Bujumbura/Bruxelles, le 12 février 2015 – Avocats Sans Frontières (ASF) questionne la légalité des procédures judiciaires menées à l’encontre du journaliste Bob Rugurika ainsi que de son maintien en détention ordonné par le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura le 4 février 2015. ASF appelle les autorités burundaises à assurer un respect absolu du droit dans ce dossier ainsi que des droits fondamentaux de M. Rugurika, directeur de la Radio Publique Africaine (RPA).
Bob Rugurika a été arrêté et mis en détention le 20 janvier dernier. Les autorités le soupçonnent d’être impliqué dans l’assassinat de trois religieuses italiennes les 7 et 8 septembre 2014 à Kamenge, un quartier de Bujumbura. Au moment de l’arrestation, la RPA diffusait depuis plusieurs jours les résultats de ses enquêtes en lien avec ce dossier, dont les noms d’auteurs présumés et de commanditaires haut placés dans les services de renseignement et de police burundais.
Actuellement, Bob Rugurika est accusé de complicité d’assassinat, de manquement à la solidarité publique, de recel d’un malfaiteur et de violation du secret d’instruction. C’est précisément le fait d’avoir autorisé la diffusion d’informations liées à ce dossier plutôt que de les avoir transmises aux services d’enquête en charge du dossier qui a mené les autorités burundaises à traduire le journaliste en justice.
Or, eu égard aux faits reprochés, ASF considère qu’aucun élément objectif ne permet de lier cet acte exercé dans le cadre normal du travail de journalisme aux infractions en cause. « Le simple fait de publier des informations liées à un crime ou d’entrer en contact avec des individus qui avouent avoir commis ce crime ne démontre en rien une complicité dans son exécution ou une entrave au travail essentiel des enquêteurs », estime Céline Lemmel, Chef de Mission d’ASF au Burundi. « Par ailleurs, la loi burundaise prévoit des conditions très strictes pour établir ces infractions et, à la vue du dossier, ces conditions ne sont pas réunies», ajoute-t-elle.
Dans l’état actuel des choses, la détention de Bob Rugurika est une mesure préventive abusive. En effet, la mise en détention doit répondre à des risques exceptionnels établis par la loi, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Dans sa décision du 4 février dernier, le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura échoue d’ailleurs à établir le risque exceptionnel que présenterait la libération de Bob Rugurika pour la bonne suite du dossier.
Cette réaction du juge au travail des journalistes de la RPA pourrait rapidement se traduire en de très sérieux abus de justice. « Il est certes important de réglementer le travail des défenseurs des droits humains, comme les travailleurs d’ONG, les avocats ou les journalistes, mais pas au détriment de la liberté d’exercice de leurs professions», conclut la Chef de Mission d’ASF au Burundi.
ASF invite le juge d’appel à faire une meilleure lecture de la loi pour que véritablement la liberté reste la règle et que la détention soit toujours et partout l’exception.