Justice ExPEERience, le réseau de promotion des droits humains lancé par ASF, fête ses deux ans

Il y a deux ans, Avocats Sans Frontières lançait Justice ExPEERience, un réseau pour la promotion des droits humains, ainsi qu’une plateforme en ligne du même nom afin de soutenir et de dynamiser ce réseau. Cet anniversaire est l’occasion pour nous de revenir sur l’historique et le mandat du réseau Justice ExPEERience et de sa plateforme. Un rapport sur ses deux premières années d’activité vient d’être publié, il aborde les évolutions de celui-ci depuis sa création, ses projets marquants mais aussi ses perspectives de développement.

Le réseau s’est largement étendu depuis son lancement en 2021. Il compte aujourd’hui plus de 600 membres travaillant dans 52 pays, sur les 5 continents. Le réseau veut créer davantage de lien entre les acteur‧rice‧s du secteur de la promotion de l’accès à la justice et des droits humains à travers le monde. L’objectif est qu’il‧elle‧s puissent partager des connaissances, renforcer leurs capacités et travailler sur des projets conjoints pour avoir plus d’impact.

La plateforme Justice ExPEERience a, elle aussi, été considérablement améliorée. En 2022, elle s’est notamment dotée d’une application mobile, téléchargeable sur tout smartphone. L’interface de la plateforme a également été traduite en langue arabe, qui vient s’ajouter aux langues déjà existantes, dont l‘anglais et le français. Des développements sont également en cours pour améliorer la fluidité, la rapidité et l’expérience utilisateur‧rice sur la plateforme Justice ExPEERience. 

Plusieurs communautés de pratique, coalitions ou groupes de travail ont également vu le jour sur Justice ExPEErience ces deux dernières années. Elles ont partagé de l’information et contribué aux échanges sur les espaces publics, mais ont également pu travailler et collaborer dans des espaces confidentiels pour développer collectivement des campagnes de plaidoyer, des projets de monitorings de violations de droits humains, ou encore des contentieux stratégiques.

ExPEERience Talk #11 – Décriminaliser la pauvreté, le statut et l’activisme : une urgence mondiale, une campagne internationale

  • Quand ? 5 octobre – 12h (GMT+1, Tunis) ; 13h (GMT+2, Bruxelles)
  • Langue : Français
  • Évènement gratuit en ligne – Inscription obligatoire

Ce 11ème ExPEERience Talk sera consacré à la Campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme. Plusieurs de ses membres viendront y présenter son histoire, son fonctionnement, ses premières victoires et aborderont les défis rencontrés et les opportunités que présentent la mise en réseau d’une multiplicité d’acteur.rice.s pour s’attaquer à un enjeu mondial et systémique d’une telle ampleur.

Partout dans le monde, en effet, des lois et des pratiques policières et pénales tendent à contrôler, arrêter et enfermer disproportionnellement les populations en situation de vulnérabilité ou de marginalisation (personnes pauvres ou sans-abri, personnes LGBTQI+, travailleur‧euse‧s du sexe, personnes migrantes, etc.). Les délits mineurs – mendicité, désordre sur la voie publique, consommation de drogues, vagabondage…- sont utilisés contre ces personnes dans le seul but de criminaliser ce qu’elles représentent dans la société plutôt que les délits qu’elles ont commis. On assiste aussi, dans de nombreux pays, à un rétrécissement de l’espace civique et à une instrumentalisation du droit pénal pour réprimer l’activisme et étouffer la dissidence. Ces phénomènes sont profondément ancrés dans les législations, institutions et pratiques des États à travers le monde.

Au cours de cet ExPEERience Talk, des intervenant.e.s, travaillant pour plusieurs organisations membres de la campagne, viendront illustrer les conséquences très concrètes de ces lois et pratiques liberticides sur la société civile et les populations. Il.elle.s évoqueront également différentes actions entreprises dans le cadre de la campagne : recherches conjointes, actions contentieuses et actions de plaidoyer devant les institutions nationales et internationales.

