Le procès Corrie dédouane l’Etat israélien de toute responsabilité

Haïfa/Bruxelles, 28 août 2012 – Avocats Sans Frontières (ASF) regrette que la responsabilité de l’Etat israélien ait été écartée par le Tribunal de district d’Haïfa dans l’affaire « Rachel Corrie ». Dans son verdict prononcé aujourd’hui sur les circonstances de la mort de l’activiste américaine, le juge a estimé que l’enquête interne sur les responsabilités des Forces de Défense Israéliennes (IDF) avait été menée de manière «appropriée». Or, pour ASF, qui observe le procès depuis 2010, l’enquête n’a été pas conduite de façon complète, crédible et transparente. La décision pose question quant à l’obligation de l’Etat israélien d’assurer la protection physique des civils dans les Territoires Palestiniens Occupés.

Bénévole auprès de l’ONG International Solidarity Movement, Rachel Corrie a été tuée dans la bande de Gaza le 16 mars 2003, écrasée par un bulldozer de l’armée israélienne. Avec d’autres volontaires, Rachel Corrie protestait contre la démolition prévue de maisons palestiniennes dans la zone de Rafah.

Rachel Corrie © Sara Simpson

Suite à l’enquête interne menée par la police militaire israélienne, l’affaire avait été classée : le conducteur du bulldozer n’avait pas vu Rachel et n’aurait pas pu la voir, ce que contredisent formellement les collègues de Rachel présents sur les lieux.

Le gouvernement israélien n’avait jamais communiqué le rapport d’enquête, malgré les demandes répétées de la famille de la victime. La famille, en quête de justice et de vérité, a finalement intenté une action en responsabilité civile contre l’Etat israélien.

« Déclarer que l’enquête interne a été menée correctement discrédite la décision de justice. Il ressort de plusieurs éléments du dossier – dont des témoignages de membres de l’armée entendus à l’audience – qu’il y a eu des failles importantes au niveau de l’enquête concluant à l’absence de responsabilités au sein de l’armée», estime Lara Deramaix, Coordinatrice ASF en charge d’Israël et des Territoires Palestiniens Occupés.

A la demande de la famille Corrie, ASF assure, en toute indépendance, une observation de ce procès depuis 2010. Mandatée par ASF, Smadar Ben Natan, avocate israélienne, a assisté au prononcé de ce jour: « La Cour a adopté tous les arguments présentés par l’Etat. Par conséquent, la décision ne répond pas aux questions liées à l’évènement (décès causé par le bulldozer) et à la responsabilité des autorités, y compris militaires. Les interrogations soulevées par l’enquête interne incomplète sont également laissées sans réponse ».

Dans son verdict, le juge d’Haïfa a estimé que l’activiste américaine s’était mise elle-même dans une situation de danger. Pourtant, l’activiste portait une veste fluorescente et s’était adressé aux soldats avec un mégaphone pendant plusieurs heures avant son décès.

« Considérer que Rachel Corrie a agi à ses risques et périls en interférant dans une opération militaire en cours permet de dédouaner l’Etat israélien de toute responsabilité et d’écarter la question de savoir si l’armée a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter ce drame », conclut Lara Deramaix.

Lien: la Fondation Rachel Corrie

Photo de couverture: des activistes viennent en aide à Rachel Corrie quelques instants après qu’elle ait été écrasée par un bulldozer de l’armée israélienne – Rafah, Gaza, le 16 mars 2003 © Sara Simpson

ASF Housing Rights Report (May 2011)

Le droit au logement des Palestiniens à Jérusalem-Est n’est pas respecté

Bruxelles, le 7 juin 2011 – La violation du droit au logement des Palestiniens habitant Jérusalem-Est par les autorités israéliennes affecte directement la vie des familles palestiniennes et est en infraction avec le droit international.  Telle est la conclusion d’un rapport mandaté par ASF. Le rapport présenté à Bruxelles le 31 mai 2011 résulte d’une mission d’observation faite par une délégation d’avocats anglais à Sheikh Jarrah, un quartier situé à Jérusalem-Est.

Depuis le début de l’occupation israélienne et l’annexion de Jérusalem-Est en 1967 jusqu’à aujourd’hui, les familles de réfugiés palestiniens ont été la cible d’expulsions forcées. Une  soixantaine de personnes ont récemment été chassées de leurs maisons tandis que 500 autres font face à des menaces d’expropriation et de déplacement. Cette situation est contraire à la Quatrième Convention de Genève qui interdit toute mesure de la part des forces d’occupation de déporter des habitants ou de transférer une partie de sa propre population vers le territoire occupé. Or « en ce qui concerne Jérusalem-Est, le gouvernement israélien a bien pris de telles mesures », estime le rapport présenté à l’occasion d’un séminaire organisé par ASF. La situation à Sheikh Jarrah illustre le fait qu’Israël ne respecte pas ses obligations en matière de droit international et « fait intégralement partie de la politique illégale de colonisation dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) ».

