Les acteur‧rice‧s de la société civile et les organisations internationales des droits humains œuvrant en République démocratique du Congo sont consterné‧e‧s par la décision du gouvernement de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo de lever le moratoire sur l’exécution de la peine de mort, communiqué par la note circulaire N° 002 du 13 mars 2024.
La note circulaire signée par Madame la Ministre d’État Rose Mutombo Kiese, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, justifie la décision « en vue de débarrasser l’armée de la RDC des traîtres d’une part et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme urbain entrainant mort d’hommes d’autre part ».
Les organisations signataires déplorent cette décision qui viole le principe constitutionnel de sacralité de la vie humaine et constitue un recul majeur en matière de respect des droits humains et de démocratie.
La peine de mort n’a jamais été abolie en République démocratique du Congo même si son exécution faisait l’objet d’un moratoire depuis 2003. Durant cette période, elle continua à être prononcée par les tribunaux congolais mais était remplacée par des peines à perpétuité. Elle constitue une violation des droits humains en particulier du droit à la vie et du droit de ne jamais subir ni la torture ; ni des peines ou encore des traitements cruels ; inhumains ou dégradants.
L’État congolais reconnait dans sa constitution de 2006 et à travers la signature du Pacte International aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples que le droit de ne pas être soumis à des traitement cruels, inhumains ou dégradants est un droit intangible, auquel il ne devrait pas être porté atteinte quelles que soient les circonstances.
Par cette circulaire, le gouvernement s’attaque au droit de ne pas être soumis à des traitement cruels, inhumains ou dégradants, que la peine capitale représente.
Cette décision soulève irrémédiablement la préoccupation de la société civile quant à l’instrumentalisation par le gouvernement de mesures politiques opportunistes et inappropriées pour répondre à de graves problèmes de sécurité nécessitant d’autres types de réponses. Il n’y a par ailleurs pas de preuve empirique qui démontre l’efficacité de la peine de mort pour endiguer la violence contrairement à ce que laisse entendre l’argumentaire mobilisé par les autorités congolaises.
Au-delà des questionnements sur la légalité de la mesure sur le plan interne et international, la mise en application de cette mesure soulève plusieurs questions dont les plus préoccupantes sont :
- Les capacités du système judiciaire congolais à garantir le respect des critères de procès équitable, au regard de :
– sa fragilité et de ses importants dysfonctionnements ;
– des risques élevés d’erreurs judiciaires ;
– de l’instrumentalisation éventuelle de la peine de mort pour des règlements de comptes. - Les termes utilisés dans la circulaire ouvrent la voie à des condamnations de peine de mort pour un large éventail de crimes et d’actes délictueux.
- La remise en cause de la capacité de l’État congolais à demeurer un interlocuteur crédible en matière de coopération judiciaire internationale, à l’heure où le pays veut s’engager dans un processus inclusif de justice transitionnelle pour consolider la paix et lutter contre l’impunité des acteur‧rice‧s internes et externes à la RDC qui sont responsables de graves violations des droits humains.
Les organisations signataires rappellent que la peine capitale ne constitue pas une réponse adaptée aux enjeux auxquels fait face la RDC, elle consolide au contraire un usage institutionnalisé de la violence comme réponse à des problèmes sociétaux et aux causes structurelles de conflits en RDC, et de ce fait nourrit les cycles de violence dans le pays.
Les organisations signataires recommandent au gouvernement de prendre des mesures structurelles idoines pour favoriser la loyauté au sein de ses forces de sécurité, et pour lutter efficacement contre la criminalité urbaine. Les organisations signataires exhortent le gouvernement à révoquer la levée du moratoire et à poursuivre les démarches pour abolir définitivement la peine de mort de l’ordre juridique, le moratoire ne devant constituer qu’une étape provisoire en ce sens.