À ce jour, la campagne est portée par une cinquantaine d’organisations de la société civile issues de nombreux pays. Son ambition est de créer les conditions d’un changement global des lois, politiques et pratiques pénales et sociales en adoptant une stratégie transnationale et multisectorielle.

Intervenant‧e‧s

  • Khayem Chemli – Head of advocacy chez ASF – région Euromed (modérateur)
  • Soheila Comninos – Senior program manager chez Open Society Foundations
  • Arnaud Dandoy – Research & Learning Manager chez ASF – région Euromed
  • Asmaa Fakhoury – Country director ASF Maroc
  • Maria José Aldanas – Policy Officer chez FEANTSA

Le rapport annuel d’ASF est disponible !

L’équipe d’Avocats Sans Frontières est ravie de pouvoir vous présenter son dernier rapport annuel.

Que de chemin parcouru depuis la création d’ASF en 1992 par des avocat.e.s belges. Durant ces 30 années, ce sont des centaines de personnes qui ont contribué à faire évoluer l’organisation pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui : une organisation militante active dans une dizaine de pays qui œuvre pour la promotion de l’accès à la justice et d’un État de droit fondé sur les droits humains en étroite collaboration avec des acteur.rice.s locaux.les.

Ces trente années d’action, les ancrages locaux que nous avons développés et les liens que nous avons tissés avec des défenseur.e.s des droits humains des quatre coins du monde nous donnent beaucoup de force et de confiance pour envisager l’avenir et poursuivre le déploiement d’une action impactante au service des populations en situation de vulnérabilité (femmes, enfants, communauté LGBTQI+, minorités ethniques, personnes en situation de détention, personnes en situation de migration, etc.).

Mais les défis sont nombreux. Partout à travers le monde, les organisations de la société civile et les défenseur.e.s des droits humains font face à des évolutions et des tendances inquiétantes : montée des autoritarismes, rétrécissement de l’espace civique, défiance croissante des populations envers les institutions, tensions sociales exacerbées, etc.

Les défenseur.e.s des droits humains et de l’accès à la justice doivent travailler dans des contextes qui leur sont de plus en plus hostiles. Les notions mêmes de droits humains et d’État de droit sont remises en question. Les activistes, les avocat.e.s et les journalistes qui œuvrent pour la défense des droits fondamentaux des populations en situation de vulnérabilité sont de plus en plus systématiquement visés par des politiques répressives illibérales.

Chaque page de ce rapport témoigne de la vigueur de la flamme qui anime celles et ceux qui s’engagent pour maintenir les droits humains au cœur même de nos sociétés, au risque et au péril de leur propre liberté. Ce rapport est un hommage à chacune et chacun d’eux.elles.

ExPEERience Talk #10 – Responsabilité des entreprises et droits humains : le cas du secteur du textile en Tunisie

  • Quand ? 22 juin 202313h (GMT+1, Tunis) ; 14h (GMT+2, Bruxelles)
  • Langue de la présentation : Français
  • Sur Big Blue Button

Lors de ce 10ème ExPEERience Talk, Nadia Ben Halim (consultante) et Zeineb Mrouki (Coordinatrice programmes ASF Tunisie) présenteront une étude sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains dans le secteur du textile dans le gouvernorat de Monastir en Tunisie.

L’industrie textile pèse aujourd’hui 3000 milliards de dollars, c’est un des secteurs économiques les plus importants à l’échelle mondiale. En Tunisie, la production de vêtements représente un quart de la production industrielle du pays en termes de produit intérieur brut, ce qui en fait un secteur central de l’économie tunisienne. Cependant, depuis des années, des organisations de défense des droits humains et rapports officiels documentent des violations systémiques des droits des travailleur‧euse‧s (conditions de travail indignes, travail informel et illégal, etc.). Parmi les entreprises qui se rendent coupables de violations flagrantes des droits des travailleur‧euse‧s, on retrouve bon nombre de sous-traitants d’entreprises multinationales. Celles-ci manquent systématiquement à leurs obligations et à l’application du devoir de diligence tout au long de la chaîne d’approvisionnement, comme prévu par les standards internationaux.

