La campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme

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Cet article est extrait du rapport annuel 2022 d’ASF.

Le prochain ExPEERience Talk (webinar) organisé par ASF et son réseau Justice ExPEERience abordera le thème de la campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, le statut et l’activisme. Il aura lieu le jeudi 5 octobre 2023 à 12h (Tunis) – 13h (Bruxelles). Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire, la participation est gratuite.

La Campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme, lancée en Afrique, en Asie du Sud, en Amérique du Nord et dans les Caraïbes, est portée par une coalition d’organisations de la société civile qui plaident pour la révision et l’abrogation des lois qui visent les personnes en raison de leur statut (social, politique ou économique) ou de leur activisme.

Dans de nombreux pays, la procédure pénale, les codes pénaux et les politiques de maintien de l’ordre continuent de refléter un héritage colonial. Des délits datant de l’époque coloniale, tels que le vagabondage, la mendicité ou le désordre, sont couramment utilisés contre les personnes déjà en situation de vulnérabilité (sans-abri, personnes porteuses d’handicaps, usager‧ère‧s de drogues, LGBTIQ+, travailleur‧euse‧s du sexe, personnes migrantes…), dans le seul but de criminaliser ce qu’elles représentent dans la société plutôt que les délits qu’elles ont commis.

Parallèlement, dans plusieurs de ces pays, on assiste à une instrumentalisation du droit pénal pour réprimer l’activisme et étouffer la dissidence. Les lois sur la sédition datant de l’époque coloniale et les lois plus récentes sur l’ordre public, par exemple, sont des outils omniprésents déployés par les États pour étouffer les protestations et limiter la liberté d’expression. Les États utilisent l’appareil sécuritaire, la justice et la détention à l’encontre de personnes et de groupes qui ne représentent pas un danger pour la sécurité des citoyen.ne.s, mais plutôt pour le maintien du statu quo et les privilèges d’une minorité.

Cet abus de pouvoir a un coût profond en termes de droits humains, se manifestant par la discrimination, le recours à la force létale, la torture, l’emprisonnement arbitraire et excessif, des condamnations disproportionnées et des conditions de détention inhumaines. Cette situation, à laquelle s’ajoutent des formes d’oppression croisées, basées sur le sexe, l’âge, le handicap, la race, l’origine ethnique, la nationalité et/ou la classe sociale de personnes déjà en situation de marginalisation. Les populations les plus touchées par cette criminalisation du statut, de la pauvreté et de l’activisme sont aussi celles qui sont le plus affectées par des phénomènes tels que la surpopulation carcérale, la détention provisoire, la perte de revenus familiaux, la perte d’un emploi, etc.

En 2021, la campagne, qui regroupe des avocat.e.s, des juristes, des membres du pouvoir judiciaire, des militant.e.s et des expert.e.s de plus de 50 organisations,  a remporté des victoires importantes, notamment suite à des procès historiques contre diverses lois devant des tribunaux nationaux en Afrique. Nous pouvons citer l’adoption des principes sur la décriminalisation des délits mineurs par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et l’établissement par le Parlement panafricain en 2019 de lignes directrices pour une loi normative/modèle sur la police.

La Campagne représente donc une véritable opportunité pour un changement global des lois, politiques et pratiques pénales et sociales. Pour la première fois, la société civile se concentre sur les dysfonctionnements communs de la chaîne pénale et établit, entre autres, des liens entre la législation coloniale en matière de textes pénaux et la criminalisation de la pauvreté, dans un contexte mondial de rétrécissement de l’espace civique.

La campagne, à ce jour, est organisée à travers plusieurs comités : un comité mondial, dont ASF fait partie, et des sous-groupes thématiques et géographiques afin de garantir une meilleure représentativité des acteur.rice.s et un plus grand impact.

Avocats Sans Frontières est membre respectivement des comités de coordination des sous-groupes Francophonie et Afrique du Nord. Cette structuration voulue par la campagne vise à renforcer davantage les objectifs de recherche, les priorités et les cibles en matière de plaidoyer et de sensibilisation.

Á l’occasion du 18eme Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Djerba le 19 et le 20 Novembre 2022, ASF et ses partenaires au sein de la coalition Tunisienne pour la dépénalisation des délits mineurs et de la pauvreté, ont organisé un événement-parallèle à Djerba durant lequel des revendications ont été formulées à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), contenues dans un document public s’intitulant la « Déclaration de Djerba ». Les signataires estiment que l’OIF pourrait et devrait jouer un rôle central dans la promotion des valeurs des droits humains, et promouvoir la décriminalisation des infractions mineures qui, outre leur caractère discriminant, aggravent les phénomènes de surpopulation carcérale, qui sont eux-mêmes responsables de l’aggravation des conditions de détention inhumaines et dégradantes.

Le sous-groupe francophone, dont ASF est membre, a entamé une série de rencontres internes de concertation en mars 2023. Celles-ci doivent aboutir à la rédaction d’une charte qui rassemblera la vision et les objectifs communs de ses membres. Elle servira de base à la mise en place d’une stratégie de plaidoyer vis-à-vis des acteur.rice.s d’influence, à l’instar de l’Union européenne et ses États membres, l’Union Africaine et ses États membres, les différentes institutions européennes responsables des politiques de coopération, ainsi que les institutions et différents mécanismes des Nations Unies.