Un autre aspect mis en évidence par le rapport porte sur la manière dont ces expulsions se déroulent. Ainsi, la police israélienne qui assiste aux expulsions et démolitions des habitations appartenant aux Palestiniens est présente de façon disproportionnée, bloquant les routes et faisant usage d’une force tout à fait inutile pour expulser les familles touchées. « Quand elles [les Forces de Défense Israéliennes] sont venues pour nous expulser, c’était comme si l‘on était en zone de guerre », témoigne une femme palestinienne à la délégation. « Il était quatre heures du matin. Dans l’heure, les colons ont occupé notre maison, utilisant nos affaires ». Résultat: les personnes expulsées sont sans logement et ne bénéficient d’aucune aide de la part des autorités d’occupation israéliennes.

A Sheikh Jarrah, « on assiste à une violation persistante du droit à l’autodétermination des peuples, qui est la pierre angulaire du droit international », déclare un avocat enregistré à la Cour Européenne des Droits de l’Homme et membre de la délégation. Le rapport conclut que les processus israéliens de contrôle de planification et de répartition en zones sont sous-tendus par des motivations politiques visant à manœuvrer l’équilibre démographique entre habitants israéliens et palestiniens, ces derniers étant victimes d’une crise du logement.

Actuellement, quelques 190.000 Israéliens vivent dans des colonies implantées dans Jérusalem-Est.

Le programme d’ASF en Israël et dans les TPO vise à promouvoir le respect et l’application du droit international par le renforcement des capacités des avocats défendant les droits humains et les organisations de la société civile. Le rapport découle d’une demande adressée à ASF par des avocats locaux et des ONG et reprend les conclusions d’une  mission d’observation faite en décembre 2010. Pour accéder au rapport et à ses recommandations (version en anglais uniquement) : Enforcing housing rights : the case of Sheikh Jarrah (pdf en anglais).

Voir également interview « Jérusalem-Est, ce n’est pas Tel-Aviv »

[:en]« East Jerusalem is not Downtown Tel-Aviv »

Brussels, 6 June 2011 – Sami Erschied is Palestinian and Daniel Seidemann Israeli. Both are lawyers defending the rights of Palestinian families living in Sheikh Jarrah – an area in East Jerusalem – and forcibly evicted from their homes by the Israeli authorities. Present at the seminar organised by ASF in Brussels for the launch of a Report on housing rights: the case of Sheikh Jarrah (pdf), Erschied and Seidemann are calling upon the European Union and the international community to intensify their pressure to end these illegal evictions and restore the respect of international law over East Jerusalem.

For the last three years, more than 60 Palestinians have been forcibly evicted in Sheikh Jarrah and, according to the United Nations, at least another 500 are at risk of dispossession and displacement. “These families are so-called city refugees. They were already expelled from their homes in 1948 from areas that are now in Israel and were resettled by the United Nations with the help of the Jordanian Government in Sheikh Jarrah in 1956”, explains Sami Erschied who has a law firm in Jerusalem and is representing the families before the Israeli courts. “However, legal title to these homes was never formally transferred to the families. And now, Committees of Jewish settlers are claiming ownership pre-dating 1948”.

The evictions generally occur without reasonable notice, very quickly – often within minutes -, and in presence of Israeli police forces in massive numbers to avoid any resistance from the people being evicted. As a result, Palestinian families are left homeless and without assistance from the authorities.

“Technically, we can bring the cases of these evicted families in front of the Israeli Courts but in fact, the core legal principles are being denied to my clients”, says Erschied (picture left). Daniel Seidemann (picture right), human rights lawyer and founder of an Israeli non-governmental organization promoting an Israeli-Palestinian permanent status Peace agreement, agrees: “In this situation, the Israeli legal system is dysfunctional. Since 1967, East Jerusalem is territory occupied by Israel. This means that referring to the Israeli rule there is based on a fiction: from a legal point of view, East Jerusalem can simply not be considered as another part of Israel. It is not downtown Tel-Aviv”.

The fact that East Jerusalem is occupied territory also implies that, according to international law, Israel can neither deport nor transfer parts of population from/to East Jerusalem. “The ongoing evictions are thus violating international humanitarian law”, insists Erschied. “If the European Union could put pressure on Israel to respect its international legal obligations in East Jerusalem, this would greatly contribute to the improvement of the situation there”. “The ASF report is like a warning signal to the international community. It shows that the status quo over East Jerusalem is neither equitable nor sustainable”, considers Daniel Seidemann. While the ASF report brings a legal perspective, ultimately, “stopping the demolition of Palestinian houses and resolving the conflict is a political act”, he concludes.

See also other story Access to the ASF Report on housing rights