L’étude, réalisée sur la base de recherches documentaires, d’enquêtes de terrain et notamment de consultations avec les ouvrières du secteur textile dans le gouvernorat de Monastir, fait le constat de violations systématiques des droits des travailleur‧euse‧s, notamment l’absence de couverture sociale, des licenciements abusifs, la non-comptabilisation des heures supplémentaires, ainsi que des discriminations visant spécifiquement les femmes. Des recommandations sont formulées afin de lutter contre l’impunité des entreprises face aux violations de droit qu’elles commettent.

Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet PREVENT – Pour une Responsabilité et une Vigilance des Entreprises, déployé en collaboration par Avocats Sans Frontières (ASF), le Forum Tunisien des Droits économiques et sociaux (FTDES) et l’organisation I Watch. Ce projet a notamment permis la mise en place d’un mécanisme visant à fournir l’accès à l’information et à l’assistance judiciaire aux personnes les plus exposées aux violations des activités des entreprises industrielles, notamment dans le secteur du textile.

L’étude sera publiée sur le site d’ASF à la fin du mois de juin. Vous pouvez déjà lire le policy brief sur le site d’ASF : « Les travailleueur‧euse‧s du textile tunisien en quête de dignité et de justice face à des pratiques abusives et discriminatoires ».

Policy Brief : Les travailleueur.euse.s du textile tunisien en quête de dignité et de justice face à des pratiques abusives et discriminatoires

Justice ExPEERience : un réseau et une plateforme pour la promotion des droits humains

Cet article a été rédigé dans le cadre de la réalisation du rapport annuel 2022 d’ASF, bientôt disponible sur le site d’ASF.

Justice ExPEERience est un réseau international regroupant des acteur.rice.s actif.ve.s dans la promotion des droits humains œuvrant sur les 5 continents. Il s’agit avant tout d’un réseau collaboratif, dans lequel les membres sont invité.e.s à mutualiser leurs connaissances, à partager leurs expériences et expertises, mais aussi amené.e.s à travailler ensemble, en coalitions ou communautés de pratique, sur des projets concrets de monitoring des violations de droits humains, des contentieux stratégiques ou encore des actions de plaidoyer.

Plus d’un an après son lancement, le réseau Justice ExPEERience compte plus de 400 membres. Parmi eux.elles, des activistes, des juristes, des chercheur.e.s, des membres de la société civile, etc. qui travaillent dans les domaines de la justice et de la promotion des droits humains. L’ambition d’ASF est de créer un environnement qui permette à tou.te.s ces acteur.rice.s de collaborer et de renforcer mutuellement leur expertise et leurs capacités.

C’est pourquoi ASF a commencé à développer en 2021 la plateforme numérique Justice ExPEERience. Cet outil numérique permet d’animer et de structurer le réseau. C’est là que les échanges se font, que l’apprentissage entre pair.e.s de différentes régions devient possible, que les groupes de travail se forment et que se déploient les collaborations.

Afin de garantir la sécurité de ses membres et la confidentialité des informations partagées sur Justice ExPEERience, les données sont hébergées directement sur les serveurs d’ASF et ne transitent pas par les serveurs des grandes entreprises du numérique. Pour promouvoir la création de réseaux multipays et répondre aux besoins d’un maximum d’acteur.rice.s, Justice ExPEERience est  une plateforme multilingue : son interface est actuellement disponible en allemand, en anglais, en arabe, en français et en portugais ; et les contenus et actualités postés peuvent être traduits dans d’autres langues grâce à un outil de traduction instantanée. En 2022, la plateforme a également été développée sous forme d’application mobile, téléchargeable et utilisable sur smartphones, afin de la rendre plus accessible dans tous les contextes.

Sur Justice ExPEERience, l’ensemble des membres peuvent partager des informations, de l’actualité et interagir comme sur un réseau social, sur différentes thématiques relatives aux droits humains ; mais il.elle.s peuvent également se partager de la documentation et collaborer directement en ligne, de manière sécurisée, sur des documents. Différents lieux de collaboration sont ouverts sur la plateforme, sur des thématiques ou des projets précis : la plateforme héberge 250 espaces collaboratifs, dont 20 espaces publics dédiés à l’échange et au partage d’informations thématiques entre tou.te.s les membres du réseau. Les membres de Justice ExPEERience sont donc invité.e.s à collaborer non seulement sur des espaces de partage publics, ouverts à tout le réseau, mais également sur des espaces privés confidentiels strictement réservés aux membres qui travaillent sur un projet commun.

