Durant ces mois d’été, ASF, dans le cadre du projet Intersections, vous informe des dernières actualités en matière de justice internationale. En direct du terrain, nos équipes font le point : avancées, blocages, appréhensions et attentes concernant la justice internationale et un meilleur accès à la justice pour les victimes.
Cette semaine, Prashannata Wasti, qui travaille pour notre partenaire INSEC, partage les dernières nouvelles en provenance du Népal. Découvrez de quelle manière le terrible tremblement de terre d’avril dernier interfère dans l’accès à la justice.
Q. : En mai 2015, plusieurs régions du Népal ont été touchées par un terrible tremblement de terre. Dans quelle mesure cette catastrophe naturelle a-t-elle un impact sur l’accès à la justice et la prise en charge des crimes du passé ?
R : Après le tremblement de terre, la question de la justice internationale a subi un revers. Cependant, le tremblement de terre a tout de même eu un aspect positif : tous les grands partis politiques ont accepté de promulguer la nouvelle constitution pour la fin du mois de juillet. « Pour l’instant, une Constitution intérimaire est en vigueur au Népal. Elle a été rédigée dans le but d’initier le processus de transformation d’une monarchie unitaire et constitutionnelle vers une république fédérale. Un processus participatif permettant aux défenseurs des droits de l’homme d’examiner et de commenter le nouveau projet de Constitution a été mis sur pied. Nous espérons que lorsque la nouvelle Constitution aura été promulguée, politiques et organisations de défense des droits de l’homme concentreront à nouveau leurs efforts sur la justice internationale dans notre pays, une question cruciale.
Q. : Comment percevez-vous actuellement le rôle de la communauté internationale dans le soutien à la justice internationale au Népal ?
R : Nous sommes très reconnaissants envers la communauté internationale pour son aide afin de remédier à la situation d’urgence suite au tremblement de terre. Bien évidemment, les principales agences d’aide humanitaire se concentrent sur la reconstruction des infrastructures endommagées. Le premier objectif consiste à normaliser le quotidien de la population. Après un tel événement dramatique, ayant causé la mort de plus de 8 000 personnes, blessé des milliers d’autres et laissant de nombreuses personnes sans abri, il est tout à fait compréhensible que des problèmes comme la justice n’occupent pas le centre de l’attention. Cependant, nous espérons que le Népal se redressera rapidement et que la justice internationale sera rapidement remise à l’ordre du jour.
Q. : Dans quelle mesure le tremblement de terre a-t-il un impact sur les victimes de violations des droits de l’homme commises pendant la guerre et l’accès à la justice ?
R : Certains des districts les plus touchés par la guerre, comme Gorkha, Kavre et Dhading, ont également été touchés par le tremblement de terre. Les victimes du conflit sont également des victimes du tremblement de terre. C’est arrivé il y a plus de deux mois, mais le pays est encore sous le choc. Toute l’attention est tournée vers le tremblement de terre, et ce à tous les niveaux. Par exemple, les défenseurs des droits de l’homme sont en train d’assurer et de surveiller la distribution de l’aide humanitaire, garantissant qu’elle soit effectuée dans le respect de certains principes comme la non-discrimination. Nous pourrions dire que même si les organisations de défense des droits de l’homme continuent de soulever la question de l’accès à la justice, elle ne constitue pas une priorité.
Q. : Depuis la Journée Mondiale des Droits de l’Homme (10 décembre 2014), des avancements majeurs ont-ils été enregistrés dans le domaine de la justice internationale au Népal ?
R : Oui, certains avancements ont été enregistrés. Une loi adoptée en 2014 (Loi relative à la création de la Commission pour la recherche des personnes disparues et de la vérité et la réconciliation) contenait la possibilité d’accorder une amnistie aux auteurs de crimes internationaux et de graves violations des droits de l’homme. Les victimes, et la population en général, craignaient que les auteurs échappent à un procès. Plus de 200 victimes décidèrent de déposer une requête devant la Cour suprême du Népal, remettant dès lors en question les pouvoirs discrétionnaires des deux Commissions responsables de traiter les crimes du passé : la Commission vérité et réconciliation et la Commission pour la recherche des personnes disparues.
Le 26 février 2015, la Cour suprême a réduit les pouvoirs discrétionnaires des deux Commissions à octroyer l’amnistie et a estimé que le consentement de la victime devait être obligatoire pour tout acte de réconciliation. Les victimes ont salué cette décision de la Cour et, depuis février, le gouvernement népalais a défini le cadre de ces deux commissions et nommé des commissaires.
Un autre développement positif concerne le Colonel Kumar Lama. Arrêté à Londres en 2013, cet officier haut placé de l’armée népalaise a été accusé de deux chefs de torture pendant la guerre civile de 2005. Son procès a débuté début 2015 au Royaume-Uni.