Bujumbura, le 19 mai 2015 – Alors que la situation reste tendue au Burundi, les avocats burundais poursuivent une vaste opération d’assistance judiciaire. Objectif : faire respecter les droits des centaines de personnes arrêtées au cours des évènements de ces dernières semaines et éviter que les motifs politiques n’empiètent sur la justice. Maître Salvator Kiyuku est le Bâtonnier du Barreau près la Cour d’appel de Bujumbura. Il nous explique les circonstances de cette action initiée par le Barreau et soutenue par ASF.
Question : Quel est l’élément qui a déclenché la mobilisation des avocats burundais ?
Me S. Kiyuku : Le Burundi vit actuellement des jours de fortes tensions suite à l’annonce de son Président de briguer un troisième mandat. Il y a de nombreuses manifestations de protestation à Bujumbura et dans certaines parties à l’intérieur du pays, ainsi qu’une tentative de coup d’état militaire. Nous avons très vite constaté que la police procédait à des vagues d’arrestations aveugles dans la rue et les quartiers de la ville de Bujumbura. Pour justifier ces arrestations en masse, les autorités invoquent le motif de « participation à un mouvement insurrectionnel ». Ce motif ne tient juridiquement pas la route. En tant que « hommes de droit », nous ne pouvions pas ne pas réagir.
Q.: Combien de personnes ont été arrêtées lors de ces rafles?
S.K. : Selon certaines sources, entre 600 et 700 personnes ont été arrêtées essentiellement à Bujumbura. Hommes, femmes et mineurs d’âge sont arrêtés sans distinction. Certaines arrestations ont mal tourné. On estime qu’une personne sur trois aurait été battue, dépouillée, voire torturée. Manifestement, les policiers sont pour le moins partisans, mal formés et très nerveux. Il faut y rajouter les personnes arrêtées et mises en détention suite à la tentative de putsch. Mais là, le nombre exact reste inconnu à ce stade.
Q.: En quoi consiste l’action d’assistance par les avocats ?
S.K. : Très vite (dès le 5 mai 2015 – n.d.l.r.), plus de la moitié des 450 avocats que compte le Barreau de Bujumbura se sont mobilisés. En une semaine, ils ont pu rencontrer et conseiller 350 personnes arrêtées de manière arbitraire. Grâce à cette assistance, 70 % de ces personnes ont pu être libérées. Je dois dire que même si on ne peut pas parler d’une vraie indépendance des magistrats du Parquet, la coopération avec les avocats a été relativement bonne. Nous avons également eu accès aux bureaux de police et aux prisons. Par contre, l’accès aux locaux du Service National de Renseignement, dit la « documentation », nous est toujours refusé.
Q.: Allez-vous poursuivre votre assistance aux personnes arrêtées ?
S.K. : Absolument. Outre les personnes mises en détention suite au putsch, il reste encore des centaines de personnes détenues, y compris dans les prisons de Mpimba et Muramvya. Notre action en faveur de ces manifestants toujours maintenus en détention préventive en dehors de la capitale se poursuit en partenariat avec ASF, qui nous apporte une aide logistique et méthodologique. Quelles que soient les circonstances exceptionnelles que traverse notre pays, les droits de l’Homme – y compris ceux de la défense – doivent être respectés.