Communauté(s) Justice ExPEERience

Sur ces différents espaces, les membres du réseau peuvent travailler ensemble, en coalitions ou communautés de pratique, en maintenant le niveau souhaité d’ouverture ou de confidentialité de leur travail. En 2022, Justice ExPEERience a développé plusieurs communautés de pratiques, constituées d’acteur.rice.s de la société civile implémentant des projets dans différents pays. Il.elle.s y déploient et coordonnent des actions conjointes de monitoring des violations de droits humains (dans différents pays), de contentieux stratégiques (nationaux ou transnationaux) ou encore de plaidoyer (à l’échelle locale, régionale ou internationale). Dans les espaces confidentiels qui leur sont dédiés, les communautés de pratique disposent notamment d’une bibliothèque partagée et collaborative, que les membres enrichissent, afin de favoriser la diffusion horizontale de l’expertise et l’apprentissage entre pair.e.s. Ce partage d’expertise et d’informations a également lieu dans les espaces thématiques ouverts à tou.te.s les membres, faisant de Justice ExPEERience en elle-même une communauté de pratique internationale et multisectorielle.

Pour dynamiser le réseau et nourrir les échanges entre ses membres, des ExPEERience Talks sont organisés chaque mois afin de favoriser la diffusion de l’expertise et des connaissances. Il s’agit de webinaires à l’occasion desquels des membres du réseau présentent une recherche, un projet, un outil, ou une analyse, en lien avec la promotion des droits humains et de la justice. En 2022, 5 ExPEERience Talks ont eu lieu, sur des sujets aussi variés que les trajectoires des migrant.e.s tunisien.ne.s rappatrié.e.s d’Italie, la gouvernance des ressources naturelles en Ouganda et en RDC, les pratiques pénales en RCA, ou encore la portée et l’impact des décisions de la Cour Africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Chaque mois, les informations relatives aux nouvelles recherches, activités et événements du réseau sont partagées dans une newsletter, The ExPEERience Letter.

Justice ExPEERience a l’ambition de se développer encore davantage en 2023 : attirer de nouveaux membres, enrichir la création et le partage d’expertise à travers sa plateforme mais aussi ses Talks et sa newsletter, développer de nouvelles collaborations – notamment transnationales –, s’ouvrir à des partenariats avec des acteur.rice.s externes et faire évoluer la plateforme et ses outils pour répondre au mieux aux besoins de ses membres. Justice ExPEERience fera notamment l’objet d’une tech-demo lors du sommet international pour le numérique et les droits humains, le RightsCon, en juin 2023.

ExPEERience Talk #9 – Le numérique au service des victimes et de la justice : le projet Back-up de We are NOT Weapons of War

  • Quand ? Jeudi 4 mai à 13h (Bruxelles)
  • En ligne (Big blue Button)
  • Langue de la présentation : Français

ExPEERience Talk #9 – Le numérique au service des victimes et de la justice : le projet Back-up de l’organisation We are NOT Weapons Of War, présenté par Céline Bardet

Pour ce 9ème ExPEERience Talk, nous sommes ravi.e.s de recevoir Céline Bardet, fondatrice de l’organisation We are NOT Weapons of War (WWOW) qui a pour mandat de lutter contre les violences sexuelles dans les conflits, notamment contre le viol comme arme de guerre. Elle reviendra sur l’importance, face à ces enjeux, de l’accompagnement – notamment juridique – des victimes, mais aussi de la sensibilisation et du plaidoyer à l’échelle mondiale.

