Egypte: inquiétudes quant à la détention de l’avocat défenseur des droits de l’homme Malek Adly

L’Association internationale des jeunes avocats (AIJA) et ASF sont profondément inquiètes quant à la détention de l’avocat défenseur des droits de l’homme Malek Adly au Caire, depuis son arrestation la semaine dernière. Les deux organisations lancent un appel pour le respect du libre exercice des professions juridiques en Égypte. Adly est un éminent avocat des droits de l’homme et dirige le Réseau des avocats du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux (ECESR). Il est aussi le co-fondateur du Front de défense des manifestants égyptiens, un groupe composé de 34 organisations de défense des droits de l’homme et de plusieurs avocats, qui documente les pratiques illégales employées par les forces de police contre les manifestants pacifiques. Un mandat d’arrêt a été lancé contre M. Adly le 23 avril 2016 à la suite d’une manifestation contre la décision du président Abdel Fattah el-Sisi de céder deux îles de la mer Rouge sous administration égyptienne à l’Arabie Saoudite, et contre les abus des droits de l’homme commis par les forces de sécurité égyptiennes. L’arrestation de M. Adly fait suite à une vague d’arrestations dans le pays liée aux manifestations organisées contre cette décision du président égyptien, et qui concernerait plus de 1.200 personnes. Selon les avocats de M. Adly, celui-ci a été violemment battu par le personnel de sécurité lors de son arrestation le 5 mai 2016, et ils ont déposé plusieurs plaintes auprès de différentes autorités sur les violations commises à son égard lors de son arrestation et de l’enquête. Adly va rester en garde à vue pendant 15 jours, le temps qu’une enquête soit menée sur base d’une série de présomptions à son encontre, qui incluent une tentative de renversement du régime en place, l’affiliation à une organisation interdite, et la diffusion d’informations fausses, présomptions qu’il a niées lors de son interrogatoire. L’AIJA et ASF appellent les autorités égyptiennes à respecter sans condition la Constitution égyptienne et leurs obligations internationales, et à respecter les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et le droit de libre exercice de la profession d’avocat. En tant qu’ONG internationale spécialisée dans l’accès à la justice, ASF a mis en place un programme régional pour promouvoir et améliorer le champ de la liberté d’expression dans la région d’Afrique du nord et du Moyen-Orient. La répression menée actuellement contre des avocats tels que Malek Adly, Ahmed Abdallah, président du Conseil de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés (ECRF) arrêté le 25 avril dernier, et de nombreux autres défenseurs des droits de l’homme constitue une menace sérieuse pour la liberté d’expression en Égypte. Avec ASF, M. Adly était intervenu lors de la conférence annuelle de 2015 de l’AIJA à Londres où il avait présenté les enjeux et les difficultés du travail d’ avocat en droits de l’homme dans le contexte du soulèvement national et de la transition démocratique en Égypte. Son discours liminaire sur le rôle des avocats dans la défense de la liberté d’expression avait sensibilisé nombre de jeunes avocats européens.
Photo © ECESR

Nouvelle défaite pour la liberté d’expression en Egypte

Le Caire/Bruxelles, le 31 août 2015 – Dans un verdict prononcé samedi par la Cour Pénale du Caire, les journalistes d’Al Jazeera English, Mohamed Fahmy, le correspondant Peter Greste (in absentia) et le producteur Baher Mohamed, ainsi que leurs co-prévenus, ont été reconnus coupables de ne pas s’être enregistrés comme journalistes, et d’avoir travaillé depuis un hôtel du Caire sans autorisation. Ils ont été condamnés à 3 ans de prison, et Baher Mohamed à 3 ans et 6 mois. Ayant conjointement observé tout le procès, la Commission égyptienne pour les Droits et la Liberté (ECRF) et Avocats Sans Frontières (ASF) déplorent cette décision qui est une nouvelle défaite pour la liberté d’expression en Egypte. De plus, les deux associations s’inquiètent des conditions dans lesquelles cette affaire a été menée et utilisée pour intensifier le contrôle sur la presse en Égypte.

Cette décision est liée à l’arrestation, le 29 décembre 2013 de plusieurs journalistes et techniciens qui travaillaient pour une branche de la chaîne qatari Al-Jazeera Media Network, la chaîne Al-Jazeera en anglais (AJE). Les journalistes ont été poursuivis conjointement avec un groupe de personnes soupçonnées d’appartenir à une organisation terroriste du nom des Frères Musulmans.

Avec une équipe de quatre personnes, ASF et l’ECRF ont observé toute la réouverture du procès (12 audiences depuis février 2015). Le procès présentait des garanties significatives en matière de conduite des audiences ce qui démontre, jusqu’à un certain point, une volonté de garantir l’équité des procédures.

Les deux associations expriment toutefois leurs inquiétudes sur la manière dont l’affaire a été motivée par le Procureur et traitée par les magistrats, et ce depuis le début.

Il a été observé que certaines accusations sur base desquelles les poursuites judiciaires ont été lancées – en particulier celles relatives à l’appartenance à une organisation terroriste – n’ont été ni débattues durant les audiences, ni soutenues par des preuves factuelles. Ceci constitue une violation des règles fondamentales en matière de procédure pénale.

Une des conséquences directes des accusations pour terrorisme à l’encontre des journalistes a été que l’affaire a été portée devant une cour spécialisée. De plus, l’affaire a été entendue dans une salle d’audience située dans un complexe pénitentiaire, sous le contrôle exclusif du Ministère de l’Intérieur, et non dans un lieu judiciaire public, ce qui a limité l’accès du public. Enfin, la disposition de la salle d’audience constituait une violation des droits fondamentaux des prévenus: ces derniers avaient été placés dans une cage en verre, ce qui a eu un impact sur leur défense.

L’affaire a été perçue par la communauté internationale comme emblématique du traitement des journalistes soupçonnés de terrorisme par l’application de procédures judiciaires abusives. “Cette affaire est exemplative de la manière dont une question de liberté de la presse peut être considérée et traitée comme une affaire de terrorisme, avec des conséquences graves et irréversibles pour les journalistes concernés”, estime Chantal van Cutsem, Coordinatrice stratégique pour les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord chez ASF.
En connaissance de cause, l’ECRF et ASF appellent les autorités égyptiennes à respecter de manière inconditionnelle la Constitution égyptienne, qui garantit le respect de la liberté de la presse et des journalistes.

Elles invitent les autorités égyptiennes à réformer la législation relative aux médias de manière à ce qu’elle soit conforme aux standards internationaux en matière de presse et autres médias et, en particulier, décriminaliser la pratique du journalisme exercé sans appartenir au Syndicat des Journalistes.

Les autorités égyptiennes sont également invitées à réviser les conditions et les procédures concernant les correspondants internationaux travaillant en Égypte, de manière à s’assurer à ce que les journalistes puissent travailler en toute liberté, indépendance et sans intimidation.

Téléchargez ici le dossier de presse complet de l’ECRF et d’ASF (pdf)

Photo: © Youtube/Al Jazeera English