aussi sur place pour déterminer l’âge de l’enfant. ASF prend en charge les frais des jugements supplétifs, équivalents à 15 euros.
« Ma fille pourra s’inscrire à l’école et cela facilitera toutes les démarches de sa vie », explique encore Léana, mère d’Esther.
Chaque audience foraine est précédée par des sensibilisations informant la population de l’importance d’enregistrer les naissances, et les autorités locales sur la procédure et leur rôle dans le processus d’établissement de document d’Etat civil.
A ce jour, six audiences foraines ont déjà été organisées, permettant ainsi à 403 enfants âgés de 1 mois à 16 ans de se voir assurer leurs droits.
Ces activités sont réalisées grâce au soutien financier de la délégation de l’Union européenne et de l’Ambassade de France en République centrafricaine.