Lors de ce Talk, Céline Bardet présentera le processus de développement du projet Back Up, lancé par WWOW en 2018. Ce projet vise à répondre aux trois défis majeurs posés par le viol de guerre : l’impossibilité pour les victimes d’accéder aux services adaptés ; le manque de coordination des professionnel.le.s impliqué.e.s ; et le manque de données fiables sur l’ampleur des violences sexuelles en conflit. Il s’agit d’un outil numérique, accessible sur mobile, crypté et sécurisé, qui permet aux victimes de se signaler et de transmettre les preuves, et aux professionnel.le.s impliqué.e.s, de mieux se coordonner. Après une première phase pilote, Back Up est à présent en cours de déploiement dans plusieurs pays, notamment en Ukraine et en République démocratique du Congo.

Ce Talk sera l’occasion de présenter la genèse du projet, ainsi que le développement et le fonctionnement de l’outil. Quel a été le processus permettant d’en faire un outil répondant au mieux aux besoins réels des victimes, facilement utilisable par tou.te.s, même dans les contextes les plus fragiles ? Comment assurer la sécurité des données collectées, et des victimes qui se signalent ? Quelle est la démarche d’appropriation de l’outil, dans les contextes de guerre, par les partenaires locaux.les et les victimes ? Céline Bardet reviendra notamment sur la méthodologie de développement et la portée de ce projet numérique au service, non seulement, des victimes mais aussi de la collecte de preuves et de données et, in fine, du plaidoyer contre les violences sexuelles dans les conflits.

Tunisie : De l’État d’exception au virage populiste et autoritaire

Crédit photo : Véronique Pipers

ExPEERience Talk ‘Dérive autoritaire en Tunisie : diagnostic et cartographie des pouvoirs’ (Webinaire)

???? Jeudi 30 mars: 12h (Tunisie) / 13h (Bruxelles) / 14h (Kampala)
???? Langue : français ; Présenté par Lamine Benghazi (coordinateur de programme pour ASF en Tunisie) et Mahdi Elleuch (coordinateur du département de recherche pour Legal Agenda à Tunis)
???? Télécharger le dernier rapport « 365 jours après l’article 80 », publié par l’Alliance Sécurité et Liberté

Tunisie : De l’État d’exception au virage populiste et autoritaire

Alors que la Tunisie incarnait jusqu’alors l’exception démocratique de la région après les révolutions arabes de 2011, le coup du Président Saied le 25 juillet 2021, date à laquelle le pays est entré en Etat d’exception (suspension du Parlement, limogeage du chef du gouvernement et prise de contrôle de l’exécutif et du législatif par le Président), a généré une crise de l’Etat de droit qui risque aujourd’hui plus que jamais de mettre un terme à la transition démocratique en Tunisie.

Ce virage autoritaire, la fin de la séparation des pouvoirs, entérinés par la nouvelle Constitution votée un an plus tard par moins d’un tiers des électeur.rice.s, s’est accompagné d’atteintes croissantes et majeures à l’Etat de droit et aux droits et libertés. Révocation arbitraire de juges, presse et médias qui subissent de plus en plus d’entraves, opposant.e.s, avocat.e.s, syndicalistes et journalistes poursuivi.e.s et arrêté.e.s. L’espace civique se rétrécit chaque jour davantage et les associations semblent être les prochaines dans le viseur du pouvoir. Les institutions indépendantes issues de la Constitution de 2014, comme le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), l’Instance de contrôle de constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) ou encore l’instance de lutte anti-corruption (INLUCC) ont aussi été méticuleusement démantelées. L’ISIE, instance chargée des élections, désormais inféodée au pouvoir, a organisé en décembre et janvier derniers des législatives boudées par l’écrasante majorité des Tunisien.ne.s (89%). Enfin, la montée de la xénophobie, alimentée par les propos complotistes et racistes du Président en février 2023, a généré une vague de violence sans précédent envers les personnes noires, essentiellement des migrant.e.s subsaharien.ne.s.

Le tableau est d’autant plus sombre à l’heure où la crise économique et sociale continue de s’aggraver, générant paupérisation et le départ, au péril de leur vie, de nombreux.seuse.s Tunisien.ne.s et migrant.e.s depuis les côtes. Le pays peine aussi toujours à conclure un accord avec le Fonds Monétaires Internationales (FMI) et la perspective du défaut de paiement se rapproche dangereusement.

« 500 jours après l’article 80 » : le travail de monitoring de l’Alliance Sécurité et Libertés

Dès le 25 juillet 2021, ASF et les membres de l’Alliance Sécurités et Libertés, ont entamé un important travail de monitoring portant sur les conséquences des actions du président Kais Saied sur la situation de l’Etat de droit et des libertés en Tunisie. À travers une analyse qualitative et quantitative, quatre bulletins périodiques ont déjà été publiés 50, 100, 200 et 365 jours après le 25 juillet 2021. Le prochain bulletin à paraître, qui couvrira les développements depuis le vote de la nouvelle Constitution unilatéralement rédigée par le Président Saied, proposera une analyse sur la grave détérioration de la situation  du pays ces derniers mois.

L’analyse de l’échiquier politique et institutionnel (I) reviendra notamment sur la nouvelle répartition des pouvoirs issue de la Constitution de 2022, l’abstention massive aux scrutins de la dernière année écoulée à la suite de processus électoraux bafouant tout standard d’élections libres et l’émergence de nouvelles institutions douteuses en termes de  légitimité et d’indépendance ainsi que sur la situation du pouvoir judiciaire et la crise socio-économique que traverse le pays.

Les droits et libertés (II) abordera elle l’instrumentalisation de la justice contre les opposant.e.s au régime, la répression de la presse et des médias et du travail syndical ou encore la situation migratoire en Tunisie, et les violences massives subies par les personnes noires dans le pays.

Enfin, le positionnement (III) analysera les recompositions de la scène politique tunisienne et de leurs positionnements vis-à-vis de la « feuille de route » du Président. Seront également analysées les réactions de l’étranger par rapport aux dérives du régime ainsi que la politique diplomatique tunisienne, notamment ses efforts de rapprochement avec les États arabes et l’Italie.

ExPEERience Talk

Comment en est-on arrivé là ? Quel est l’état de la résistance face à ces dérives ? Quelles perspectives pour l’avenir ?

Pour apporter des éléments de réponse à ces questions et fournir une analyse du tournant autoritaire en Tunisie, nous recevrons Lamine Benghazi (coordinateur de programme pour ASF en Tunisie) et Mahdi Elleuch (coordinateur du département de recherche pour Legal Agenda à Tunis) le jeudi 30 mars pour notre 8ème ExPEERience Talk. Intitulé « Dérive autoritaire en Tunisie : diagnostic et cartographie des pouvoirs« , ce Talk prendra la forme d’un dialogue entre nos deux invités, puis d’un échange avec les participant.e.s, concernant la situation actuelle en Tunisie, ses enjeux et ses conséquences, sur la base de l’analyse effectuée dans le cadre de l’élaboration du rapport « 500 jours après l’article 80 » qui sera publié prochainement.

L’alliance Sécurité et Libertés

L’Alliance pour la Sécurité et les Libertés (ASL) est une alliance d’organisations de la société civile tunisienne et internationale basée en Tunisie qui, dans la continuité de la Révolution de la Liberté et de la Dignité, réfléchit, mobilise et agit pour que la Tunisie consolide la construction d’un Etat démocratique dont les politiques publiques sont au service des citoyens garantissant la paix, le respect de leurs droits humains et de l’égalité entre toutes et tous.

Rapports

Retrouvez tous les rapports de l’Alliance Sécurité et Libertés. Le rapport ‘500 jours après l’article 80’ est en cours de rédaction et sera bientôt disponible.

365 jours après l’article 80

200 jours après l’article 80

100 jours après l’article 80

50 jours après l’article 80

ASF lance Justice ExPEERience, un réseau pour les défenseur.e.s des droits humains !

La naissance du réseau Justice ExPEERience

Confronté à un environnement dynamique et en perpétuel changement, ASF a depuis plusieurs années amorcé un tournant stratégique important. Les réflexions et constats autour du rôle et de la mission d’ASF ont amené à repositionner l’organisation en tant qu’acteur.rice capable de mobiliser, de créer du lien et d’animer des dynamiques de collaboration entre des acteur.rice.s d’horizons divers. Que ce soit pour mettre en œuvre des projets, développer des approches transnationales, avoir une influence plus forte (plaidoyer), renforcer les actions collectives, ASF aspire à devenir un.e acteur.rice qui rassemble, qui anime non seulement des partenariats mais aussi des réseaux, sur la base d’expertises contextualisées.

C’est dans cette optique qu’est né le réseau Justice ExPEERience, qui vise à mettre en lien les acteur. rice.s de la lutte pour les droits humains et de l’accès à la justice à travers le monde, tout en leur permettant de conserver leur autonomie et en les encourageant à créer des dynamiques avec ou sans ASF. Afin de donner un support concret à ce réseau, ASF s’est également dotée d’un outil du même nom dédié à la création de liens durables de coopération et d’apprentissage entre pair.e.s : la plateforme digitale et collaborative Justice ExPEERience.

Développer des réseaux et des communautés de pratique

Outre son intérêt pour améliorer les échanges et le travail collectif en interne chez ASF, la plateforme Justice ExPEERience est avant tout un outil pour le développement de réseaux et de communautés de pratique. Mais qu’entend-on exactement par communauté de pratique ? Une communauté de pratique est un groupe de personnes travaillant dans un domaine similaire ou partageant des intérêts pour un même sujet, qui se réunissent pour échanger, apprendre de l’expérience des un.e.s et des autres afin de renforcer leurs savoirs et leurs compétences, de mieux réaliser leurs objectifs, voire de porter des projets communs.

Avec ses partenaires, ASF a ainsi constitué des communautés de pratique très actives dans plusieurs contextes. Justice exPEERience a notamment permis de développer une communauté de pratique en République démocratique du Congo (RDC) autour d’une action de contentieux stratégique mettant l’État congolais face à ses responsabilités en matière de détention préventive abusive et de mauvaises conditions de détention. D’abord constituée lors de rencontres physiques ponctuelles, cette communauté a pu poursuivre collectivement son action tout en assurant une continuité dans l’apprentissage des membres à travers la plateforme Justice ExPEERience. Disposer d’un outil de travail collectif en ligne fut crucial pour développer cette action qui regroupe des membres actif.ve.s dans les différentes provinces de la RDC.

Sur base des enseignements tirés de cette première expérience concluante, plusieurs nouvelles communautés de pratique commencent à voir le jour sur la plateforme, réunissant parfois des partenaires provenant de différentes régions voire de différents pays.

L’organisation de la plateforme Justice ExPEERience

La plateforme Justice ExPEERience permet donc de mettre en lien des acteur.rice.s des droits humains sur des projets spécifiques dans le cadre de communautés de pratique. Afin d’assurer des échanges structurés et organisés, elle est divisée en espaces, dédiés à des thématiques, des contextes ou des projets spécifiques. Il s’agit d’un véritable réseau social sur lequel chaque utilisateur.rice dispose de sa page de profil personnalisable, de ses espaces de discussion et d’échange et de plusieurs fils d’actualité associés aux thématiques sur lesquelles il.elle travaille.

La plateforme vise également à constituer, au fil du développement de toutes ces communautés digitales, un réseau bien plus large et international, amené à échanger sur des thématiques et enjeux globaux, que ce soit directement dans les espaces publics dédiés ou même aussi lors de rencontres virtuelles organisées sous la forme de webinar sur la plateforme. C’est d’ailleurs dans cette optique que la plateforme est rendue accessible en plusieurs langues, dont l’anglais, le français et l’arabe.

Une adaptation en continu

Justice ExPEERience offre beaucoup de perspectives à ASF et ses partenaires. La plateforme continue à être développée en prenant en compte les retours d’expérience de ses membres pour répondre au mieux aux besoins d’ASF et de ses partenaires. Elle est en évolution constante, de nombreuses améliorations et ajouts sont prévus, notamment le développement prochain d’une application mobile pour garantir une meilleure accessibilité de la plateforme partout dans le monde